AccueilLa UNEJonction entre criminalité et djihadisme, la nouvelle réalité

Jonction entre criminalité et djihadisme, la nouvelle réalité

Ce qui était saisi en filigrane et de l’ordre de l’hypothétique par les observateurs attentifs, devient la nouvelle réalité du pays : le djihadisme a opéré sa jonction avec la criminalité et la contrebande, donnant naissance à ce qui est communément appelé « islamo-banditisme ». Et dans l’ombre de ce phénomène, des cartels se sont constitués, depuis les évènements de 2011, intégrant les anciens réseaux de la contrebande dans les zones frontalières et la petite criminalité dans les quartiers populaires de la capitale et dans les villes de l’intérieur . Tel est le principal constat du rapport de l’International Crisis Group (ICG) consacré à la Tunisie, publié jeudi 28 novembre 2013, sous le titre de « La Tunisie des frontières : djihad et contrebande ». Le rapport lui-même et une interview accordée à Al Huffington Post par Michaël Béchir Ayari, analyste principal pour la Tunisie à l’International Crisis Group, donnent un nouvel éclairage sur cette nouvelle réalité.

Trois grands foyers ont émergé, depuis janvier 2011, et servi de cadre à cette jonction : les frontières nord avec l’Algérie, celles du sud avec la Libye et les quartiers populaires dans les villes. En quelques semaines , l’opinion publique a été interpellée par la saisie d’énormes quantités d’argent, en monnaie tunisienne et devises à Gafsa( 2,2 millions de dinars) , Sidi Bouzid (2,6 millions de dinars ) formant une idée sur l’argent liquide qui circule dans les circuits parallèles , et l’usage qui peut en être fait .

La contrebande au nord , avec l’Algérie , se spécialise dans le trafic de la résine et des armes légères , tandis que les contrebandiers des frontières sud avec la Libye se livrent au trafic des matières de base dans les deux sens et l’armement plus ou moins lourd qui ravitaille les groupes terroristes .Les quartiers populaires, eux , approvisionnent en ressources humaines ces activités , et servent de relais à ce trafic à grande échelle .

Cette mutation du trafic d’un danger économique à un danger sécuritaire avec la prolifération des armes , correspond à deux évolutions de taille : la première concerne la faiblesse de l’Etat qui devient absent ou inopérant dans ces trois foyers ; la deuxième , en est directement le corollaire et se rapporte à la dépréciation de la confiance en l’Etat . Le citoyen qui était partie prenante dans le contrôle des frontières, moyennant quelques avantages, se tourne vers ce trafic pour y prendre part, ce qui a abouti à une sorte de « démocratisation » de la contrebande.

Avec Ben Ali, note le rapport, le phénomène était sélectif et avait une fonction sociale , en procurant une activité « décente » aux habitants des frontières et économique en maintenant les prix relativement bas , à travers la régulation de l’échange . Depuis la Révolution les choses ont changé, et les frontières sont pratiquement sous le contrôle des contrebandiers , tout comme les quartiers populaires qui sont sous celui des bandits et des criminels . Cette situation ne fait qu’encourager la conversion de centaines de délinquants au djihadisme, dans l’impunité totale .

Le rapport relève que cette situation est comparable à celle vécue par les banlieues populaires du Caire, dans les années 1980, avec la « Jamâa Islamia » qui a utilisé l’identité Salafiste Djihadiste pour couvrir des actes criminels , gérer les quartiers populaires au moyen du petit trafic et des petites milices .

Les auteurs du rapport ont tenu à refléter l’instant politique et social du pays , l’assortissant de recommandations qui portent sur la nécessité de mettre fin à la bipolarisation politique et l’urgence de trouver un consensus sur les dossiers à litige . Ils ont, il est vrai, mis en évidence le lien entre les volets politique et sécuritaire, mais seuls les Tunisiens saisissent le rythme de la détérioration de la situation qu’ils sont en train de remarquer à vue d’œil. Ils se rappellent que cette jonction (entre banditisme et islamisme) n’était qu’un projet aux contours indéterminés, en juin 2012, lors des évènements d’Al-Abdelliah , ou pendant l’attaque de l’Ambassade américaine en septembre 2012 , pour devenir, quelques mois plus tard, une réalité irréversible .

Aboussaoud Hmidi

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