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Radhi Meddeb : « Une fenêtre de tir limitée. Il faut agir vite et fort » !

Dans une interview exclusive publiée ce mercredi 30 octobre 2019 par le quotidien « La Presse », l’expert économique et président du centre financier aux entrepreneurs (CFE Tunisie), Radhi Meddeb s’est exprimé sur les dossiers économiques et financiers majeurs et brûlants du pays au rang desquels la contribution du Projet de loi de finances 2020 ,         les approches novatrices pour la maîtrise des finances publiques, la lutte contre l’inflation, les investissements (…).

Interrogé sur les approches         et les nouveautés concernant le projet de la loi de finances 2020, l’expert économique a affirmé que ce projet dégagera des actions hardies ou bien de nouvelles orientations, étant donné qu’il est condamné à être un texte « d’expédition des affaires courantes ».

Il fait remarquer que le projet de loi des finances 2020 « aura été préparée par un gouvernement, qui probablement le défendra devant une assemblée renouvelée, pour être exécutée par un gouvernement à venir, représentant une nouvelle majorité qui aura toutes les raisons de ne pas se sentir à l’aise avec un texte qui ne traduit certainement pas sa vision des choses ». Une singularité qui fait que la LF « n’est pas un texte technique. Bien au contraire, c’est un texte éminemment politique qui traduit, pour l’année à venir, les orientations et les choix politiques du gouvernement et de la majorité en place qu’il représente. « Il est difficile, dans ce contexte, que le texte, actuellement entre les mains de l’ARP, puisse engager des actions hardies ou des orientations novatrices. Il est quasiment condamné à être un texte d’expédition des affaires courantes », a estimé Radhi Meddeb.

En termes de chiffres,         relève-t-il, « le budget de l’État, encore une fois, augmente à un rythme largement supérieur, à celui de la création de richesses dans le pays : +15% par rapport au budget de 2019, adopté, il y a un an et + 9,5 % par rapport au budget de 2019 actualisé ». Politiquement, cela pose problème, a-t-il dit, expliquant que « d’un côté, l’État appelle les salariés et les opérateurs économiques à plus de rigueur, de l’autre, il continue à dépenser allègrement et sans s’appliquer à lui-même, ces appels à la vertu ».

Des réformes innovatrices

S’agissant de l’état des lieux des finances publiques, Meddeb estime que la situation des finances publiques est compliquée, affirmant qu’il faut chercher des réformes innovatrices. C’est que « les finances publiques sont sous tension forte depuis plusieurs années. Les dépenses explosent, sans discernement, entraînant un emballement de l’endettement dans un contexte de croissance atone et de glissement, sur longue période du dinar. La part relative des dépenses de l’État, dites à caractère de développement, se réduit d’année en année ».

« Les investissements publics ne constituent qu’une part de plus en plus faible de ces dépenses de développement. Ils sont sans rapport avec les chiffres du Plan de développement 2016-2020 et ce n’est pas par hasard que plus personne ne se réfère à ce document, ni à ses longues listes de projets ».

« Dans cet environnement contraint, le ministère des Finances s’attelle à réduire le déficit budgétaire par des efforts soutenus en matière de fiscalité et de recouvrement. Les résultats sont probants à ce niveau. Les recettes propres de l’État s’améliorent, le déficit budgétaire également. Mais cela reste insuffisant car l’Etat n’est plus en mesure d’impulser la croissance et le développement ».

En ce qui concerne l’augmentation de l’inflation, l’expert économique a fait savoir que « la lutte contre l’inflation fait partie du mandat explicite de la Banque centrale. Celle-ci dispose de modalités précises pour mener à bien sa tâche. Elle les a déployées depuis bientôt deux ans. L’action de la BCT vise essentiellement la réduction de l’offre de crédit et sa rationalisation. Cela est passé par le relèvement, à plusieurs reprises, du taux directeur, augmentant, globalement, le coût du financement de l’ordre de 3%, mais aussi par le resserrement du refinancement du secteur bancaire par la Banque centrale, ramené en moins d’un an de plus de 17 milliards de dinars, à moins de 12 milliards et enfin par l’instauration de nouveaux ratios prudentiels liant l’activité de crédit des banques à leur capacité à collecter des ressources »a-t-il dit .

« Tout cela a freiné l’inflation, la ramenant de près de 8% à 6,7% par an. La performance est limitée et fragile. Elle indique clairement que la lutte contre l’inflation, par les seuls outils monétaires à la disposition de la BCT, a ses limites », a-t-il ajouté.

La relance, une obligation ardente

La relance économique est une obligation ardente. Le pays a pris du retard en matière de compétitivité. Il se désindustrialise. Il n’est plus en mesure d’offrir à ses jeunes des possibilités d’épanouissement et des opportunités économiques en rapport avec leurs ambitions et en ligne avec leurs qualifications. Il est urgent dans ces conditions d’identifier les modalités de mobiliser les jeunes, de leur redonner de l’espoir et de leur ouvrir des perspectives, a affirmé Radhi Meddeb. Il va même jusqu’à appeler à un «  véritable rebond », et cela est possible, pense-t-il, «étant tributaire d’une volonté politique forte. « L’État doit donner le ton, montrer la voie. Le secteur privé suivra. De multiples chantiers devraient être engagés pour mettre le pays en ordre de marche », prône-t-il.

Pour ce faire, recommande l’expert économique, l’État doit définir ses priorités et trouver les moyens de renforcer sa capacité d’investissement dans les secteurs régaliens ou de sa compétence. Dans une situation de finances publiques contraintes, l’État doit user au mieux du principe de subsidiarité et identifier tous les leviers possibles. Il le fera en concentrant ses efforts sur l’essentiel et en favorisant le recours aux PPP pour le reste. Cela est essentiel pour le rebond.

Les conditions actuelles sont exceptionnelles. Le Président de la République a été élu avec près de trois millions de voix. Il bénéficie d’une immense légitimité. Elle lui permet de prendre des initiatives. En même temps, l’attente des jeunes et des régions est immense. L’état de grâce ne durera pas longtemps. Nous bénéficions d’une fenêtre de tir limitée dans le temps. Il faut convertir l’essai sans délai, a-t-il souligné, affirmant que «  l’urgence aujourd’hui est à la remobilisation du pays et de toutes ses forces vives. Il faut agir vite et fort ».

Il est possible, mais aussi nécessaire, de transformer le pays, en peu de temps, en un vaste chantier à ciel ouvert où chaque citoyen a un rôle à jouer et une contribution à apporter. L’inclusion doit être le maître-mot de cette démarche. Les jeunes n’attendent ni la charité ni la générosité d’un État dont les finances sont en grande difficulté. Ils veulent la dignité et cela passe par l’emploi digne et la participation effective, conclut Radhi Meddeb.

Source: La Presse

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