AccueilLa UNEPourquoi le courroux contre les dépenses fiscales devient-il si général ?

Pourquoi le courroux contre les dépenses fiscales devient-il si général ?

A l’heure où l’actualité nationale est marquée par la discussion du budget de l’Etat et de la loi de finances pour l’exercice 2024, les dépenses fiscales, c’est-à-dire les avantages fiscaux institués pour impulser l’investissement local et étranger, ont focalisé de nouveau l’attention.

Chose bizarre, cette tactique économique quasi universelle commence à attirer le courroux de tous, y compris dans les rangs des officiels et des décideurs.

En Tunisie, des convergences ont été enregistrées, à ce sujet, ces derniers temps, entre  les points de vue des analystes et ceux des responsables. Ils sont tous d’accord pour leur rationalisation et leur ciblage, ce qui expliquerait leur place réduite dans les nouvelles politiques publiques, quoique la loi d’incitation à l’investissement de 2016 soit encore en vigueur.

Plus précisément, les dépenses fiscales (ou « niches fiscales ») désignent l’ensemble des avantages fiscaux et réductions d’impôt prévu par la loi (taux réduits, règles d’assiette plus favorables, exemptions, réductions d’impôt…). Leur objectif est de favoriser un certain type de comportement de la part des contribuables.

Ainsi, la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, avait qualifié, un jour, leur impact « d’incertain ».

C’était, lors de la conférence du 10 janvier 2023, à l’occasion de l’explication  des dispositions de la loi de finances pour l’année 2023. Elle avait déclaré notamment que « les avantages fiscaux n’ont pas été abandonnées, mais ont été rationalisées »..

Elle a affirmé que « le système des avantages fiscaux était en cours de révision en 2017, période au cours de laquelle des travaux ont été menés pour rationaliser les avantages fiscaux et les limiter aux secteurs prioritaires, tels que l’agriculture, le développement régional, la technologie et les projets pour les jeunes entrepreneurs ».

En effet, avait-elle admis, les avantages accordés depuis les années 1970 sont obsolètes, et il y a eu des plaintes concernant certaines dispositions de la loi sur les investissements en vigueur, et elle est en train d’être révisée au niveau du ministère de l’Économie avec la participation de tous les acteurs, d’autant plus que le gouvernement a des réserves et des propositions liées à la révision de cette loi, et ce dans le cadre des réformes envisagées.

Le système des avantages fiscaux en Tunisie a été introduit par la fameuse loi d’avril 1972 destinée à promouvoir les investissements étrangers en Tunisie, mais c’était, dans l’esprit des responsables de l’époque, dans le but de créer les emplois et d’encourager le transfert technologique. Progressivement, ils sont devenus, ensuite, un choix politique encadré par une loi en bonne et due forme.

Or, ce sont les investisseurs et les entreprises qui bénéficient, en général, de la plus grande part des avantages fiscaux. Cependant, les entreprises exportatrices et étrangères ont été favorisées, en Tunisie. Certains rapports ont évalué  la part du secteur exportateur à 83%, ce qui est un taux élevé par rapport aux avantages accordés au développement régional (7,2%) et  l’agriculture (3,1%).

Opacité !

Dans des déclarations récentes à la presse, mardi dernier 14 novembre 2023, rapportées, entre autres, par l’Agence  TAP, l’économiste Mourad Hattab, spécialiste en risques financiers, a exprimé le même avis, estimant que  «la rationalisation des avantages fiscaux et financiers, ainsi que l’amélioration du système de recouvrement des créances fiscales constatées, c’est-à-dire les créances non- recouvrables, à travers l’annulation de leur prescription, est à même de permettre d’éviter l’endettement excessif de l’Etat ».

Dans son analyse du projet de loi de finances 2024, d’un volume de 77,8 milliards de dinars, soit une hausse de 9,3% par rapport au budget de l’État de l’année précédente, .Hattab a souligné que de telles mesures permettront au pays de réaliser un excédent budgétaire, au lieu d’un déficit de près de 12 milliards de dinars.

Il a évoqué, dans ce cadre, le dernier rapport sur les dépenses fiscales et les avantages financiers du ministère de Finances, lequel (rapport) a montré que le volume des avantages fiscaux et financiers accordés au cours de 2021 était  dans la limite de 8,3 milliards de dinars.

Ces ressources constituent environ 6,41 % de la valeur du PIB, 15,11% du volume du budget de l’État et un manque à gagner de plus de 25% de recettes fiscales. Elles sont réparties entre des avantages fiscaux de 7,7 milliards de dinars et des avantages financiers de 642 MD.

L’économiste a fait savoir que la valeur des créances fiscales constatées, c’est à dire les créances non recouvrables, est presque au niveau du déficit budgétaire de l’État. Ainsi, le recouvrement de ces créances, dont la valeur est d ‘environ 10,2 milliards de dinars, pourrait éviter, à hauteur de 60%, le besoin du pays en financements extérieurs.

Les avis dans d’autres pays et ceux des ONG internationales sont aussi très réservés.

Dans une note en date du 20 juillet 2023, la Cour des comptes de France s’est montré critique à ce propos, notant que « les dépenses fiscales, si elles sont avantageuses pour les contribuables, constituent un coût très important pour l’Etat ». La Cour a constaté leur concentration sur quelques impôts, leur multiplication et l’absence d’évaluation de leur efficacité ».

Le ministère des Finances en Tunisie publie des rapports annuels sur la question.

Les nouvelles règles européennes du programme de stabilité, devant être adopté d’ici 2024, incitent à un meilleur pilotage des dépenses fiscales.

De son côté, l’ONG de portée internationale OXFAM, dans un rapport récent, a fustigé « l’arsenal important de niches fiscales au profit des sociétés, telles les exonérations qui souffrent d’une faible gouvernance et d’une grande opacité du fait de l’absence de contrôle institutionnel et la non publication des informations relatives aux dépenses et aux exonérations fiscales ».

S.B.H

- Publicité-

1 COMMENTAIRE

  1. Le système des avantages fiscaux en Tunisie a été introduit par la fameuse loi d’avril 1972 destinée à promouvoir les investissements dont la production est destinée exclusivement à l’exportation. Cette loi s’adresse aux investisseurs tunisiens et aussi étrangers sans préférence, c’était fait dans le but de créer les emplois, d’encourager le transfert technologique et améliorer la balance des paiements par le gain en devise (voir l’étude réalisée par l’API et l’Université de Scherbrouk du Canada en 1990-1991)- Evaluation des effets macroéconomiques de la loi d’Avril 72- Les signes de critiques de cette remontent en 1976-1978 mais on oublie l’historique de l’évolution de l’économie tunisienne pendant cette période. On oublie aussi que le programme de Ben Salah relatif à la création des coopératives agricoles a subi des pertes au niveau macro et microéconomique et son programme a été rejeté par les agriculteurs possédant des terrains agricoles qui ne veulent pas se regrouper en coopératives. Ben Salah qui géré plus de 5 ministères a échoué dans son programme et le pays est entré en difficultés économiques sans précédent. Il a fallu changer de régime et ouvrir l’économie tunisienne vers l’extérieur, l’objectif étant de résoudre le chômage et augmenter la valeur des exportations. Cette loi d’Avril que certains journalistes n’ont pas eu le niveau requis se permettent à critiquer cette loi sans se référer aux études y afférentes et sans de référer au Benchmarking. Beaucoup de pays concurrents ont déjà appliquer des lois offrant aux investisseurs locaux et étrangers des avantages financiers et fiscaux notamment le Maroc, l’Egypte, l’Irlande, le Portugal,….Cette loi a permis:
    1- de développer les zones industrielles qui étaient des terrains abandonnés
    2- de créer plus de 250000 emplois surtout dans le secteur textile, généralement des emplois féminins
    3- de participer au développement régional vu leur implantation
    4- de réaliser le transfert technologique surtout dans le secteur électronique
    5 – de réaliser des gains de devises par des opérations d’exportation de la production
    6- de distribuer des revenus aux employés sous forme de salaire et de primes
    7- d’améliorer la fiscalité par la TVA sur la consommation en Tunisie de leurs salariés et des étrangers
    8- d’améliorer le niveau de vie des salariés tunisiens par les revenus des ETE.
    Aujourd’hui, certains médias n’ont aucune formation d’analyse économique se permettent sur des plateaux TV de porter des jugements complètement erronés et faux et peuvent induire les citoyens en erreur, où sont-ils nos économistes pour conter ce fléau, minni tegraa ? Cette loi s’adresse aussi bien aux tunisiens et aux étrangers ainsi que dans le cadre de partenariat (projets mixtes). Ces critiques doivent être appuyées sur des études et des chiffres et non sur des sentiments.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -