AccueilLa UNEQuelle longévité pour le gouvernement Fakhfakh ?

Quelle longévité pour le gouvernement Fakhfakh ?

Il n’est sans doute pas besoin d’être un prodige de science actuarielle pour dresser la table de longévité du 11ème gouvernement formé en Tunisie depuis 2011, nommément celui d’Elyès Fakhfakh qui cultive quelques tares moyennement rédhibitoires dont celle de ne pas disposer d’une « ceinture politique sûre et solide ». Son mérite premier n’en a pas moins été  d’avoir pu être formé, évitant ainsi au pays des élections anticipées avec leur cortège de vicissitudes, de cahots et d’avatars d’autant plus probables qu’ils sont infus et associés à l’acte de naissance de l’attelage gouvernemental.

Une configuration où fleurissent des accès d’incrédulité plus répandus chez les  jeunes militants de la société civile et les analystes politiques chevronnés,  sceptiques , à parts égales  quant à la capacité du  gouvernement en place à accomplir les tâches difficiles nécessaires pour maintenir la transition démocratique de la Tunisie sur la bonne voie, comme le souligne le World Politics Review (WPR), le  site d’informations et d’analyses “sans concessions” sur la politique internationale.

Une des raisons de s’inquiéter est que ce gouvernement est le 11ème du nom  depuis la transition démocratique de 2011 : et cela  signifie que dans la Tunisie postrévolutionnaire, les gouvernements ont une durée de vie moyenne de seulement 10 mois. « Avec un taux de rotation aussi élevé, les ministres ont à peine le temps de se mettre à niveau, eux et leur personnel, sur leurs portefeuilles avant d’être mis à la porte. Et si certains ministères, en particulier ceux qui relèvent de la présidence, comme la défense, l’intérieur et les affaires étrangères, ont réussi à survivre aux remaniements ministériels, la rotation fréquente a contribué à une perte constante de confiance des Tunisiens dans leurs institutions politiques », fait remarquer WPR dans une, analyse que l’on doit à une insigne spécialiste des affaires tunisiennes, Sarah Yerkes.

Un gouvernement peuplé d’inconnus politiques

Bien plus, l’actuel Parlement est extrêmement divisé. Les élections législatives du 6 octobre ont attribué des sièges à un nombre record de 31 partis, dont aucun ne pouvait prétendre à un mandat clair. Les deux plus grands partis, l’islamiste modéré Ennahdha et le centre-gauche Qalb Tounès, n’ont obtenu respectivement que 52 et 39 sièges sur un total de 217. Ainsi, afin d’obtenir un soutien suffisant pour passer, le gouvernement de Fakhfakh a dû refléter la nature fracturée du paysage politique. Son cabinet est composé de représentants de plusieurs partis politiques qui représentent un éventail d’idéologies. Surtout, il est  constitué en grande partie d’inconnus politiques. Par exemple, le rôle de ministre des Affaires étrangères, l’un des postes les plus importants du cabinet, a été confié à Noureddine Erray, l’ancien ambassadeur à Oman. Les diplomates occidentaux  ne savent pas grand-chose de lui ni de ses opinions sur les questions politiques clés. Cette incertitude est aggravée par le manque d’informations sur le président tunisien, Kais Saied, qui a été élu en octobre. Saied est un ancien professeur de droit constitutionnel qui n’a pas de parti politique et qui a fait peu de déclarations publiques ou de prises de position politiques, ce qui ne permet pas de savoir quelles seront ses priorités ou comment il entend relever les innombrables défis auxquels le pays est confronté, indique WPR.

Trouver un moyen d’apporter des changements économiques positifs à la Tunisie serait une tâche incroyablement difficile pour tout gouvernement, et encore plus pour un gouvernement aussi fracturé et inexpérimenté que celui-ci.

Pendant les mois où la Tunisie n’avait pas de gouvernement, le pays était encore capable de gérer les questions de gouvernance de base par l’intermédiaire du parlement et  du pouvoir exécutif. Cependant, l’impasse politique n’était pas sans coût. Tout d’abord, elle a alimenté les sceptiques de la démocratie comme Abir Moussi, une parlementaire  qui a fait une tentative ratée pour la présidence de la République lors de l’élection de l’année dernière. Elle dirige le Parti  Destourien Libre, qui détient 17 sièges au parlement et qui critique vivement la transition démocratique. Chaque jour passé sans gouvernement a nourri l’argument qui est le sien selon lequel les Tunisiens étaient mieux lotis sous le modèle autoritaire de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, qui a été évincé lors du soulèvement démocratique de 2010 et 2011. Si cet argument pose de nombreux problèmes, l’incapacité de la Tunisie à approuver un gouvernement pendant plusieurs mois a sans doute contribué à ce qui était déjà un niveau élevé de méfiance envers le parlement et les partis politiques au sein de la population tunisienne, estime World Politics Review.

Les Tunisiens à bout de patience

« Les 100 premiers jours de la nouvelle administration de  Kais Saied se sont écoulés sans qu’aucun progrès n’ait été réalisé sur les réformes nécessaires pour améliorer les conditions socio-économiques des Tunisiens et satisfaire les donateurs étrangers comme le Fonds monétaire international, qui sont en grande partie responsables du maintien de l’économie à flot », ajoute-t-il. Et si d’énormes progrès politiques ont été réalisés depuis la révolution de 2011, pratiquement tous les indicateurs économiques sont aujourd’hui moins bons qu’ils ne l’étaient à l’époque précédant la révolution. L’émigration, l’extrémisme et le suicide – tous des indicateurs de désespoir – sont en hausse.

Tout cela signifie qu’au moment où le nouveau gouvernement commence son travail, une pression énorme est exercée sur  Fakhfakh pour qu’il travaille avec Saied à la fois pour réaliser les réformes économiques qui n’ont pas été à la portée de tous les gouvernements précédents et pour s’attaquer au principal problème pour lequel Saied a été élu : la corruption. À l’approche du 10e anniversaire de la révolution, les Tunisiens,  en particulier ceux des régions du sud et de l’intérieur, où la révolution a commencé, sont à bout de patience. Ce nouveau gouvernement doit donc trouver un moyen d’apporter des changements économiques positifs en Tunisie, une tâche incroyablement difficile pour tout gouvernement, sans parler d’un gouvernement aussi fracturé et inexpérimenté que celui-ci.

Le prédécesseur immédiat de Fakhfakh, Youssef Chahed, a essayé sans succès de faire pression pour des mesures d’austérité et une réforme du secteur public afin de satisfaire aux exigences du FMI et d’autres donateurs pendant ses quatre années au pouvoir. Il a averti Fakhfakh lors de leur cérémonie de passation de pouvoir que « le pays n’avancera pas sans réformes, et lorsque les réformes commenceront, chaque partie concernée résistera et dira non. Après cela, tout le monde se demandera « où sont les réformes » ».

Ainsi, Fakhfakh a du pain sur la planche. Il devra faire avancer des réformes difficiles  tout en faisant face à la tâche encore plus difficile de maintenir son gouvernement en vie jusqu’en 2021 et au-delà. Comme il l’a dit lors de prise de  fonction, « Notre pays est fatigué des fréquents changements de gouvernement au cours des neuf dernières années… nous voulons la stabilité politique. » C’est maintenant à lui de l’apporter, conclut WPR.

Traduction & synthèse AM

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