AccueilLa UNELa nouvelle ordonnance sur les associations serait-elle liberticide?

La nouvelle ordonnance sur les associations serait-elle liberticide?

Un projet d’ordonnance  visant à régir les organisations de la société civile en modifiant le décret-loi 88, fuité   dernièrement  dans les médias locaux, a suscité de vives inquiétudes au sein de la société civile tunisienne, bien que l’on ne sache toujours pas si la loi existante a été modifiée.

S’il était approuvé, ce texte  conférerait à l’autorité exécutive des pouvoirs étendus et la possibilité d’interférer  dans le mode de constitution des  organisations de la société civile, leurs missions et opérations, leur financement et leur capacité à parler publiquement de leurs activités, souligne The New Arab.

Bien que les autorités n’aient pas officiellement confirmé qu’elles modifiaient le décret, ni publié un projet de texte le ramplaçant, les groupes de la société civile en Tunisie sont dans l’expectative et s’attendent à ce que l’amendement proposé soit publié à tout moment.

Ce projet restreindrait considérablement les activités  de la société civile et des défenseurs des droits humains, mettant en danger les droits associatifs des Tunisiens, l’un des acquis durement gagnés lors des soulèvements de 2011, prévient la même source.

Dans la disposition la plus inquiétante, les autorités se verraient accorder des pouvoirs étendus pour rejeter la candidature d’associations qu’elles estiment constituer de vagues menaces pour « l’unité de l’État ou son régime républicain et démocratique ».

Leurs publications devraient être conformes à des critères d' »intégrité », de « professionnalisme » et de « réglementation juridique et scientifique » formulés en termes généraux, ce qui permettrait aux autorités de les appliquer de manière abusive.

Des pouvoirs étendus pour l’Exécutif

En outre,  la création d’une organisation de la société civile nécessiterait un avis de publication  au  Journal officiel, ce qui pourrait ouvrir la voie à des retards motivés par des raisons politiques. Le projet de loi qui a fait l’objet d’une fuite rétablirait essentiellement l’obligation d’obtenir une autorisation du gouvernement avant qu’une organisation puisse obtenir un statut juridique. En vertu de la loi de 2011, les personnes peuvent créer une association simplement en notifiant les autorités compétentes.

Le nouveau projet reconnaît  également  à la Primature  le pouvoir d’ordonner la dissolution d’une organisation de manière sommaire et en dehors de toute procédure judiciaire. Selon la loi actuelle, un groupe de la société civile ne peut être dissous que par décision judiciaire ou par ses propres membres.

Une autre disposition introduit une procédure de contrôle du financement étranger des associations, qui interdit à un groupe d’accepter des fonds de l’étranger sans l’autorisation préalable du gouvernement, délivrée par une structure liée à  la Banque centrale chargée de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Actuellement, la loi n’exige pas l’approbation préalable du gouvernement pour les financements étrangers.

« Nous faisons marche arrière », a déclaré Sofiane Zekri, secrétaire général de l’Observatoire des associations et du développement durable (ASDi), au  site The New Arab. « Le décret 88 peut être amélioré mais nous avons peur que nos droits régressent si le projet modifié est publié », a-t-il ajouté.

La société civile dans l’expectative

Selon lui, les deux principales inquiétudes concernant le texte sont la réintroduction de l’autorisation pour la création d’associations, et les mesures visant à réduire la présence d’organisations étrangères dans le pays et à contrôler leurs finances.

« La présence de la société civile sera affaiblie si le projet du gouvernement se concrétise », a-t-il déclaré, ajoutant que les associations tunisiennes sont aujourd’hui partiellement inactives en attendant de voir ce qui se passe.

Chaque jeudi, alors que le Conseil des ministres l présidé par le président Kais Saied se réunit et adopte généralement plusieurs projets de décrets présidentiels, les acteurs de la société civile sont taraudés  par la crainte que le nouveau projet de loi  soit promulgué à tout moment.

Le gouvernement a élaboré  les amendements sans aucun débat public ni consultation de la société civile, ont rapporté les médias tunisiens. En vertu d’un décret présidentiel publié en septembre dernier, le chef de l’État est en mesure de promulguer unilatéralement des lois sans aucun contrôle parlementaire ou judiciaire. Les projets de loi n’ont pas été rendus publics ni soumis au parlement pour débat depuis que le président Saied a suspendu l’assemblée le 25 juillet.

« Nous avons dit catégoriquement que toute modification ou réforme dans le domaine des droits et libertés, y compris le droit à la liberté d’association, n’est pas autorisée dans un état d’exception », a déclaré à The New Arab ,Raja Jabri, présidente de Mourakiboun, un réseau national spécialisé dans l’observation des élections depuis 2011.

Elle a souligné que la coalition, en partenariat avec d’autres réseaux, a réussi à bloquer les précédentes tentatives du gouvernement de modifier le décret-loi sur les associations.

Il existe un risque évident que les activités de la société civile et des défenseurs des droits soient soumises à des restrictions, en violation du droit à la liberté d’association protégé par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par l’article 10 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, auxquels la Tunisie est partie, ainsi que par l’article 35 de la Constitution tunisienne.

« Le nouveau projet de loi est sans aucun doute liberticide. Il menace de limiter considérablement l’espace civique, et de subvertir le dur travail accompli par la société civile tunisienne depuis l’après révolution », a averti la présidente de Mourakiboun. « C’est un coup de poignard dans le dos de la transition démocratique du pays ».

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