AccueilLa UNEPourquoi Ghannouchi commence-t-il à défendre la spécificité tunisienne?

Pourquoi Ghannouchi commence-t-il à défendre la spécificité tunisienne?

Le quotidien égyptien Al-Misry Al-Yaoum a révélé, dans son édition de mercredi, que Rached Ghannouchi était favorable, au sein de l’organisation des frères musulmans, à la démission de Mohammed Morsi de la présidence de la République. Cette information indique donc qu’il y avait dans les rangs des frères musulmans une ligne qui était opposée à la stratégie « du tout ou rien » adoptée par les durs de l’organisation islamiste.

Ce constat a été étayé par les déclarations des chefs de l’opposition égyptienne, Amr Moussa , Hamdine Sabbahi et Mohammed Bradaî qui ont affirmé que l’islam politique a sa place dans l’échiquier public ,et la frange des frères musulmans qui n’a pas versé dans la violence participera à la vie politique, dans la période transitoire qui s’ouvre en Egypte .

Par ailleurs, Rached Ghannouchi a déclaré au quotidien londonien Al-Sharq Al-Awsat , dans son édition de jeudi , que son parti a fait des concessions et même des sacrifices pour mettre en œuvre les accords sur la constitution .Le parti islamiste Ennahdha a ,selon Ghannouchi, intégré un concept approprié de la démocratie basée sur la légitimité , les accords et le dialogue, ce qui a fait éviter au pays la division .

Il a souligné que seuls de jeunes rêveurs peuvent imaginer que ce qui s’est passé en Egypte peut être transposé en Tunisie, usant, pour appuyer sa thèse ,de son jargon de Faqih en parlant de comparaison défectueuse (qiyas m3a woujoud al-fareq) .

Il a insisté sur deux éléments qui font la différence entre la Tunisie et l’Egypte : d’abord, selon lui, les concessions faites par Ennahdha aux autres courants, aux niveaux doctrinal et politique. Le parti islamiste a évité de classer les Tunisiens selon leur confession (croyants et mécréants) et de pousser à la bipolarisation politique et idéologique, en formant des alliances avec des partis laïques et de centre-gauche (Troïka) , en cédant sur les ministères de souveraineté qui ont été confiés à des compétences apolitiques . Le deuxième élément est la neutralité de l’armée tunisienne, consacrée depuis des décennies.

Seulement, ces déclarations de Ghannouchi au journal londonien, et sa position au sujet de la démission de Morsi évoquée par le journal égyptien, appellent les remarques suivantes :

– Impliquer la Tunisie, de n’importe quelle manière et de quelle que sorte que ce soit dans les affaires intérieures d’autres pays est un choix pernicieux et dangereux pour le peuple tunisien et ne peut que porter atteinte aux relations entre les deux peuples et les deux Etats . Les soi-disant positions modérées et réalistes de Rached Ghannouchi dans ce dossier ne sont bénéfiques ni à la Tunisie ni à son peuple, et visent à donner une idée fausse de Rached Ghannouchi et de son parti pour les faire apparaître comme modérés.

– Le parti au pouvoir en Tunisie (Ennahdha) ne laisse jamais passer une occasion sans afficher qu’il est seul maître à bord , monopolisant,ainsi, la vie politique , à tel point que les articles adoptés par les différentes commissions de la constitution où figurent des députés de l’opposition ont été dénaturés et remaniés par la commission de la rédaction et de la coordination que préside un proche de Rached Ghannouchi lui-même . Les députés de l’opposition n’ont trouvé autre moyen que de perturber les travaux de la plénière du 1er juillet, en signe de protestation contre la sourde oreille opposée par Ennahdha à leurs propositions.

– L’avis de Rached Ghannouchi sur l’Armée tunisienne est lui aussi faussé. Il a toujours prétendu que l’armée, les forces de sécurité et l’administration ne sont pas acquises à la cause islamiste. Il a été surpris, par une caméra ,en train de se confier à des salafistes pour leur dire que l’armée et les forces de sécurité ne sont pas sûres et sont du côté des laïques et de la gauche qui s’opposent au projet islamiste .Et il a même avancé une stratégie pour venir à bout de cette résistance des institutions de l’Etat tunisien ,en leur suggérant de faire appel aux prédicateurs du Moyen-Orient , en créant des jardins d’enfants islamiques ,et des écoles coraniques ,et en lançant des chaînes radio et télé pour islamiser le pays . D’ailleurs, la vidéo en question a été largement diffusée ,et ni Rached Ghannouchi ,ni son parti Ennahdha n’ont démenti son contenu .

– Lorsque Rached Ghannouchi prétend qu’il reconnaît une spécificité tunisienne au niveau de la neutralité de l’armée ou de l’adhésion de la classe politique à un concept dynamique de la démocratie, il ne fait que se renier. Il a longuement prétendu que la Tunisie indépendante est le fruit d’une politique délibérée d’occidentalisation menée par Bourguiba qui est taxé de franc-maçon, sioniste et occidentaliste dépravé. Et la politique d’Ennahdha, depuis octobre 2011, a été de déstructurer ce qui a été fait, depuis l’Indépendance, pour jeter à sa place les bases du projet islamiste que cherche à imposer Ennahdha au pays .

Ce qui a été rapporté par les deux journaux et ce que disent les dirigeants du parti islamiste tunisien à propos des différences entre la Tunisie et l’Egypte, sont une ultime tentative pour donner une image positive d’Ennahdha et de son chef. Seulement, Ghannouchi et les siens ne doivent pas oublier que le véritable enjeu n’est pas tant l’image véhiculée , mais le bilan réel de l’exercice du pouvoir que ressent le citoyen tunisien dans sa vie quotidienne et sa vision de l’avenir .

Aboussaoud H.

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