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Gare aux surenchères populistes, avertit Crisis Group

La Tunisie fait face à une conjonction par bien des côtés inédite d’écueils d’essence majoritairement économique, mais aussi de santé avec le coronavirus et ses retombées sur le tourisme qui vient pourtant de signer une remarquable percée en 2020, et plus encore de contreperformance agricole due à une moins abondante pluviométrie. Sans parler bien sûr de cette résurgence du terrorisme, fort heureusement bénigne et parfaitement maîtrisée.

Mais ce sont les vicissitudes politiques qui causent le plus de frayeurs et suscitent de l’inquiétude chez les Tunisiens et même auprès de leurs partenaires de l’étranger. L’International Crisis Group vient de livrer une analyse, très probablement la plus complète et la plus pertinente de la situation en Tunisie en y décelant un nouveau binôme : le souverainisme/ populisme. L’ICR conclut à l’impérieuse nécessité de « traduire les attentes populaires exprimées lors du dernier cycle électoral et d’éviter l’installation d’un climat de surenchères populistes durable diminuant la capacité du pays à faire face aux défis économiques et à réagir rapidement à la dégradation de son économie nationale ainsi qu’à un possible choc extérieur ». Pour ce faire, recommande-t-il, il importe d’œuvrer à accroître la souveraineté économique de la Tunisie, conformément aux attentes populaires, tout en sauvegardant son intégration dans l’espace économique européen ». Cette dynamique nécessite la mise en place de mécanismes de dialogue entre les principaux acteurs politiques, syndicaux, administratifs et associatifs tunisiens afin que ces derniers formulent des orientations stratégiques nationales de long terme.

La Tunisie a « perdu un temps précieux »

Crisis group articule son analyse autour de trois données. D’abord, les élections législatives et présidentielles de fin 2019 ont remodelé le paysage politique tunisien. Une nouvelle classe politique soutenant et acquise au souverainisme a émergé au sein du parlement et de la présidence du pays. Quatre mois se sont écoulés avant que l’Assemblée n’approuve un nouveau gouvernement le 27 février 2020. Ensuite, la Tunisie a perdu un temps précieux. L’accent mis sur le souverainisme par les nouvelles forces politiques menace d’attiser le populisme croissant, les tensions politiques et la polarisation sociale. Il sera donc plus difficile pour le pays de s’attaquer à ses problèmes économiques et de sécurité. Enfin et pour conjurer cette poussée et ces enchères populistes, la nouvelle classe politique devrait aider à mettre en place des mécanismes de dialogue inclusifs constitutifs d’un consensus aux fins de la définition d’une orientation stratégique nationale à long terme, notamment en ce qui concerne les moyens d’accroître la souveraineté économique du pays.

C’est que de nouvelles figures et de nouveaux partis politiques ont fait leur apparition         portant certaines attentes populaires jouent désormais un rôle de premier plan dans la politique tunisienne. Cette nouvelle classe politique a connu un essor populiste en se livrant à des enchères de la même veine, attisant les tensions politiques, polarisant la société et réduisant la capacité du pays à relever les défis économiques et sécuritaires.

Le formalisme juridique de Saïed, élu à la magistrature suprême du pays semble répondre à l’exigence populaire d’une application du principe d’égalité devant la loi, une égalité qui passe par la moralisation et la restauration de l’autorité publique, la stricte neutralité du pouvoir judiciaire et le démantèlement des réseaux de « passe-droit ».20 Il défend l’idée d’un rétablissement de services publics forts dans le domaine de l’éducation, de la santé et des transports, et cite en exemple la Tunisie des années 1960.

Des espaces de dialogue fédérateur

Au nouveau gouvernement il incombera de ne pas ignorer la pression croissante des partisans et des militants en quête de changement social et politique (en particulier ceux qui ont voté pour le président Saïed, qui a remporté le second tour de l’élection avec près de 73 % des voix). Il ne doit pas non plus chercher à apaiser temporairement leurs espoirs par des mesures populistes (notamment en emprisonnant les « corrompus » ou en se livrant à une rhétorique antioccidentale).

Avec la présidence de la République et le Parlement, la nécessité se fait sentir de créer des espaces de dialogue qui réuniraient un maximum d’acteurs d’horizons politiques, sociaux et professionnels différents, afin de parvenir à un compromis sur la grande orientation stratégique nationale à long terme du pays. Cela permettrait d’atténuer les conflits idéologiques et de réduire la poussée populiste qui pourrait affaiblir la capacité du pays à faire face soit à un choc externe causé par la dégradation du contexte sécuritaire au niveau régional, soit à la détérioration de sa stabilité macro-économique.

Ces orientations pourraient, par exemple, porter sur l’amélioration de la qualité des services publics de première ligne (soins de santé, assistance sociale, éducation et transports). Elles pourraient proposer les outils les plus efficaces pour encourager l’action publique dans le domaine économique (législation socio-économique d’urgence) et démanteler progressivement les réseaux clientélistes qui affaiblissent la chaîne de commandement au sein des institutions et sapent la confiance entre celles-ci et de larges pans de la population. Ce dernier objectif pourrait être atteint grâce à des réformes fiscales et douanières et à l’intégration d’une partie du réseau commercial informel dans l’économie formelle. En outre, la création d’une agence de renseignement financier permettrait de prendre des décisions plus cohérentes sur les affaires économiques intérieures, notamment en ce qui concerne la planification stratégique, l’ouverture à de nouveaux marchés et l’utilisation de l’aide internationale.

Le rôle de l’UE

L’UE, qui est l’un des principaux partenaires de la Tunisie, devrait contribuer à consolider la stabilité du pays en soutenant ces orientations, leur élaboration et leur mise en œuvre, et en persuadant les créanciers internationaux, notamment le Fonds monétaire international (FMI), d’accepter le programme.

L’UE, qui est l’un des principaux partenaires de la Tunisie, devrait contribuer à consolider la stabilité du pays en soutenant ces orientations, leur élaboration et leur mise en œuvre, et en persuadant les créanciers internationaux, dont le Fonds monétaire international (FMI), d’accepter le programme. L’UE doit également profiter de la nouvelle configuration politique du pays pour se concentrer sur les domaines qu’elle soutient déjà, tels que la réforme de l’administration publique, la législation antitrust et le développement des régions périphériques, car cela serait moins susceptible d’être perçu comme une ingérence étrangère par ceux qui défendent la souveraineté nationale.

Traduction&synthèse : AM

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