AccueilLa UNEHors du FMI, point de salut!

Hors du FMI, point de salut!

Pour les Tunisiens, assurément et en un mot comme en mille, l’heure de vérité a sonné. Après avoir sondé, à leur grand dam, une variété de voies, il ne leur reste désormais que celle que leur offre, sans grand enthousiasme, du reste, le Fonds monétaire international. Pour avoir aligné retards, contretemps, moratoires, menées dilatoires, les différents gouvernements, chacun à son échelle, se sont comme ligués afin de précipiter le pays dans le lancinant sort qui est actuellement le sien.

Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi, l’a dit, ce mercredi, sans détour aux députés, histoire de les mettre devant leurs responsabilités que, eux-mêmes et leurs prédécesseurs ont souvent cherché à fuir. Il a clamé devant la Représentation nationale qu’il n’y a pas d’alternative à un accord avec le FMI avec les sujétions que l’on peut imaginer mais que l’on doit assumer sans broncher, alertant que le financement du budget par l’Institut démission mènerait à un « scénario vénézuélien » au motif qu’il rendra l’inflation incontrôlable. Il a cité un taux à trois chiffres. « La banque centrale ne peut pas rouvrir le financement du budget car l’inflation va augmenter de façon incontrôlable, et nous verrons un scénario vénézuélien se répéter en Tunisie », a-t-il déclaré, une claire allusion aux années d’hyperinflation au Venezuela qui ont conduit à une crise économique dans ce pays de l’OPEP autrefois prospère.

« Les deux prochains mois seront cruciaux, nous avons perdu beaucoup de temps pour arracher  l’accord avec le FMI, nous devons l’obtenir  pour éviter l’explosion », a ajouté  El Abassi, appelant à une trêve politique et économique pour sauver l’économie avant qu’il ne soit trop tard. « Si nous ne parvenons pas à un accord avec le FMI, les portes ne seront pas ouvertes, même pour un financement bilatéral comme celui des États-Unis », a indiqué El  Abassi.

La marge de manœuvre est mince voire inexistante !

Une perspective corroborée par l’économiste Moez Labidi, puissamment convaincu de l’inéluctabilité  d’un pareil accord, expliquant dans une interview à TAP, que « nous ne sommes plus à la veille de l’accord de 2013, où les marges de manœuvre étaient beaucoup plus importantes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, où elles sont très minces pour ne pas dire quasi inexistantes. Le besoin de financement est énorme, la  révolution du jasmin  est largement consommée, la prime de risque souveraine a fortement augmenté (plus de 900 points de base), compliquant ainsi, toute sortie sur les marchés financiers internationaux ».

Pis encore, la signature avec le FMI ne sera pas suffisante pour boucler l’exercice 2021,  a-t-il prévu citant maintes raisons dont le besoin de financement, déjà énorme, de 18,5 milliards de dinars, sans tenir compte d’un dérapage qui pourrait le ramener à dépasser les 23 milliards de dinars. Un dérapage qu’il a expliqué par un certain nombre de facteurs, notamment la hausse du prix du baril (aujourd’hui à 68 dollars contre 45 dollars dans le cadre de la LF 2021), les engagements de majorations salariales et de nouveaux recrutements et la révision à la baisse du taux de croissance et ses implications négatives sur les recettes fiscales. Du coup, un effort de prospection, supplémentaire, de financements bilatéraux s’impose pour boucler l’exercice 2021, surtout que les ressources de financement extérieur mobilisées jusqu’à fin mai, sont très faibles, a jugé l’expert.

Il s’y ajoute le fait qu’en cas de signature d’un accord avec le FMI, le premier décaissement risque de ne se réaliser que fin septembre ou en octobre, ce qui complique l’équation du financement, compte tenu des deux remboursements à honorer en juillet (500 millions de dollars,  emprunt sur 7 ans contracté en juillet 2014) et en août 2021 (500 millions USD, emprunt sur 5 ans, contracté en août 2016), d’une saison touristique ratée, et du retard dans la mobilisation des financements des autres bailleurs étrangers, déjà identifiés dans le budget 2021, dont le décaissement est conditionné par la signature de l’accord avec le FMI. « Tout retard dans la signature pourrait se traduire par une concentration des décaissements des montants alloués par les autres bailleurs entre fin 2021 et début 2022 et par des pressions de trésorerie », a-t-il averti.

Il y a ensuite le projet prêté au gouvernement d’effecteur deux sorties sur le marché financier international d’un montant total de 6,6 milliards de dinars, soit l’équivalent de 2 milliards €. Un pari très difficile à tenir surtout si l’accord avec le FMI n’est pas conclu d’ici la fin du mois de septembre, a-t-il encore estimé.

Enfin, et au-delà de l’aspect financier du programme avec le FMI dont la matrice ne couvre pas tous les chantiers de réformes, il est important de répondre aux engagements structurels (Energies renouvelables, PPP, inclusion financière, infrastructure, logistique, …) portés par d’autres bailleurs : la Banque mondiale, l’Union Européenne, la BAD, la BEI, …, pour garantir les décaissements y afférent.

Des risques à foison
Interrogé sur les risques qui pèsent sur la Tunisie post accord avec le FMI, Moez Labidi  a asséné que « le dérapage des finances publiques finira par étouffer,  encore une fois, l’action gouvernementale, précipitant ainsi, la suspension du troisième programme avec le FMI. Dans un tel scénario, un certain nombre de menaces pèseront sur l’économie tunisienne ».

 Le risque est aussi, a-t-il ajouté, de rater la trajectoire de la soutenabilité de la dette.  Le véritable danger qui guette l’économie tunisienne est de ne pas réussir à accroître les marges de manœuvre budgétaire pour s’inscrire dans une véritable dynamique de désendettement et de ne pas pouvoir engager les réformes structurelles, restant ainsi, prisonnière d’un exercice de rafistolage régulier pour boucler l’exercice budgétaire de l’année. Une situation qui précipitera le scénario de défaut de paiement.
Tous ces risques et d’autres demeurent imminents, tant que l’action politique se retrouve orpheline d’une vision et d’un courage politique et tant que l’Etat se révèle incapable de faire appliquer la loi. Les Tunisiens (gouvernement, classe politique et partenaires sociaux, intellectuels) sont amenés à choisir : ou bien,  à s’entendre sur la mise en place des réformes urgentes pour éviter, dans une première étape, de sombrer dans un scénario de défaut, avec la signature de l’accord avec le FMI. Et de pouvoir, dans une deuxième phase, mettre leur pays sur le chemin des réformes structurelles avec une inscription dans la transition digitale et environnementale, renouant ainsi avec une croissance qui crée des emplois et corrige les inégalités sociales et régionales. Ou bien  à pencher du côté des surenchères revendicatives, suivies par des reculades pour acheter une pseudo-paix sociale. Du coup, la jeune démocratie tunisienne sera fortement gangrénée par un populisme déstabilisant pour ses institutions (Présidence de la république, Présidence du gouvernement, ARP, Banque centrale, ….) et la montée d’une désobéissance civile précipitant le pays dans l’inconnu, a-t-il alerté.

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