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La survie de la démocratie serait-elle entre les mains de l’UGTT et de l’armée?

Pratiquement, tous le grands journaux  tant anglo-saxons que francophones se sont fendus d’analyses qui ne peuvent pas laisser indifférents les Tunisiens, sans doute avides d’un autre son de cloche.

Sous le titre « Le premier et maintenant le dernier espoir du printemps arabe est en danger », l’éditorialiste en chef de Bloomberg, Bobby Ghosh pense déceler dans le bouleversement politique actuel de la Tunisie « les échos des événements survenus en Égypte il y a huit ans », plus précisément l’été 2013, lorsque « de vastes manifestations contre un gouvernement islamiste impopulaire ont permis au général Abdel-Fattah El-Sissi de prendre le pouvoir dans ce qui s’apparentait à un coup d’État ».

Il se reprend aussitôt pour signaler que « le  président tunisien Kais Saied ne porte peut-être pas de treillis militaire, mais il a néanmoins une assez bonne impression de Sissi : profitant des manifestations contre un gouvernement impopulaire soutenu par les islamistes, il a suspendu le parlement élu du pays et limogé le Premier ministre, assumant de fait une autorité dictatoriale sur le pays ».

L’éditorialiste en chef rappelle qu’il y a  quelques mois à peine, la Tunisie était à nouveau célébrée comme le seul pays à être resté une démocratie dans la décennie qui a suivi le printemps arabe. « Il existe un risque réel que les dividendes engrangés à l’époque soient perdus, tout comme ils l’ont été en Égypte », souligne-t-il pour  dire que « la tâche de prévenir cette terrible issue incombe à nouveau aux Tunisiens qui ont renversé leur dictateur en janvier 2011, ainsi qu’aux deux institutions qui ont joué un rôle central à l’époque : l’armée et les syndicats ».

Les militaires avaient refusé les ordres du dictateur de réprimer les manifestations, et les organisations syndicales avaient assuré une transition en douceur vers un régime civil – ce qui a valu à quatre organisations et associations, connues collectivement sous le nom de Quartet du dialogue national, de recevoir le prix Nobel de la paix en 2015. 

Comment les forces qui se sont coalisées pendant le printemps arabe vont-elles répondre à cet été de mécontentement ? Les premiers signes ne sont pas bons, trouve Bobby Ghosh .

Le coup de force de Saied a été accueilli dans la rue par les manifestants antigouvernementaux. Lassés par les échecs en série des dirigeants qu’ils ont élus- le chômage, l’une des causes profondes du Printemps arabe, reste endémique – de nombreux Tunisiens sont enclins à accorder le bénéfice du doute à leur président. Il s’est présenté comme incorruptible et sans lien avec les partis politiques qui les ont laissés tomber. Il affirme qu’il nommera un nouveau Premier ministre, mais ne précise pas quand. Il n’a pas non plus indiqué quand ou si le parlement reprendrait ses activités.

Il semble également avoir coopté l’armée, en lui confiant la semaine dernière la responsabilité cruciale de la gestion de la campagne nationale de vaccination. « Les généraux, qui se sont rangés derrière le président, peuvent s’attendre à se voir confier encore plus de responsabilités dans les jours à venir, prévoit l’auteur de l’article.

L’attitude attentiste de l’UGTT

L’Union générale tunisienne du travail, la plus grande et la plus puissante organisation syndicale du pays et l’un des quatre lauréats du prix Nobel, a adopté une attitude attentiste. Plus connue sous son acronyme français UGTT, elle n’a publié qu’une vague déclaration sur l’importance de la « légitimité constitutionnelle » et la nécessité d’un dialogue national.

Mais les trois forces – les manifestants, les militaires et les syndicats – vont devoir faire face à des épreuves plus difficiles dans les jours à venir. Les forces politiques qui dominent le Parlement ont dénoncé les actions de Saied comme un coup d’État. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’Ennahdha, le principal parti islamiste, et les groupes laïques n’organisent leurs propres manifestations, pronostique-t-il.

Les manifestants qui ont célébré la suspension de la démocratie devront alors décider s’ils retourneront dans la rue pour défendre le président, ce qui déclenchera un face-à-face au potentiel de violence élevé. Poussant son scénario-fiction plus loin, l’éditorialiste en chef affirme que « s’il s’en tient à la stratégie de Sissi, Saied ordonnera une répression contre ses opposants, mettant les militaires dans un dilemme familier : protéger le peuple ou le président ».

Mais très probablement,  tempère-t-il, le rôle décisif sera joué par les syndicats. La présence d’institutions de la société civile fortes et politiquement actives a été le principal facteur de différenciation entre la Tunisie et l’Égypte à la suite du printemps arabe, et elle pourrait être à nouveau décisive. Beaucoup dépendra de la disposition de l’UGTT, qui représente la majeure partie de la fonction publique du pays et a démontré sa capacité à paralyser toute la Tunisie.

Cela lui donne le pouvoir, si elle en a l’intention, d’empêcher Saied de reprendre pleinement la répression de l’opposition politique par Sissi. C’est pourquoi le  hef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, dans sa première réaction à l’annonce de Saied, a fait appel au secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, pour « restaurer la démocratie. »

Pour ce faire, il faudrait exercer une certaine mémoire musculaire. Depuis son anoblissement en 2015, l’UGTT s’est repliée sur son rôle de syndicat. Le plus souvent, elle a été un obstacle au progrès en Tunisie, s’opposant farouchement à des réformes économiques indispensables telles que la réduction de la fonction publique et la vente d’entreprises publiques.

Mais ses dirigeants sont très fiers de son histoire en tant que force anticoloniale avant l’indépendance de la Tunisie vis-à-vis des Français en 1956, et de sa fonction plus récente de contrôle du pouvoir gouvernemental. Comme me l’a dit un haut dirigeant il y a deux ans : « L’UGTT est différente de tous les syndicats du monde. Nous ne nous battons pas seulement pour le pain et les vêtements, mais aussi pour la dignité nationale. »

Il est temps pour l’UGTT de reprendre ce combat, conclut Bloomberg.

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