La situation énergétique en Tunisie s’avère de plus en plus critique, suite à une pénurie importante de produits pétroliers, ce qui a incité les autorités à puiser dans le stock de réserve stratégique pour couvrir la demande, selon les dires mêmes du directeur général des hydrocarbures au ministère de l’Industrie, Rachid Ben Dali.
Ila expliqué, lors d’une formation dédiée aux journalistes sur le secteur des hydrocarbures en Tunisie, que la pénurie actuelle est due à plusieurs facteurs dont les plus importants ont un rapport direct avec la guerre russo-ukrainienne , la spéculation et les problèmes du marché mondial des opérations d’approvisionnement, outre les difficultés rencontrées par la Société tunisienne des industries de raffinage « STIR » qui déplore une pénurie importante dans son stock stratégique.
Il a ajouté que la spéculation et la forte demande internationale de produits pétroliers ont poussé les fournisseurs internationaux à demander le règlement de leur dû remboursement dès réception de la cargaison, ce qui ajouté aux déboires financiers de la Tunisie.
Le directeur général des hydrocarbures s’attendait à ce que le pays connaisse des turbulences dans l’approvisionnement en hydrocarbures, avertissant que la Tunisie pourrait se retrouver sans produits pétroliers à l’avenir.
Selon Ben Dali, il y aura censément un stock de réserve pour une période d’au moins deux mois pour les produits pétroliers (gasoil et essence) et de 30 jours pour le reste des produits.
D’une manière générale, on peut constater que la situation en Tunisie connaît une évolution importante au niveau de la consommation face à la faiblesse du produit national brut.
La Tunisie consomme plus qu’elle n’en produit
Concernant le déficit énergétique, Ben Dali a indiqué que c’était attendu depuis le début des années 2000, sachant qu’il a connu son apogée ces dernières années, étant donné que la Tunisie consomme plus qu’elle n’en produit et qu’aucune nouvelle découverte qui puisse couvrir le déficit n’a été faite.
S’agissant de l’entrée en exploitation des champs de Nawara et Halk Al Manzil, elle a certes contribué à l’augmentation progressive de la production depuis l’année 2020, mais en l’absence de découvertes et l’épuisement des champs pétroliers actuellement en production (entre 5 et 10% par an) en plus de la hausse continue de la demande, le pays se retrouve fatalement aux prises avec une aggravation du déficit, selon les dires de Ben Dali.
En effet, le déficit énergétique tourne actuellement autour de 53%, ce qui signifie que 53% de la quantité d’énergie actuellement consommée, qu’elle soit issue du gaz ou des produits pétroliers, est importée.
Pour ce qui est du taux de creusement du déficit annuel, il est de 10%, et dans le cas où la demande continuerait sur la même lancée en conjonction avec l’absence de nouvelles découvertes de taille, le pourcentage de déficit énergétique atteindra 80% d’ici 2030.
En ce qui concerne la production nationale de produits pétroliers en Tunisie, elle est actuellement estimée à environ 35 000 barils par jour, alors que la consommation est d’environ 90
000 barils par jour. En revanche, la production de la Société tunisienne des industries de raffinage peine à dépasser les 32 000 barils par jour.
Indicateurs pour l’exploration et la production des hydrocarbures
Les indicateurs du secteur de l’exploration et de la production des hydrocarbures en Tunisie montrent une diminution du nombre moyen d’autorisations valides passant de 52 en 2010 à 26 en 2016 et 19 actuellement, entraînant une diminution du nombre de puits d’exploration et de découverte.
Et de toute évidence, la réduction du nombre de puits de développement entraîne celle de la production. En fait, jusqu’au mois de juin de cette année, il y avait 57 concessions et 19 autorisations de recherche et d’exploration.
Il est à noter que le mix énergétique tunisien est composé de 53,4% de pétrole, 46,2% de gaz et 0,5% d’énergies renouvelables sachant que ses dernières vont passer à 30% d’ici 2030.
Risques et menaces
Selon le directeur général des hydrocarbures au ministère de l’Industrie, les menaces les plus importantes qui pèsent sur le secteur des hydrocarbures sont liées à la réticence des entreprises internationales à investir en Tunisie et à leur intention de quitter définitivement le pays, telles que « Shell » et « Eni », surtout en l’absence d’un climat d’investissement sain, en plus des longues procédures d’attribution d’autorisations de recherche et d’exploration ainsi que des privilèges d’exploitation, vu leur passage à la présidence du gouvernement et à l’Assemblée des Représentants Peuple, ce qui prenait beaucoup de temps, en particulier au cours des années précédentes.
D’un autre côté, les sit-in et les grèves à répétition entravent les activités d’exploration et de développement, outre le phénomène des migrants illégaux qui prennent refuge dans les terminaux pétroliers offshore (Miskar, Sadrabaal et Ashtart).
Parmi les autres menaces les plus importantes figurent celles liées à l’incapacité des entreprises publiques comme la STEG, STIR, ETAP à honorer leurs engagements financiers envers les partenaires et fournisseurs, ce qui crée un climat de méfiance et menacerait ainsi l’approvisionnement.