AccueilLa UNEPlus de temps à perdre pour la Tunisie

Plus de temps à perdre pour la Tunisie

En l’espace de neuf mois, le président tunisien Kais Saied a centralisé le pouvoir et démantelé les institutions mises en place par la jeune démocratie depuis la révolution de 2011. Sa nouvelle constitution établissant une « Nouvelle République » sera soumise à un référendum le 25 juillet 2022. Les plans de Saied ont divisé la nation, avec une résistance croissante des acteurs politiques et de la société civile qui demandent le retour à un processus inclusif et démocratique.  C’est sous ces traits que la situation politique en Tunisie  est décrite dans une toute récente analyse du think tank allemand  German Institute for International and Security Affairs (Institut allemand des affaires internationales et de sécurité). Sur le plan économique, les choses sont pires. Le  pays se rapproche du défaut de paiement. Les partenaires européens de la Tunisie ont beaucoup investi dans la démocratisation et considèrent le changement autocratique avec inquiétude. Mais ils n’ont pas réussi à prendre des mesures significatives, et chaque nouvelle étape franchie par Saied rend plus difficile l’inversion du chemin. Dans l’intérêt de la stabilité de la Tunisie, l’Europe devrait agir de manière décisive et utiliser le levier financier et diplomatique dont elle dispose en raison de la crise économique tunisienne, préconise le groupe de réflexion.

L’escalade politique interne coïncide donc avec une crise économique. Sans un nouveau prêt du FMI rapidement, la Tunisie pourrait faire face à un défaut de paiement et dans le pire des cas – comme le gouverneur de sa banque centrale l’a prévenu – à un scénario libanais ou vénézuélien.

La Tunisie dit avoir besoin d’emprunter 7 milliards de dollars américains en 2022. Selon la banque centrale, la hausse rapide des prix de l’énergie et des céréales provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine fait que la Tunisie a besoin de plus de 1,5 milliard de dollars en plus.

L’aide financière des États du Golfe, à laquelle Saied et son gouvernement ont fait allusion depuis juillet 2021, ne s’est pas matérialisée. Il semble que Washington les ait pressés d’attendre afin d’éviter de renforcer la position de Saied. Les États-Unis ont également réduit très rapidement leur propre soutien, annonçant une réduction de moitié de leur aide militaire en avril 2022. Washington a également envoyé des signaux diplomatiques clairs, le Secrétaire d’Etat Antony Blinken omettant la Tunisie de son voyage au Maghreb fin mars 2022. L’Allemagne ne fournira pas de soutien macroéconomique tant qu’un programme du FMI n’aura pas été mis en place.

En définitive, les difficultés économiques de la Tunisie constituent le seul véritable levier pour les partenaires européens. Les membres du conseil d’administration du FMI, qui doit approuver tous les crédits, comprennent les États-Unis, l’Allemagne et la France. Cela crée une opportunité d’exercer une pression bilatérale sur le(s) décideur(s) de la Tunisie – en particulier lorsqu’un accord avec le FMI déclencherait normalement un financement supplémentaire de la part de partenaires comme l’Allemagne.

Une visite des ministres des AE allemand, français et américain !

L’UE et ses États membres seraient bien avisés de se préparer aux prochaines actions du président. Jusqu’à présent, ils ont eu tendance à réagir spontanément, voire pas du tout. Il faut que cela change, tout en restant réaliste quant aux possibilités, insiste le think tank allemand qui estime que, en fin de compte, ce sont les Tunisiens eux-mêmes qui devront se mettre d’accord sur leur futur système. Néanmoins, les acteurs européens doivent développer une conception de la manière dont ils souhaitent soutenir les processus inclusifs et les dynamiques orientées vers la démocratie.

Une chose est sûre : si Saied parvient à faire passer son référendum en force – ce qu’il faut supposer- il sera difficile de se débarrasser du nouveau système, probablement fortement autoritaire. Néanmoins, l’UE et ses États membres devraient envoyer des signaux décisifs avant la tenue du référendum et planifier la période qui suivra. Plus précisément, ils devraient coordonner sans délai les attentes des partenaires les plus importants – Bruxelles, Berlin, Paris, Rome, Madrid, Washington et le G7 (restant). Que souhaitent-ils communiquer sur la légitimité à l’approche du référendum, et avec quelle publicité ? Quelles conséquences les partenaires souhaitent-ils faire planer dans l’éventualité probable d’un manque d’inclusion, de transparence et/ou de légitimité du processus ?

Le groupe de réflexion allemand   propose  la suspension tout soutien macrofinancier et toute coopération avec des entités étatiques (à l’exception des infrastructures critiques et des énergies vertes) en cas d’escalade des tensions politiques internes. Un tel scénario pourrait se produire si Saied utilisait l’appareil de sécurité pour imposer ses plans contre la résistance, ou si les militaires prenaient le pouvoir, précise-t-il .

Un voyage conjoint en Tunisie des ministres des affaires étrangères d’importants États partenaires – par exemple l’Allemagne et la France avec les États-Unis – serait envisageable. Son message clair devrait être qu’il appartient naturellement aux Tunisiens de décider dans quel type de système ils souhaitent vivre. Si la voie sur laquelle les Tunisiens se mettent d’accord entre eux s’avère être celle de l’inclusion et de la liberté, ils peuvent continuer à compter sur un soutien (potentiellement encore plus généreux) et sur la perspective d’étendre la disponibilité des visas de travail. Un tel message pourrait contrer l’accusation selon laquelle l’Europe applique deux poids, deux mesures et s’immisce dans les affaires intérieures, tout en ayant le potentiel d’influencer positivement la dynamique politique en Tunisie, conclut German Institute for International and Security Affairs.

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