AccueilInterviewKamel Jendoubi : « Le gouvernement de Hamadi Jebali m’a offert un...

Kamel Jendoubi : « Le gouvernement de Hamadi Jebali m’a offert un poste ministériel pour m’écarter de l’ISIE »

Kamel Jendoubi, président de l’ancienne ISIE a accordé à Africanmanager, une interview exclusive, dans laquelle il est revenu sur le rapport final de la cour des comptes, ses insuffisances et ses lacunes. Kamel Jendoubi est revenu également sur la loi électorale, la nouvelle ISIE et les prochaines élections !

Qu’est ce que vous pensez du rapport final de la cour des comptes ?

C’est un rapport qui n’a pas été communiqué conformément à la loi, puisque l’article 27 de la loi 96 stipule que la cour des comptes doit publier ce rapport au JORT. Il s’agit là d’une question importante, car il ne s’agit pas uniquement d’une question de forme mais plutôt d’obligation légale étant donné que la cour des comptes fait partie de la justice financière. Ma deuxième remarque est que ce rapport a été élaboré à l’avance notamment dans ses conclusions parce qu’il a omis de faire référence à la fuite des observations préliminaires du rapport de la cour des comptes. Une partie conséquente de ces observations se trouve déjà dans le rapport final.

Mais quel rapport avec la fuite ?

Cet épisode de fuite est fondamental et essentiel puisqu’il a conditionné en quelque sorte les résultats et influencé la cour des comptes et l’environnement de travail, y compris le travail des juges. Cette fuite a permis d’instrumentaliser politiquement et judiciairement l’affaire dans le but d’écarter l’actuelle ISIE.

Etes-vous d’accord avec le principe que cette ISIE devrait être contrôlée ?

Autant nous sommes totalement d’accord qu’une institution publique doit être gérée selon le principe d’une gestion publique saine, autant nous ne partageons pas les instruments d’évaluation de la bonne gestion des fonds publics. L’ISIE est une institution nouvelle et récente et elle a été créée dans un contexte exceptionnel. L’ISIE ne peut pas être évaluée dans sa gestion avec des règles, des méthodes et des outils qui correspondent à des administrations classiques et anciennes. De plus, la cour des comptes n’a jamais travaillé sur la question électorale. Elle ne connaît pas la matière électorale et elle n’a pas de compétence particulière dans cette matière. Bien encore, c’est pour la première fois en Tunisie, qu’on organise des élections conformément aux normes internationales.

Qu’est ce que vous pensez des instruments d’évaluation appliqués à l’ISIE ?

Les instruments d’évaluation ne sont pas adaptés. Contrairement aux autres institutions publiques, l’ISIE a une obligation de résultat alors que les institutions publiques ont une obligation de moyens ; donc elles doivent respecter les normes quel que soit le résultat. Pour nous, on doit arriver aux élections, c’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, on été exonéré de la loi sur le code des marchés publics et du contrôle a priori des dépenses afin de nous donner la souplesse nécessaire pour agir et réaliser notre mission. S’il y avait ces deux instruments en vigueur, on n’aurait pas pu faire des élections à cette date.

Qu’est ce que vous reprochez à la cour des comptes ?

Dès le départ, il y avait un problème de méthodologie d’évaluation. On aurait pu éviter ce problème si la cour des comptes avait, dès le début, engager une approche participative avec l’ISIE. J’aurais aimé qu’on discute ensemble et définir un cadre, des critères et des outils d’évaluation et de contrôle. Or, Cette approche n’a pas eu lieu suite à la fuite du document, ce qui a obligé la cour des comptes à poursuivre le travail déjà engagé, d’où l’importance de cette question de fuite.

Le gouvernement de Hamadi Jebali a voulu nous attaquer à travers cette fuite. Cette histoire de fuite a servi de support pour organiser une campagne de dénigrement autorisée par le gouvernement de Hamadi Jebali pour écarter et dénaturer l’ISIE.

Quelles conséquences sur la prochaine ISIE ?

La loi impose à l’ISIE de respecter le code des marchés publics et de se soumettre, de ce fait, à tous les délais, ce qui va impacter l’agenda la date des élections. Comment organiser des élections en décembre 2013, alors que la loi impose à l’ISIE de respecter le code des marchés publics ? Chaque achat exige un délai et les élections n’auront pas lieu à la date fixée.

Les responsables se sont engagés à mettre en place l’ISIE en juillet prochain alors que loi électorale n’existe pas encore. La loi électorale est un facteur déterminant de l’opération électorale. C’est la pièce maîtresse de l’avenir de la Tunisie beaucoup plus que la Constitution. On n’est plus dans une situation d’avant 23 octobre 2011. C’est la loi électorale qui va donner la configuration des pouvoirs et les équilibres des forces politiques.

L’ISIE est accusée de ne pas analyser ses besoins d’une manière précise et anticipée. Pourquoi ?

Pour pouvoir le faire, il faut exister auparavant et il faut un passé alors que l’instance est nouvellement créée. Si on devrait le faire, on doit avoir plus de temps et de moyens. On aurait été dans l’obligation de retarder les élections d’au moins 6 mois.

Si on avait fait fonctionner la concurrence demandée par la cour des comptes, on aurait été obligé de reporter le calendrier électoral et les élections. On a essayé dans la mesure du possible de faire jouer la concurrence et avoir le prix le plus intéressant. Quand on voit l’ensemble de l’opération de contrôle, on voit que le coût global n’est pas aussi horrible et scandaleux et ne présente que 6 dinars par votant, ce qui est quasiment très faible par rapport aux autres pays ayant vécu une expérience semblable à la Tunisie.

La cour des comptes doit qualifier juridiquement l’affaire et ne pas laisser les choses à l’interprétation telle que la disparition des fournitures des bureaux. Il faut avoir la capacité de qualifier ces écarts qui ne sont pas le fait d’une décision naturelle prise par les responsables de l’ISIE mais plutôt liée aux conditions incroyables de travail.

S’il y avait vraiment un constat de vol, de détournement des fonds publics, d’atteintes ou de crimes, je suis prêt à comparaître devant la justice.

Vous êtes également accusé de gestion déséquilibrée ?

Notre gestion a été très équilibrée. Nous n’avons pas payé nos dettes auprès de l’Etat parce que c’est cette somme qui nous a permis d’exister jusqu’aujourd’hui. Sin on avait payé nos dettes, l’ISIE aurait dû fermer parce qu’on n’a pas une trésorerie. Le gouvernement de Hamadi jebali a refusé de nous financer. Ce gouvernement nous a ignorés. On a écrit, depuis décembre 2011, une série de correspondances. On a proposé et donné des estimations. Ces sommes nous ont servi pour satisfaire les besoins.

Avez-vous le sentiment de regret ou non ?

Je ne regrette rien. C’est une bataille d’un moment de ma vie qui se confond avec la Tunisie. Je suis un homme comblé. J’ai vécu une expérience avec mon peuple… avec mon pays. Je suis très fier malgré cette campagne de dénigrement, de diffamation et les menaces proférées à mon encontre. J’aime mon pays et je veux qu’il soit un pays démocratique, moderne, ouvert et où il faut bon vivre. Il faut affronter et créer la liberté et la démocratie comme conditions essentielles de vie.

Est-ce qu’on pourrait vous voir dans une nouvelle expérience électorale ?

Même lorsque j’étais en France, la Tunisie m’habitait. Je n’ai jamais quitté la Tunisie. Vous allez me retrouver certainement.

Pour la nouvelle l’instance, ils ne m’ont pas appelé. Je n’ai pas présenté ma candidature pour la prochaine ISIE. J’ai critiqué la loi de la nouvelle instance, car elle ne va pas permettre à la prochaine ISIE d’être ni indépendante ni opérationnelle. Je suis prêt à prendre mes responsabilités. La mission de la prochaine ISIE sera plus difficile que celle du 23 octobre 2011. Il faut un minimum de conditions pour assumer la responsabilité et cette loi ne la donne à personne.

Qu’est ce que vous proposez alors ?

On a demandé de réactiver l’ancienne ISIE, puisque le chantier est déjà ouvert. On a appelé à poursuivre cet effort et renforcer les structures et les acquis. Les autorités n’ont pas voulu que cette ISIE continue à travailler. Elles n’ont pas besoin d’une ISIE indépendante et d’une institution capable de traiter les gens d’égal à égal. Elles ont besoin d’une institution maniable et influençable.

Arrêtons de perdre du temps. Cette loi est inapplicable et ne peut pas donner une instance indépendante. Réactivons l’ancienne instance et voyons comment rectifier les parties manquantes. On peut faire cela rapidement.

Le gouvernement de Hamadi Jebali vous a proposé un portefeuille minitériel ministre ? Pourquoi ?

Oui. Le lendemain du 23 octobre 2011, des hauts responsables politiques m’ont contacté pour me proposer le poste d’un ministre dans le nouveau gouvernement. Ils m’ont proposé le poste du ministre des Droits de l’Homme, attribué actuellement à Samir Dilou. J’ai refusé. Ils m’ont proposé un poste d’ambassadeur. J’ai refusé encore. Ils m’ont proposé de choisir un autre ministère, et encore une fois j’ai refusé.

Pourquoi avez-vous refusé ?

J’ai demandé un programme clair et un calendrier bien détaillé pour le gouvernement. Ils m’ont dit que je suis en train de compliquer les choses. Avoir une responsabilité au sein du Gouvernement, cela veux dire que je dois quitter la présidence de l’ISIE. Maintenant, je suis convaincu que l’objectif de ce poste est de m’écarter de l’ISIE.

Khadija Taboubi

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -