Il est rare, dans le type de communication interpersonnelle, généralement agressive mais toujours affirmée et qui ne donne aucun espace d’interaction aux vis-à-vis de circonstance du chef de tout l’Etat tunisien, d’entendre ces derniers s’exprimer. Les vidéos présidentielles ne font généralement entendre que leur propre voix.
La dernière vidéo de la présidence tunisienne a pourtant donné libre cours à cette femme Pdg de l’une des plus importantes entreprises publiques. Qui plus est à la tête de la société qui gère le plus précieux des biens de l’Etat, le pétrole, l’Etap. Une entreprise qui réalisait en 2021 un chiffre d’affaires de plus de 1,6 Milliard DT, mais qui restait déficitaire, on ne sait pour quelle raison.
- Saïed, un accusateur dans l’anonymat
Muni comme d’habitude de son micro-cravate vissé au revers de la veste présidentielle, Kais Saïed qui a, peut-être comme nous, lu le dernier rapport du ministère des Finances sur l’Entreprise tunisienne des activités pétrolières (Etap), s’est rendu jeudi 16 mars 2023 au siège de cette entreprise. Dans le bureau de la nouvelle Pdg Dalila Chebbi Bouattour, où elle ne siège que depuis 7 mois, Saïed donnait l’impression de vouloir relancer la fameuse question de « Winou (Où est) le pétrole ».
Sur un ton inquisiteur qui ressassait qu’il disposait de « tous les dossiers », comme celui d’un cadeau de voiture de luxe (Fait par qui et à qui ?), Saïed fulminait son intention d’épurer l’Etat de tous les corrompus et du Fassed qui gangrènerait l’entreprise publique. Hébétée, la Pdg regardait le chef de tout l’Etat, avec peur et circonspection (Ndlr : C’est notre avis) en s’attendant peut-être au pire de ce qu’elle n’arrivait à connaître que pendant un petit semestre à peine.
« Nous suivons la propagation de la prévarication et de la corruption (Fassed) dans ce secteur, et notamment dans cette entreprise, et il faut absolument l’épurer », commence Saïed de but en blanc. « Vous connaissez, dans votre position, plusieurs cas, et beaucoup de personnes impliquées, ou qui essaient de se cacher derrière certaines parties, afin qu’ils ne soient pas inquiétées, et qui continuent de sévir dans cette entreprise », continue d’accuser Saïed, sans donner aucune indication sur ses accusés, ce qu’ils auraient volé, ou qui les a corrompus.
- Epurer c’est bien ; en abuser, ça craint
Plusieurs fois recalée, par misogynie peut-être et certainement par mépris de l’ascenseur professionnel, pour le poste de Pdg de l’Etap, Dalila Bouattour a fini par se propulser au dernier étage de l’immeuble en verre de l’Etap sur l’Avenue Mohamed V à Tunis.
Et c’est certainement cette même ténacité la caractérisant, qui a fini par la pousser à réagir aux propos de Kais Saïed qui n’a pas manqué de mettre en valeur « votre travail que je suis régulièrement, et les dossiers que vous ouvrez, alors que des poches à l’intérieur de cette entreprise œuvrent à mettre en échec vos efforts pour éliminer les corrompus ».
Tapie sur son siège en face du chef de tout l’Etat qui pontifiait sur les différents types d’entreprises dans le secteur public, elle finit, à la 5ème minute de la vidéo, par attirer l’attention de Saïed sur un problème, non moins important, celui des ressources humaines. « On a un problème avec les ingénieurs qui désertent l’entreprise, car ils sont mieux payés ailleurs, ce qui dicte qu’on les encourage à rester pour ne pas les perdre », dit-elle.
Une intervention judicieuse, comme pour essayer de faire comprendre au chef de tout l’Etat, à juste titre d’ailleurs, que sa vague d’épuration ne finisse pas de vider l’Etap de ses ingénieurs. On ne dira pas qu’elle essayait de le cadrer, mais c’est presque. Remarque sur laquelle n’a pas manqué de rebondir Saïed avec le discours populiste de l’importance des RH et d’augmenter leurs salaires, sans oublier de la recadrer à son tour, en disant que « il faut sauvegarder les droits de tout le monde, mais aussi travailler à épurer l’entreprise de tous ceux qui veulent son échec ou de dilapider ses propriétés ».
- Bouattour ose mettre le doigt sur le bât qui blesse
Décidément audacieuse, la Pdg de l’Etap que le ministère n’a pas autorisée à parler à la presse, prend encore le risque (On ne sait pas si l’a fait sciemment, mais cela a manifestement été bien accueilli par Saïed, puisque n’ayant pas été sucré de la vidéo) d’attirer l’attention du chef de tout l’Etat sur le rôle défaillant des autorités régionales pour aider l’entreprise. « Nous espérons que les Gouverneurs, notamment sur les lieux de production de pétrole comme à Kebili où on a beaucoup de problèmes, nous aident ». On ne sait pas si Saïed a retenu la pertinence de la remarque, mais on note qu’il a évité de rebondir pour évoquer, par exemple, les endroits comme El Kamour, où le « Peuple veut » dont il se réclame, interrompt à volonté l’activité pétrolière, font fuir les investisseurs ou les rackette.
Saïed retient vite la pertinence de la remarque de Dalida Bouattour en prononçant lui-même le mot racket, surtout lorsqu’elle ose défendre les investisseurs étrangers, et précise encore que « les entreprises, comme à Kebili aident, dans le cadre de RSE, mais on ne peut le faire sous pression », dit-elle courageusement pour une Pdg qui n’a que 7 mois d’exercice.
Le visage fermé, presqu’énervé bien qu’il autorise la publication de cette partie de la vidéo, Kais Saïed rebondit vite pour dire que « nous ne faisons pas pression. La question est plutôt dans la gestion de ces entreprises. « Je sais que vous avez connu de tels problèmes, et vous y avez fait face avec fermeté, et n’hésitez pas à m’en avertir chaque fois que n’importe laquelle des parties du peuple tunisien tente de toucher à ces entreprises », répond Saïed à la Pdg de l’Etap.
Le recadrage est cependant visible, même si Saïed semble en avoir dit plus lorsqu’on interprète bien le petit montage manifestement opéré dans la vidéo livrée au public, pour digresser sur la question de la bonne gouvernance et les origines de ce concept.
Le Président de la république avait raison de s’indigner sur la mauvaise gestion des entreprises publiques qui sont déficitaires et pas nécessairement l’ETAP. La Pdg a bien parlé pour justifier certaine impressions. S’il est indigné pour les autres entreprises publiques c’est qu’il y en a de quoi, certains agents ont double emplois et désertent leurs services pour travailler ailleurs, le Pdg ou le premier responsable ferme les yeux car les syndicats au sein de ces entreprises sont très forts et peuvent bloquer l’activité. La corruption ou la mauvaise gestion a une incidence négative sur son activité et entrainera l’entreprise à la faillite. C’est la raison pour laquelle le Président KS s’est accroché sur la décadence de ces entreprises aboutissant à leur faillite, le Président a parfaitement raison de s’inquiéter et donc de s’indigner. Pour ce qui ce qui concerne son discours sur les africains qui a été détourné pour parler du racisme, il avait raison sur tous les plans. A titre d’exemple, aujourd’hui je me suis baladé sur l’avenue Salah Ben Youssef Manzah 9A, j’ai trouver beaucoup de jeunes africains sur les trottoirs avec des sacs noirs en plastiques contenant leurs affaires et j’ai demandé à quelques uns s’ils veulent travailler, tous ne sont pas intéressés, ils veulent la plaque. C’est indigne de la part des médias qui ont interprété mal le discours du Président. Il ne s’agit pas du racisme mais plutôt de procédures légales afin d’éviter les problèmes. Monsieur le Président, nous vous soutenons pour votre noble œuvre, le nettoyage totale de la corruption, le renforcement du contrôle et de la justice, les visites inopinées, la défense de la dignité des tunisiens et de l’Etat et le maintien de la sécurité du pays. Abas les traîtres opportunistes, les hypocrites, les voleurs de l’argent du peuple et les menteurs qui diffusent les mauvaises informations. Merci de vous occuper aussi de l’économie du pays et relancer l’investissement pour assurer la création de l’emploi et de la richesse.