AccueilLa UNEQuelle issue au présent épisode politique?

Quelle issue au présent épisode politique?

Les Tunisiens sont loin de considérer leur pays comme un modèle. Dix gouvernements en ajutant d’années  n’ont pas réussi à juguler la corruption, à améliorer les services ou à créer des emplois. Le dernier en date, dirigé par Hichem Mechichi, a eu du mal à faire face à l’une des pires épidémies de coronavirus en Afrique. Le 25 juillet, des dizaines de milliers de Tunisiens, bravant la chaleur et défiant le confinement, ont manifesté contre son administration inepte. Cette nuit-là, le président Kais Saied a suspendu le parlement et pris le pouvoir.

C’est par ce raccourci que l’influent hebdomadaire britannique  à vocation internationale The Economist a retracé le singulier parcours de la Tunisie pour se demander : « Quelle honte que nous en soyons arrivés là ». Saied a été élu il y a deux ans comme une réprimande à la classe politique. Il est populaire, en grande partie parce qu’il n’a aucune expérience politique.  De nombreux Tunisiens ont célébré sa prise de pouvoir, espérant qu’il ferait le ménage. Pourtant, la démocratie est une chose fragile et  Saied la traite de manière brutale. Sa prétention à agir dans le respect de la loi sonne faux. Une grande partie du Parlement a rejeté ses actions, certains les qualifiant de « coup d’État ». Déjà confrontée à des crises économique et sanitaire, la Tunisie doit maintenant faire face à une crise constitutionnelle.

Ce n’est pas la première fois que sa démocratie naissante est poussée au bord du gouffre, rappelle le magazine. Les forces laïques et islamistes se sont affrontées en 2013-2014 après deux assassinats politiques. Les dirigeants tunisiens, poussés par les syndicats et les groupes de la société civile, ont fini par trouver des compromis qui ont sauvé le système. Mais depuis lors, le chômage est resté élevé et la corruption omniprésente. Comme dans d’autres pays, le coronavirus a ajouté une nouvelle couche d’instabilité. De nombreux Tunisiens sont nostalgiques de la période qui a précédé la révolution, lorsque l’ordre était au moins perçu comme tel sous Zine el-Abidine Ben Ali, le dernier dictateur.

Saied, incorruptible mais inflexible !

Cependant, Ben Ali a également laissé les Tunisiens en colère et découragés (alors même qu’il torturait les dissidents et pillait l’État). Un homme fort de remplacement n’est pas la réponse aux problèmes de la Tunisie.  Saied espère-t-il en devenir un ? s’interroge The Economist.  L’ancien professeur de droit passe un incorruptible, mais aussi un inflexible. En vertu de la Constitution, il peut suspendre le Parlement pour une durée maximale de 30 jours, mais il affirme qu’il pourrait attendre « que la situation se stabilise ». Il a interdit les rassemblements publics de plus de trois personnes. La police de Tunis a perquisitionné Al Jazeera, un média considéré comme favorable aux islamistes d’Ennahda, le plus grand parti du Parlement. Tout cela n’est pas de bon augure pour la démocratie tunisienne, souligne-t-il.

 Saied ne cache pas qu’il souhaite une réforme radicale du système politique. Pour commencer, il souhaite que le président ait plus de pouvoirs et que l’on se débarrasse des partis et de certaines élections. L’état lamentable de la Tunisie est tel qu’aucune idée ne doit être écartée. Mais même s’il a les solutions aux problèmes politiques du pays,  il aura du mal à les appliquer seul. Les partisans d’Ennahdha, qui se veut « musulman démocratique », ne se laisseront pas faire. Pas plus que les autres partis mis à l’écart par le président, qui est un indépendant.

L’impératif d’une aide occidentale accrue

De nombreux Tunisiens imputent à  Ennahdha les  maux de leur pays. Mais Rachid Ghannouchi, son leader et président du parlement, a aidé la Tunisie à traverser la crise de 2013-14 en rejoignant un dialogue national et en travaillant avec Beji Caid Essebsi, un rival de l’époque. À son crédit,  Ghannouchi fait à nouveau preuve de pragmatisme. Ennahda a appelé ses partisans à quitter la rue et a suggéré un nouveau dialogue national.  Saied devrait accepter son offre, pense The Economist.

Les démocraties occidentales doivent apporter leur soutien. Au cours de la dernière décennie, des pays comme les Etats-Unis et la France, ont fait relativement peu pour maintenir sur les rails la seule véritable démocratie arabe. Une aide accrue serait certainement utile. En un sens, l’Occident doit surenchérir sur l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui se sont opposés au printemps arabe. Pourtant, en réponse aux actions de  Saied, l’Amérique s’est contentée d’exprimer son inquiétude.

En fin de compte, cependant, la responsabilité de réparer la Tunisie incombe à ses dirigeants. Des réformes douloureuses sont nécessaires pour réduire les déficits importants et attirer les investissements. Les politiciens ont gaspillé une décennie en prenant, au mieux, des demi-mesures. Les Tunisiens ont raison d’être en colère, mais ils ne doivent pas renoncer à la démocratie. Au contraire, lorsque leurs dirigeants échouent, ils doivent les chasser par les urnes, conclut The Economist.

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