AccueilLa UNEMigration : Un accord UE-Tunisie sur le modèle Royaume-Uni-Rwanda ?

Migration : Un accord UE-Tunisie sur le modèle Royaume-Uni-Rwanda ?

La législation européenne n’autorise l’envoi de demandeurs d’asile vers des pays tiers que s’ils peuvent être considérés comme sûrs et s’ils ont un lien raisonnable avec le demandeur. Toutefois, si les réformes du nouveau pacte vont de l’avant, le concept de pays tiers sûr pourrait être utilisé pour transférer les responsabilités en matière de protection en dehors de l’UE. Bien que l’UE ne soit pas en mesure de conclure un accord de type Royaume-Uni-Rwanda, la pression exercée en faveur des réformes, ainsi que le récent protocole d’accord avec la Tunisie, signalent la menace d’une diminution des protections et des garanties en matière de droits de l’homme, note l’European Policy Center (EPC).

Suite à un accord sur le dernier élément du paquet de réformes, l’instrument dit de crise, le Conseil européen et le Parlement européen négocient actuellement toutes les propositions incluses dans le nouveau pacte sur l’immigration et l’asile. Alors que la prévention des arrivées irrégulières et l’augmentation des retours constituent depuis longtemps une priorité pour le Conseil européen et ont été largement débattus dans le cadre de la politique migratoire de l’UE, l’impact possible des réformes du Pacte sur le pays tiers sûr (PTS) est passé largement inaperçu, en partie en raison de sa nature technique.

Face à l’augmentation des arrivées irrégulières, avant la réunion du Conseil européen de février 2023, huit États membres avaient appelé la Commission européenne et le Conseil européen à « explorer de nouvelles solutions et des moyens innovants pour lutter contre la migration irrégulière », en s’appuyant sur des « accords avec des pays tiers sûrs ». En juillet 2023, la Commission a signé un protocole d’accord avec la Tunisie sur les contrôles aux frontières et les retours en échange, entre autres, d’avantages économiques et commerciaux, reflétant ainsi une tendance bien établie à confier à des pays tiers les responsabilités en matière de gestion des migrations. Ce protocole d’accord, considéré comme un modèle pour des accords similaires par Mme von der Leyen dans son discours sur l’état de l’Union en 2023, a été conclu à la demande du gouvernement italien, qui souhaite utiliser le concept de CTS pour renvoyer les personnes arrivant par la mer via la Tunisie.
Toutefois,, souligne l’EPC, certains États membres souhaitent aller plus loin, certains commentateurs affirmant que leur objectif est de coopérer avec des pays tiers sur la base de l’accord conclu entre le Royaume-Uni et le Rwanda en 2022. Dans cet accord controversé, le Rwanda s’est engagé à réadmettre les demandeurs d’asile arrivant irrégulièrement au Royaume-Uni en échange d’une aide au développement, indépendamment du fait que les demandeurs d’asile aient déjà vécu ou même pénétré dans le pays auparavant. Des déclarations bilatérales explicites de soutien à cette politique ont été faites par l’Autriche et l’Italie. Le Danemark a même négocié un accord similaire avec le Rwanda en septembre 2022. Toutefois, les projets danois ont été suspendus, le gouvernement s’attendant à une approche à l’échelle de l’UE.

Ces dernières années, cependant, les politiques d’immigration restrictives visant à dissuader les arrivées irrégulières ont proliféré, y compris l’externalisation des responsabilités vers des pays tiers. Ces politiques, communément appelées « externalisation », cherchent à transférer les responsabilités en matière de gestion des migrations et de protection internationale à des pays déjà touchés par les flux de réfugiés, principalement des pays de transit, dans un esprit de transfert plutôt que de partage des charges. Ces mesures s’accompagnent également d’une diminution des garanties.

Vers un concept PTS élargi

Le texte de compromis du Conseil européen maintient l’exigence d’une connexion raisonnable tout en laissant aux États membres le soin de définir précisément le PTS dans leur droit national, comme c’est le cas dans les règles actuelles. Toutefois, deux changements possibles pourraient élargir son applicabilité afin de faciliter les retours.

Tout d’abord, bien qu’ils ne soient pas juridiquement contraignants, les considérants introduisant la position commune du Conseil européen mentionnent explicitement qu’un simple « séjour » dans un PTS pourrait être considéré comme suffisant pour que l’exigence de lien raisonnable soit remplie. Si les changements devaient être adoptés sous cette forme, il n’est pas imprévisible que certains États membres fassent pression pour renvoyer les demandeurs d’asile dans les pays de transit, même s’ils n’ont qu’un lien ténu avec eux, bien que la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE aille à l’encontre de cette interprétation.
Deuxièmement, la position adoptée par le Conseil européen en juin permettrait aux États membres de présumer de la sécurité d’un pays tiers lorsque l’UE et ledit pays tiers ont décidé que les migrants qui y sont réadmis seront protégés conformément aux normes internationales.

Toutefois, la simple existence d’un accord ne prouve pas sa sécurité dans la pratique. Par exemple, le protocole d’accord récemment conclu avec la Tunisie a été remis en question en raison de ses implications en matière de droits de l’homme et de la prise en compte des abus commis à l’encontre des migrants, ce qui pourrait le rendre dangereux.
Malgré les souhaits contraires de l’Italie, la Tunisie n’a jusqu’à présent accepté qu’expressément de réadmettre ses propres ressortissants. Toutefois, compte tenu des attentes des États membres de l’UE, de la position du Conseil européen et d’un avenir incertain, la possibilité de conclure des accords plus complets avec d’autres pays, tels que l’Égypte, ne peut être exclue. Alors que les accords de type Royaume-Uni-Rwanda sont et resteront interdits aux États membres, un concept de PTS élargi pourrait permettre à l’UE de poursuivre sa priorité de mise en œuvre des retours dans les pays de transit, ce qui constituerait un changement notable par rapport aux pratiques actuelles.

Les efforts de coopération avec la Tunisie montrent que cela se ferait au détriment des droits de l’homme.
Les négociations avec le Parlement européen offrent la possibilité d’éviter cette expansion et de maintenir des garanties plus solides. Toutefois, compte tenu des faiblesses systémiques plus larges des réformes envisagées- en particulier les obligations de solidarité peu contraignantes au sein des États membres – l’UE poursuivra probablement ses efforts de transfert de charge à l’avenir, que ce soit par le biais du concept de PTS ou d’autres types d’accords avec des pays tiers.

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