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Rached Ghannouchi au journal suisse Le Temps : Il y a une spécificité tunisienne

Rien dans cette Constitution n’a été adopté contre la volonté des députés d’Ennahda , et nous avons voulu que tous les Tunisiens s’y retrouvent , pour qu’elle ne soit pas celle d’Ennahda, ou des islamistes . Tels sont les propos de Rached Ghannouchi à la journaliste Angélique Mounier-Kuhn du journal suisse « Le Temps » (édition du mardi 14 janvier 2014 ) . Et d’ajouter que c’était là la raison pour laquelle son parti s’est opposé à inscrire la charia comme source de la législation comme l’avait demandé l’un des courants politiques. « Nous tenons fermement au consensus, et jusqu’à aujourd’hui, presque la totalité des articles ont été adoptés aux deux-tiers des voix et parfois à l’unanimité » souligne-t-il avec assurance , indiquant que cette constitution est à mille lieues de l’obscurantisme, de l’intégrisme et de l’extrémisme.

Après la démission du gouvernement Ali Laârayedh, présentée comme un sacrifice consenti pour réaliser la concorde nationale, et l’accélération de l’adoption de la constitution, comme un prologue aux prochaines élections qui devraient consacrer l’ancrage démocratique du pays , les temps pour le parti islamiste sont au grand déballage médiatique et au marketing politique.

Cette campagne veut envoyer deux messages fondamentaux .D’abord que le parti est toujours fort , ayant la majorité à l’ANC , et étant la principale formation sur la scène politique tunisienne pour longtemps. Ensuite, il veut apparaître comme le parti du consensus et des concessions. Même majoritaire, il choisira de gouverner en coalition, et ne fera pas passer son crédo idéologique comme programme politique.

Fraîchement converti à l’idée d’une spécificité tunisienne , qu’il n’a jamais cessé de combattre jusqu’à tout récemment , Rached Ghannouchi se vante , devant la journaliste suisse , que, depuis le XIXe siècle, les Tunisiens ont œuvré à un Etat moderniste et modéré, conciliant valeurs humaines, universelles, et préceptes de l’islam.

Et comme s’il voulait se convaincre lui-même, le président d’Ennahdha cherche les raisons de cette spécificité dans le taux élevé de la scolarisation, la géographie du pays, et sa position stratégique au cœur de Méditerranée, l’homogénéité du peuple, sur les plans culturel, linguistique et religieux et le tempérament doux des Tunisiens.

Cette spécificité ne permet pas uniquement de comprendre le pays, elle inspire surtout le mode de sa gestion. Le schéma proposé pour le pays est tout tracé .Il porte sur une alliance entre modérés des camps islamiste et laïc pour faire évoluer la situation politique et gouverner, que ce soit dans cette période de transition ou dans un avenir prochain, après les élections, dit-il avec insistance.

Rached Ghannouchi veut sceller l’alliance de ces deux courants politiques qui s’affrontaient depuis un demi-siècle dans le monde arabe, mais qui sont parvenus à coexister en Tunisie sous sa houlette dans le cadre de la troïka. Ces deux courants, dit-il, sont essentiels dans la pensée comme dans la gouvernance. Il présente l’alliance controversée de son parti avec le CPR et Attakattol comme un modèle pour le monde arabe, par ce qu’elle constitue un ancrage dans ces valeurs universelles.

Rached Ghannouchi oublie le sens de la nuance lorsqu’il aborde les dossiers égyptien et syrien, affirmant que la volonté du peuple ne peut être anéantie ni annulée. La révolution arabe va réussir, clame-t-il, et ce n’est qu’une question de temps. La Tunisie a su réunir les conditions pour une réussite un peu plus rapide. C’est sa chance. Mais le reste du monde arabe va suivre le même chemin. Les putschistes ont réalisé en Egypte quelques acquis sur le terrain, mais dans les rues, les jeunes continuent de se dresser face à cette machine infernale, et ils finiront par réussir. En Syrie, la situation est encore plus complexe, en raison des influences extérieures. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas d’avenir pour Assad et son régime. La graine a été semée. Le monde arabe n’accepte plus d’être sous la férule de dictateurs.

Il reconnaît que les Frères musulmans égyptiens ont prêté le flanc , en donnant à leurs contradicteurs l’occasion de les critiquer , ce qui a affaibli leur position . En Egypte, souligne-t-il, l’avant-dernière Constitution a été rédigée par une commission élue. Mais une large frange de la population y a vu une Constitution taillée pour les Frères musulmans et les salafistes, parce qu’ils étaient majoritaires. Cela a causé une fissure.

Il en déduit que la Constitution de l’ère Morsi , bien qu’adoptée à une majorité claire et nette de l’ordre de 64% des suffrages , le tiers des Egyptiens était contre, ce qui illustre que l’élite égyptienne ,au sens large, les Frères musulmans et les modernistes ,insiste-t-il , n’a pas su cohabiter et n’a pas su trouver de bonnes solutions, ce qui a fini par régler les différends par la manière forte.

Dans ces affirmations, Rached Ghannouchi a l’air d’exposer les grandes lignes d’une autocritique de l’organisation internationale des Frères Musulmans au sujet de l’expérience égyptienne et même syrienne .Mais cette autocritique , si on la médite sous l’angle du comportement des députés d’Ennahdha , lors des discussions de la constitution à l’ANC , on ne peut dire qu’une seule chose : elle est superficielle , insuffisante et ne révèle pas que l’islamisme politique a opéré sa mutation tant attendue.

Aboussaoud Hmidi

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