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Les 4 vérités de l’eau et de la Sonede en Tunisie. Voyons voir ce que va faire le nouveau président

«Lors de mon troisième été en Tunisie, des manifestations ont éclaté un peu partout dans le pays, à une fréquence inhabituelle. Un constat plutôt inédit, quand on sait que l’activisme a tendance à se replier pendant l’été. La plupart de ces mouvements sociaux ont eu pour enjeu de protester contre les pénuries d’eau ». Ainsi parlait Antonius Verheijen, de la Banque mondiale, en décrivant l’état des lieux du secteur de l’eau en Tunisie, dans un article rédigé avec Carolina Dominguez Torres, Senior Water Supply and Sanitation Specialist (SMNWA). Un article qui dévoile quelques vérités sur la question de l’eau en Tunisie, et sur la Sonede aussi. Un article qui devrait intéresser le nouveau chef de l’Etat tunisien qui disait que l’eau aussi est une question de sécurité nationale.

«Selon la Sonede, les pénuries d’eau potable résultent de l’insuffisance des ressources hydriques au niveau des réservoirs, d’une part, et des comportements de surconsommation, d’autre part». Et le spécialiste de l’eau à la Banque mondiale d’estimer que c’est «un argument qui semble pour le moins absurde, quand on sait que les précipitations ont atteint un niveau record, l’hiver dernier, et que les réservoirs n’ont jamais été aussi bien alimentés depuis cinq ans». Et de rappeler que «le ministre de l’Agriculture a lui-même déclaré que les réservoirs ont été remplis à plus de 80% de leurs capacités», s’étonnant que «les Tunisiens se retrouvent confrontés à de graves pénuries d’eau. Mais c’est la première fois que cela arrive pendant une année à pluviométrie favorable».

Selon ces experts de la Banque mondiale, la réelle cause de ces pénuries d’eau réside d’abord dans «la demande d’eau [qui] a fortement augmenté. Ce pic est principalement attribuable aux quintiles les plus riches (…), qui font usage de l’eau potable même pour le lavage de véhicules et l’arrosage». Et de donner l’exemple, dans son quartier, où «ils sont nombreux à laver leurs voitures tous les jours, gaspillant d’énormes quantités d’eau, sans trop se poser de questions».

  • Les experts de la BM préconisent l’augmentation du prix de l’eau

Et selon ces mêmes experts internationaux, «l’augmentation significative du nombre de touristes exerce, elle aussi, une pression supplémentaire sur les besoins en eau. Les hôtels ne semblent pas trop se soucier de la façon dont l’eau est utilisée et ne font pas trop d’efforts pour rationnaliser cette utilisation. Les marges de profit sont faibles, du fait de la forte dépendance au modèle (dépassé) des vacances balnéaires en ‘’all inclusive’’. Dans les quelques hôtels où j’ai été cet été, j’ai remarqué qu’aucun effort n’était entrepris pour limiter la consommation d’eau (pas même les messages habituels sur la réutilisation des serviettes)».

Et Antonius Verheijen, avec Carolina Dominguez Torres, de placer cette problématique tunisienne de l’approvisionnement en eau, dans la conjoncture même de la publication de l’article, qui est celle de la période électorale, en espérant que «une fois les élections passées et le nouveau gouvernement mis en place, les autorités prendront les mesures décisives nécessaires pour remédier à ce que nous considérons comme l’une des plus grandes menaces pour les générations futures : les tarifs déraisonnablement dérisoires de l’eau». Ils rappellent même que «l’une des ressources les plus rares et précieuses du pays est aujourd’hui vendue à un tarif très bas, au moment même où les tarifs de l’électricité et autres services d’assainissement ont été révisés à la hausse. L’eau reste, à ce jour, le seul produit bon marché, ce qui n’encourage pas les citoyens à développer des comportements d’économie», allant jusqu’à dire que «pour être honnête, ils ne font preuve d’aucun sens de responsabilité. Par ailleurs, les gros consommateurs paient le même prix que les petits consommateurs. (…) Il est triste de constater qu’en termes relatifs, l’eau coûte aujourd’hui moins cher qu’en 2003».

Les experts rappellent que depuis 2003, les tarifs ont augmenté de façon irrégulière et dans des proportions insuffisantes. Les tarifs de l’eau n’ont pas été alignés sur l’inflation, encore moins les coûts de traitement et de distribution, en perpétuelle croissance.

  • La Sonede, structurellement déficitaire

Selon eux, «une étude menée par la Banque mondiale en 2018 a montré que l’impact négatif de l’ajustement des tarifs aux seuils de rentabilité était très négligeable. La même étude a également fait ressortir que les 20% des ménages les plus riches consomment quatre fois plus d’eau que les 20% les plus pauvres et tirent donc meilleur profit des subventions publiques. Par conséquent, le maintien des tarifs de l’eau à des niveaux dérisoires exacerbe les inégalités et spolie le pays de cette ressource non renouvelable».

L’insuffisance des ajustements tarifaires explique, selon ces experts, la fragilité de la situation financière de la Sonede, contraint les opérations d’entretien et de maintenance des canalisations et autres infrastructures et exacerbe le gaspillage. «La Sonede est structurellement déficitaire depuis 2008. Son coefficient d’exploitation, c’est-à-dire le rapport de ses recettes d’exploitation à ses charges d’exploitation, est inférieur à un, ce qui veut dire que les recettes de la Sonede ne suffisent pas pour couvrir ses dépenses. C’est pourquoi la Sonede n’a pas été en mesure d’engager des investissements de réhabilitation ou en capital, de rembourser ses dettes ou de se constituer des réserves d’amortissement. Il est attendu que la situation s’aggrave avec le temps, avec l’accroissement de l’endettement et les contraintes qui pèsent sur l’investissement, pourtant nécessaire au maintien de la qualité et de la durabilité du service et à la maîtrise des coûts (notamment de l’énergie)».

Pis encore, la Sonede est contrainte par son autonomie administrative et financière limitée qui restreint sa capacité à générer des recettes et à maîtriser ses coûts. Le cadre juridique obsolète en vertu duquel les entreprises publiques opèrent est, en grande partie, explicatif de ce dysfonctionnement. Les experts enfoncent encore le clou dans la Sonede, en estimant qu’elle «n’est pas en mesure de prendre des décisions stratégiques concernant ses plans d’investissement, ses processus de planification, le renouvellement préventif et la réhabilitation de ses réseaux, l’optimisation des coûts énergétiques et la gestion de l’impact que peut entraîner le recours de plus en plus croissant au dessalement. (…) L’insuffisance des revenus a entraîné des coupes importantes dans le budget d’exploitation et de maintenance et occasionné de grands retards au niveau de la mise en œuvre de nombreux projets d’investissement. Entre 2012 et 2017, le niveau d’eau non génératrice de revenu est passé de 22,3% à 25,9%. Selon les estimations de la Sonede, le recouvrement des pertes réelles pourrait permettre d’économiser près de 86 millions de m3 par an, un chiffre proche de celui du niveau d’efficacité énergétique estimé à 88,9% (sur les réseaux de distribution).

Et les deux experts de faire remarquer, à juste titre d’ailleurs, que «ceux qui ont suivi de près les débats politiques tenus avant la présidentielle et les législatives se sont certainement rendus compte qu’aucun discours ne s’est attelé aux tarifs de l’eau et à l’importance des niveaux de sa consommation. Pourtant, le faible coût de l’eau pose un défi vital au pays. L’appel que nous lançons aux nouveaux dirigeants du pays est qu’ils assument les responsabilités qui sont les leurs et qu’ils remédient à ce qui est devenue l’anomalie la plus confirmée dans le pays : le gaspillage de la ressource la plus précieuse, accessible pour pratiquement rien». A bon entendeur, pour le cas présent le nouveau chef de l’Etat fraîchement élu, salut !

Article World Bank MENA

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