AccueilLa UNEPeut encore mieux faire, et doit surtout tout dire !

Peut encore mieux faire, et doit surtout tout dire !

Le Conseil d’Administration (C.A) de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) s’est réuni le 31 juillet 2024, soit un mois à peu de jours près de sa dernière réunion datant du 20 juin 2024, et moins d’un mois après sa note sur « les évolutions économiques et monétaires et perspectives de l’inflation » du 3 juillet et que nous avions fort critiquée. Nous demandions alors, une meilleure communication financière, plus et meilleure analyse des chiffres, dans une conjoncture où la visibilité de moyen et long terme est défaillante. Et ce n’est pas la non-publication depuis trois mois du bimestriel « périodique de conjoncture », qui nous démentira !

Selon Anis Laadhar d’Ernest & Young Tunisie dans le baromètre 2024 « il y a une corrélation parfaite, entre les prévisions socioéconomiques, et les perspectives politiques en Tunisie (…). Entre 2021 et 2023, on a enregistré un bond de 10 points dans l’optimisme par rapport à la situation économique et sociale. Pour 2024, on enregistre un retour de l’optimisme au niveau de 2021, et tout cela impacte le moral des chefs d’entreprises ». Mais aussi celle des ménages et des citoyens, pouvons-nous ajouter.

Et l’expert d’EY de rappeler que « les résultats de tous les baromètres, le taux moyen d’optimisme pour une amélioration du climat d’investissement et des affaires, ne dépassait pas les 30 % ».

  • Pas assez sévère la BCT avec des banques

Un 1er pas dans le bon sens, a été franchi dans le communiqué du CA de la BCT, où on n’a plus trouvé la longue, ennuyante et inutile tirade sur la conjoncture internationale. Elle   n’ajoute rien de ce que nous pouvons trouver sur le Web et qui, surtout, empêche d’aller directement au but. Le dernier CA a en effet « passé en revue l’évolution de l’activité bancaire en 2023 et au cours du premier semestre 2024 sur les plans du financement de l’économie et de la mobilisation de l’épargne, ainsi que la solidité financière et les défis à relever par le secteur bancaire au cours des prochaines années ».

C’est ainsi que, mollement, « le Conseil a exprimé sa préoccupation quant au ralentissement de l’évolution des crédits à l’économie, au cours de l’année 2023 et du premier semestre 2024, qui a concerné essentiellement les crédits dispensés aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux particuliers en lien avec le contexte économique et la poursuite des pressions inflationnistes. Le Conseil a souligné la nécessité de coordonner les efforts de toutes les parties prenantes pour soutenir les entreprises, assurer leur viabilité et préserver les emplois ».

Pas assez dure la remontrance, pour des banques qui redistribuent peu les dépôts accumulés, et dont le CA de la BCT a pourtant noté qu’ils « ont continué à progresser au rythme moyen de 8% ». On comprendrait ainsi, que les banques, dont la BCT a la supervision, encaissent beaucoup et donnent très peu, et que la BCT laisserait faire, car « cette situation (…) a contribué à l’amélioration de la situation de la liquidité bancaire ».

  • Financer, soit ! Mais quelle PME ? 

Les membres du CA de la BCT ont évoqué la question du financement, dans une économie à très forte majorité de PMEs, et ces dernières de toujours se présenter comme le parent pauvre de du financement bancaire tunisien. Or, qui sont ces PMEs ? La question mérite réflexion, dans une conjoncture qui remet en question, pour leur faire plaisir, un moyen de paiement officiel. Et comme pour les chèques sans provision décriminalisés, les recettes toutes prêtes focalisent de plus en plus sur les taux bonifiés pour PME. Une idée qui mériterait, particulièrement, d’être nuancées.
La PME tunisienne est surtout l’ancien chouchou des banques de la place. Elles furent également des « vaches à lait ». Cette situation, responsabilité commune aux deux protagonistes, n’a pas permis à l’entité économique de développer des assises financières solides ni de diversifier ses sources de financement.  Elles sont restées cantonnées entre la banque et les sociétés de leasing, et y sont généralement tributaires. Alors, quand les vannes sont présumés asséchées, les PME et certains experts  crient au haro.
La PME tunisienne utilise mal et peu les lignes de financement international. Leur taux de consommation demeure faible. Tous les bailleurs appellent à une meilleure utilisation de ces outils de financement qui, plus est, à coût moindre que le bancaire. Mais, la PME nationale reste sourde à ces appels. A creuser un peu, c’est plus un problème de gouvernance que d’accès au financement. 
La PME familiale, notamment, n’aime pas la transparence. Elle gère dans l’entre soi. Alors, que les bailleurs demandent ; plutôt exigent ; des conditions, tout à fait ordinaires sous d’autres cieux, pour accorder des financements. Comment consentir à ce qu’une PME classée 4 ou plus se sert encore des crédits. Surtout qu’à bien lire ses bilans (s’ils existent) les problèmes découlent davantage du structurel que du conjoncturel ?

Car, aux problèmes de gestion, de vision, de déclaration etc. s’ajoute une conjoncture exceptionnelle et il ne faut pas s’étonner que la manne bancaire se fait rare, que les bailleurs deviennent plus exigeant avec un FISC qui ratisse large pour financer le Trésor… Dans la vie d’une PME, la disparition fait aussi partie du jeu. Cette donne est à prendre en considération.
Il faudrait, aussi, oser la comparaison avec les microentreprises !  Des entités de survie qui empruntent à des taux faramineux et qui arrivent pourtant à honorer leurs dus, à renouveler les emprunts et à faire vivre un écosystème local. Certaines mêmes se transforment et se développent.
Un taux bonifié, c’est un cache misère d’un écosystème de PME qui a longtemps bénéficié des connivences des systèmes politique et financier. La crise a fait ressurgir les faiblesses. Place à l’adaptation et au changement !

  • Pas même l’ombre d’un blâme pour des banques sanctionnées, pas par la BCT !

Ce n’est pas une mauvaise chose, et le CA de la BCT s’en félicite à juste titre, « le secteur bancaire a poursuivi ses efforts en matière de renforcement de sa solidité financière et de la couverture des risques ». Et le communiqué cite en témoignage « la progression continue du ratio de solvabilité global du secteur qui a dépassé le niveau de 14% (pour un ratio réglementaire de 10%) ».

Et les administrateurs de la BCT qui omettant de se rappeler l’affaire des banques sanctionnées par le conseil de la concurrence pour commissions abusives et indues sur prêts reportés par le gouvernement, de s’auto-congratuler de « la capacité des banques à faire face aux pressions engendrées par le regain de la montée de la part des créances classées à partir de 2023 et les défis liés à la problématique du changement climatique ».

On passera sur le très peu d’informations explicatives sur cet inexplicable lien entre une inflation qui n’a que « se replie à 7 % selon l’INS, malgré des prix à la consommation qui n’ont jamais arrêté d’augmenter, et même de 4,2 % pour les prix encadrés en juillet.

On passera aussi, sur ce silence à propos d’une contraction du déficit courant, attribuable notamment à l’atténuation du déficit commercial et l’impact de ce lien chimique sur l’importation, physiquement liée à la production dans une économie de transformation. Oubli, tout aussi inexplicable, que celui à propos des hausses incessantes des avoirs nets en devises, que tout le monde attribue aux TRE, mais d’autres pas que ! Le public n’a-t-il pas le droit à toutes les explications ? Les experts de la BCT ne les ont-ils pas ?

  • Un paragraphe que le Gouverneur n’aurait jamais dû laisser passer

Il y a enfin, ce fâcheux paragraphe d’une cinquantaine de mots, tel un cheveu dans la soupe populaire servie dans le temple des finances. « Le Conseil invite les services de la BCT à parachever dans les meilleurs délais, le processus d’adaptation du cadre prudentiel pour converger progressivement aux standards internationaux et à assurer l’intégration de la dimension environnementale et de la finance verte dans la gouvernance et les pratiques de financement bancaire ».

Un paragraphe, qui sonne comme une remontrance. Réprimande, soit des membres du CA à l’administration dont ils voudraient mettre en focus le retard et s’en désolidariser. Soit une remontrance du Gouverneur, par ailleurs signataire du communiqué, à ses propres cadres. Et dans tous les cas, un paragraphe qui aurait dû rester en note interne, et que le Gouverneur de la BCT n’aurait jamais dû accepter, et endosser en bon gestionnaire RH, pour pouvoir continuer à travailler en bonne intelligence avec tous ses collaborateurs.

Le remodelage de la BCT par le Gouverneur Nouri débute à peine. Ça vient de commencer et ça devrait, surtout, continuer. C’est un travail de longue haleine pour rehausser une Institution de prestige au rang qu’elle mérite. Que du travail en perspective. Courage !

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