Du fait du désordre climatique qui s’accentue au fil des années, des saisons, et probablement bientôt des mois, il couve actuellement le brandon de situations qui risquent de devenir des poudrières. La région du Maghreb ne semble pas cultiver la vocation d’en être exempte. C’est qu’elle est assise sur deux océans d’eau douce, inégalement partagés et surtout exploitées. Il s’agit d’autant de nappes d’eau : la nappe de l’Albien et la nappe du Continental.
La première, qui est la plus grande réserve mondiale d’eau douce, s’étend sur une zone entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye et renferme entre 30 000 – 50 000 billions de litres d’eau, dont 70% vont à l’Algérie, 20% à la Libye et 10% à la Tunisie.
Le deuxième gisement, appelé aussi albien intercalaire, s’étend sur une superficie de 7 000 km2 couvrant l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Il contient des eaux profondes et chaudes qui sont exploitées par la Libye depuis 1991.
Le Maroc et l’Algérie font déjà face à une rivalité autour du bassin Bounaim-Taffna. Les deux parties sont engagées dans une surexploitation imprudente avec peu ou pas de perspective de coopération bilatérale dans la gestion de cette précieuse ressource, malgré le précédent créé par la gestion collaborative du système aquifère du Sahara septentrional. Il est peu probable que Rabat ou Alger compartimentent d’autres sources de rivalité pour gérer conjointement le bassin Bounaim-Taffna, même si cela pouvait être mutuellement bénéfique.
Malheureusement, à mesure que les défis nationaux pressants se multiplient, les pays maghrébins éviteront une coopération indispensable au profit de l’inaction ou d’interventions au coup par coup qui ne feront qu’aggraver les problèmes liés au climat, même lorsqu’il existe des capacités, une expertise, une volonté et un financement suffisants pour protéger les plus vulnérables de la sous-région: les pauvres.
Les craintes de la Tunisie
La Tunisie craint que les ambitions de l’Algérie ne renforcent la crise de l’eau dans le pays, tandis que la Libye réclame la création d’un comité mixte d’exploitation, résume le site méditerranéen Atalayar, qui n’écarte pas que les eaux de l’immense aquifère partagé par les trois pays, le bassin de Ghadamès, puissent être une source de litige et de conflit entre les trois pays, nommément l’Algérie, la Tunisie et la Libye. La tendance de l’Algérie à utiliser les eaux souterraines pour explorer et extraire le gaz de schiste, qui menace l’environnement et la qualité de vie de la population et pourrait également être une source d’instabilité politique en Algérie, est peut-être l’indicateur le plus important du différend sur les ressources en eaux souterraines de la région, ajoute-t-il.
En effet, de nombreux Algériens refusent de faire confiance à leur gouvernement, qui sacrifie les ressources vitales des générations futures pour des gains temporaires à court terme. Un système de distribution d’eau potable basé sur des quotas a été mis en œuvre et les investissements dans d’autres activités ont été évités. Néanmoins, l’Algérie a construit le barrage d’Ain El Dalia, d’une capacité de 75 millions de mètres cubes (m³), sur l’Oued Medjerda qui a été inauguré en 2017.
Cependant, les informations recueillies auprès de sources algériennes soulignent que « les ressources en eau partagées entre l’Algérie et la Tunisie, notamment celles de Souk Ahras et de l’Oued Medjerda sont régies par des accords bilatéraux » et que « les barrages construits à l’est de l’Algérie contribuent à ce risque, soulignant que ces craintes sont injustifiées, car en plus de ne pas être en service, ils ne dépendent pas d’une source unique d’approvisionnement en eau ». La Libye a été le premier pays à reconnaître l’ampleur de la sécheresse et la nécessité pour le pays de mettre en place des projets d’irrigation efficaces, en réalisant un projet appelé « La grande rivière artificielle » pour fournir de l’eau potable à la capitale et aux villes de l’ouest à partir d’un bassin commun (Libye, Tunisie et Algérie).
Comme c’est le cas en Algérie à proximité des barrages, les cultures et l’irrigation qui en dépendent ont considérablement diminué ces dernières années, les autorités sacrifiant la production agricole au profit de la conservation de l’eau potable à Souk Ahras et à Tebessa, ainsi qu’à l’Oued Medjerda en Tunisie. Selon des rapports locaux en Tunisie, les sécheresses de ces dernières années ont affecté les niveaux d’eau de ce fleuve et de ses barrages, tandis qu’en Algérie, une série de barrages ont été construits dans la région supérieure de Souk Ahras, ce qui affecte la quantité d’eau reçue par les bassins hydrographiques tunisiens. En Tunisie, on craint que l’Algérie ne monopolise les eaux communes en augmentant les réservoirs dans la vallée de la Medjerda et en les convertissant en terre algérienne, empêchant ainsi la Tunisie de bénéficier des eaux de la vallée, alors que son voisin oriental souffre d’une crise.