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La «tiède et léthargique» réaction de Biden aux décisions de Saied!

La réponse tiède du président américain Joe Biden  aux décisions du 25 juillet de Kais Saied, désignées aussi sous le terme de coup d’Etat  rappelle une vérité de longue date sur la politique étrangère américaine : lorsqu’il s’agit du monde arabe, l’aversion pour la démocratie est le principe de fonctionnement, affirme  le directeur du Centre d’études pour le Moyen-Orient, Nader Hashemi, dans une analyse publiée sur le site Middle East Eye.

Ce qui est particulièrement remarquable dans la réponse léthargique de Biden, c’est qu’elle intervient dans le contexte de son nouvel agenda de politique étrangère américaine, abondamment loué  qui cherche à répondre à la « question déterminante de notre temps » : la bataille entre la démocratie et l’autoritarisme.

La première réaction de la Maison Blanche est venue de la  porte-parole Jen Psaki. L’administration Biden est « préoccupée par les développements en Tunisie » et cherche à « en savoir plus sur la situation », tandis que toutes les parties sont invitées à faire preuve de calme et à « aller de l’avant dans le respect des principes démocratiques ».

Quant à savoir si le limogeage du chef du gouvernement par le président tunisien  la suspension du parlement (avec le soutien des militaires), les restrictions  à la liberté de la presse et les menaces de violence constituent un coup d’État, Psaki a indiqué que « nous demanderions au département d’État de procéder à une analyse juridique avant de se prononcer ».  

La réponse du secrétaire d’État Antony Blinken a été plus révélatrice. Dans un tweet qui incarne l’apathie générale et l’incohérence de la politique américaine à l’égard de la Tunisie, il a déclaré avoir eu « un bon entretien téléphonique avec le président Kais Saied aujourd’hui pour discuter de la situation en Tunisie. J’ai exprimé mon soutien à la démocratie tunisienne. » En d’autres termes, Blinken a parlé avec l’homme responsable de la destruction de la démocratie tunisienne pour confirmer qu’il soutient la démocratie en Tunisie, selon les dires de Hashemi.

Soutien aux « régimes autoritaires »

Comment pouvons-nous interpréter au mieux la réponse terne de l’administration Biden aux événements en Tunisie ? Qu’est-ce qui explique le manque de volonté d’adopter une position plus ferme en faveur de la démocratie, alors que cela ne demanderait que très peu d’efforts et serait conforme à la nouvelle politique étrangère américaine fondée sur les valeurs que la Maison Blanche a mise en avant ? Et Hashemi d’y répondre : «  Toute rhétorique mise à part, un axiome de longue date de la politique américaine a été de promouvoir la stabilité politique dans le monde arabe plutôt que la démocratie parlementaire. La stabilité est un mot de code pour soutenir les régimes autoritaires dans l’idée qu’ils peuvent mieux protéger les intérêts américains contre les forces hostiles qui émergent à l’intérieur et à l’extérieur de la région ».

Dans un rare moment de candeur, rappelle-t-il, l’ancien président George W. Bush, dans un célèbre discours prononcé après le 11 septembre, a admis que c’était la doctrine américaine en vigueur. « Soixante années pendant lesquelles les nations occidentales ont excusé- en s’y accommodant- le manque de liberté au Moyen-Orient », a-t-il déclaré, « n’ont en rien contribué à notre sécurité – car à long terme, la stabilité ne peut être achetée au détriment de la liberté. »

Ce principe clé de « l’aversion  est ancré dans la pensée de la politique étrangère américaine concernant la région. Il est largement admis, bien que non déclaré, qu’une plus grande démocratie ne se traduit pas facilement par un plus grand soutien aux intérêts américains dans la région, citant  l’ancienne secrétaire d’État Madeleine Albright : « L’opinion publique arabe, après tout, peut être plutôt effrayante. »

Aucune contribution démocratique

Les accords d’Abraham sont une illustration parfaite de cette thèse. L’annonce d’un accord entre Israël et plusieurs États arabes a été accueillie avec euphorie par les deux partis politiques américains et une grande partie de l’establishment de la politique étrangère américaine. Biden a tenté de revendiquer la paternité de cet accord en faisant valoir que c’est sous l’administration Obama-Biden que les bases de l’accord ont été initialement posées.

Ce n’est pas une coïncidence si les accords d’Abraham ont impliqué la participation de plusieurs dictatures arabes. Aucune contribution démocratique des citoyens n’a été sollicitée ou souhaitée, et ce pour une très bonne raison. Pour la majeure partie du monde arabe, la reconnaissance d’Israël passe par la justice pour les Palestiniens. C’est une position qu’Israël refuse d’envisager, tandis que les États-Unis ne veulent pas faire pression sur lui pour obtenir cette concession.

La récente guerre entre Israël et Gaza, qui a pris de court l’équipe Biden, n’a pas entraîné de reconsidération de la politique américaine au Moyen-Orient. En fait, c’est l’inverse qui s’est produit. Il a été rapporté que l’administration Biden, plutôt que d’œuvrer à des progrès sur le front israélo-palestinien, concentrerait ses efforts diplomatiques sur l’élargissement des accords d’Abraham.

La Tunisie signataire des accords d’Abraham ????

Ces développements ont certainement influencé la réflexion de Biden sur la Tunisie. Si l’autocratie triomphe en Tunisie, le scénario hypothétique suivant est possible : sentant le poids des attentes du public pour améliorer l’économie, les nouveaux dirigeants autoritaires de la Tunisie (avec les encouragements des EAU et de l’Arabie saoudite) annonceront qu’ils sont prêts à signer les accords d’Abraham.

Biden s’intéressera alors de près à tout ce qui concerne la Tunisie, une augmentation immédiate de l’aide financière suivra, et les nouveaux dirigeants de Tunis seront salués pour leur leadership visionnaire, leur courage et leur sens de l’État.

Le directeur du Centre d’études pour le Moyen-Orient rappelle ce qu’il avait  prédit qu’une administration Biden n’aurait que peu d’intérêt à soutenir la démocratie dans le monde arabo-musulman. « La première réaction de la Maison Blanche aux événements en Tunisie a confirmé ma prédiction », a-t-i-il dit. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier  que les principaux responsables de la politique étrangère qui conseillent Biden sur la région ont travaillé dans l’administration Obama. Alors que les forces contre-révolutionnaires écrasaient le Printemps arabe, ils ont détourné le regard, au lieu d’apporter un véritable soutien aux forces démocratiques en Égypte, en Syrie, au Yémen ou au Bahreïn.

La Tunisie peut maintenant être ajoutée à cette liste, conclut Nader Hashemi.  

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