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Olfa Youssef à Africanmanager : « Il faut croire plus au père Noël qu’à un gouvernement de nullards »

Olfa Youssef, l’écrivaine et universitaire tunisienne spécialisée en linguistique, psychanalyse et islamologie appliquée a accordée à Africanmanager, une interview exclusive où elle affirme que le gouvernement a failli à ses missions puisqu’il n’a pas pu assurer la sécurité du pays. Elle a souligné encore que la troïka est devenue une marque déposée de l’échec.

Olfa Youssef a indiqué, en outre, que plusieurs personnalités publiques sont déjà dans l’insécurité et elle prévoit d’autres crimes et d’autres assassinats.

« La troïka est devenue une marque déposée de l’échec, qu’elle devrait revendiquer d’ailleurs »

« J’ai prédit d’autres crimes, et j’espère me tromper »

Que pensez-vous de la situation politique du pays ?

La situation politique actuelle du pays se caractérise par une invisibilité voulue, par l’absence d’une date pour les élections ainsi que par la fragilité du processus de la transition démocratique en Tunisie. Cette invisibilité a fortement influencé la situation sociale du pays. La société se trouve de plus en plus, aujourd’hui, infestée par la violence en l’absence de l’application des lois. Le pire est que, parfois, on applique la loi sur certains et fermer les yeux sur d’autres instaurant ainsi la politique de « deux poids deux mesures ». Avec ces défaillances sociales et politiques, il est presque inéluctable que l’économie suive son rythme habituel. Notre économie, selon d’éminents experts, passe par l’une des périodes les plus noires. Les Tunisiens se trouvent également face à plusieurs difficultés comme la flambée des prix et l’inflation qui a atteint des taux vertigineux. La troïka est devenue marque déposée de l’échec, qu’elle devrait revendiquer d’ailleurs.

Parmi vos citations célèbres qui ont circulé sur les réseaux facebook, « on aura tout un gouvernement de nullards et un pays qui va vers la faillite », pourquoi ?

Les intentions et les capacités d’un gouvernement qui ont sévi, pendant plus d’un an, dont quatre mois dans l’illégitimité politique et éthique, ne sont pas cachées. L’incompétence, on en a vu plus d’un exemple, parfois hilarants, est de taille ; alors, pardonnez-moi, si je vois mal comment un ministre de l’Intérieur responsable politiquement d’un assassinat politique, et qui, dans tout pays démocratique qui respecte ses institutions, aurait démissionné, est promu chef du gouvernement. Certains croient à un avenir prometteur avec ces nullards, autant croire au père Noël, au moins, lui, il ramène des cadeaux.

Vous venez de rejoindre « Nidaa Tounes », pourquoi ce choix ?

C’est pour la première fois de ma vie, que je rejoins un parti politique. Le temps n’est plus seulement au militantisme par la parole bien qu’il reste très important, mais le temps est aussi aux actions politiques, tel que le contact des plus démunis et le travail sur le terrain. J’ai choisi Nida Tounes, car les prémices idéologiques de ce parti rejoignent, en partie, les miens. Je n’ai jamais été radicale de gauche, et je respecte mes amis gauchistes. J’ai toujours été dans la réforme de la pensée islamique et dans la lignée culturelle des grands réformateurs musulmans et tunisiens, et ce depuis 1997, date de mon premier livre sur l’islam. Je crois à l’économie du marché, avec une régulation de l’Etat. Je suis contre le capitalisme sauvage et je crois que le communisme n’est pas loin d’être un type d’intégrisme. Je suis du juste milieu, depuis belle lurette.

Vous agacez en permanence les sympathisants d’Ennahdha, pourquoi, selon vous ?

Il faut leur poser à eux la question. Mais, plus sérieusement, je crois que je les énerve, car d’abord, je suis une femme qui prend la parole en public, et vous connaissez leurs problèmes avec les femmes libérées de leur joug, ensuite, je m’intéresse, comme plusieurs autres femmes, à l’exégèse coranique et à la pensée musulmane, ce qui a été pendant longtemps de l’apanage des hommes. Je prétends, donc, à un certain savoir sur leur capital symbolique dont ils veulent exclure les autres, pour en faire une plus value politique. Enfin, j’arrive, grâce à Dieu, à trouver un chemin au cœur et à l’esprit d’une certaine frange de la société, en usant des moyens de communications modernes comme le facebook. Pour moins que ça, ils me détesteraient ; là, certains rêvent de me lyncher. Ce sont eux qui le disent.

Selon certaines sources, votre nom figure sur dans la liste des personnes à abattre. Vous n’avez pas peur pour votre sécurité ?

Si, pas mal de personnalités publiques ont peur, déjà, pour ma sécurité. Mais, je crois que tous les Tunisiens et toute la Tunisie sont dans l’insécurité, et c’est ce qui me soucie le plus. J’ai prédit d’autres crimes, et j’espère me tromper. Mais, en bonne croyante, je crois que la vie et la mort ne dépendent que de Dieu. C’est lui seul qui en décide, donc, pourquoi trop se soucier de ce qui nous dépasse. Je cite, à cette occasion, une amie, qui a été menacée par un nahdhaoui, lui ayant dit que son nom se trouvait sur la liste des menacés de mort.

Samia Abbou accuse Béji Caïd Essebsi d’être derrière l’assassinat de Chokri Belaid. Qu’en pensez-vous ?

Je ne vais pas, quand même, m’abaisser au niveau de Samia Abbou, cette prétendue « juriste », connaissant les droits de l’homme, et accusant sans preuve, un homme de meurtre, pour faire la même faute qu’elle. Non, je n’accuse personne, mais, j’affirme haut et fort que la troïka est responsable, de par sa nonchalance et son incompétence, de ce crime.

Selon les normes politiques internationales, un gouvernement incapable d’instaurer la sécurité a failli à sa mission et a échoué. D’ailleurs, Jebali l’a compris, bien que je ne juge pas les intentions. Donc, faisons une différence entre « être coupable » et « être responsable ». Ce gouvernement, et ce « président » qui avaient eu vent des menaces à l’encontre de Belaid dans des mosquées devenues lieux d’appels à la violence et sur des pages facebook belliqueux, n’a pas levé le petit doigt pour défendre feu le martyr Belaid et toutes les personnes menacées. Et la violence verbale et physique continue de sévir face au silence assourdissant des autorités.

Khadija Taboubi

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