Grosse polémique soulevée et même «bombe » politique lâchée, ce jeudi 5 mai 2011, par des déclarations de l’ancien ministre tunisien de l’Intérieur Farhat Rajhi sur l’une des radios privées tunisiennes, vite suivies par des déclarations de Kamel Ltaïef, un des anciens proches de l’ancien président tunisien et dont le nom a été cité dans les déclarations de l’ancien ministre tunisien de l’Intérieur.
Farhat Rajhi a d’abord, attaqué de front le Premier ministre Béji Caïed Essebssi dans une vidéo enregistrée dans son bureau et publiée sur la page Facebook de «Skandali».
Il l’a fait en le traitant texto et à deux reprises de «menteur » en ne disant pas clairement qu’il a été limogé. L’homme qui se donne la légitimité de Facebook indique que «je ne suis là que grâce à Facebook ».
«La politique a toujours été l’apanage des Sahéliens (en référence à tous les habitants de la région du Sahel ou côte Est de la Tunisie), qui ont toujours détenu le pouvoir », analysait Rajhi à propos de ce prétendu coup d’Etat militaire en préparation. «Le pouvoir leur ayant échappé, ils ne sont pas prêts à le lâcher, et si les prochaines élections aboutissent à des résultats qui leur sont défavorables et que les islamistes prennent le pouvoir, il y aura l’installation d’un régime militaire en Tunisie », dit l’ancien ministre tunisien de l’Intérieur, accusant une personnalité dont on n’a pas nettement saisi le nom sur la vidéo d’être allée – en visite en Algérie pour coordonner ce coup d’Etat militaire, et expliquant que la nomination de Rachid Ammar au poste de chef d’état-major général des armées, terre, mer et ciel, entre aussi dans le cadre de cette préparation.
Et Farhat Rajhi d’expliquer qu’il y aurait actuellement un «gouvernement parallèle » qui serait conduit par Kamel Ltaïef et que ce dernier serait le meneur des Sahéliens pour reprendre militairement le pouvoir. Il évoquera aussi l’existence de camions circulant actuellement en Tunisie, appartenant aux Sahéliens, distribuant de l’argent pour acheter les voix pour les prochaines élections.
Plus tard, Kamel Ltaïef, un homme d’affaires du Sahel qui était proche, très proche de l’ancien chef de l’Etat tunisien, lors de la première décennie de son règne avant d’être éloigné pour des raisons qui n’ont jamais été élucidées, fera lui aussi une déclaration sur une autre radio privée, pour démentir Farhat Rajhi en le traitant de «irresponsable», en tout cas ,de quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il dit. «Ce monsieur n’est certainement pas conscient, il ameute le peuple, fait du régionalisme, et je n’arrive pas à comprendre comment il a pu occuper le poste de ministre de l’Intérieur. Je ne le connais pas et je ne l’ai jamais rencontré. Je ne suis qu’un nationaliste qui essaie de rendre service à son pays. Je suis un homme politique et fier de l’être, mais je n’appartiens à aucun gouvernement de l’ombre », dira Ltaïef en substance, n’oubliant pas au passage de donner quelques détails sur les différends de Rajhi avec Caïed Essebssi dont son refus de renvoyer certains responsables en place et lieu d’autres et sans oublier de rendre hommage à l’armée tunisienne et aux efforts du général Rachid Ammar.
Toutes ces déclarations, vraies ou pas vraies, ont tout de même jeté un pavé dans la mare d’incertitude sur les perspectives de la Tunisie de l’après Ben Ali et soulevé une vraie tempête politique. Cela est d’autant plus vrai que la nouvelle Tunisie politique n’arrive pas encore à trouver une issue acceptée par tous concernant l’article 15 du décret- loi sur les prochaines élections de la Constituante. Un décret-loi dont l’enjeu est l’exclusion de milliers d’anciens responsables de l’ancien parti de Ben Ali et de ses anciens ministres de la présentation aux prochaines élections ; tout cela, sur un fond latent de régionalisme vis-à-vis de l’ancien fief de Ben Ali qui est justement le Sahel tunisien. Une conjoncture aussi où ce qu’a dit Rajhi à propos d’un hypothétique coup d’Etat militaire est quelque chose qui se dit dans la rue tunisienne, cela d’autant plus qu’aucune information, officielle et crédible, n’a été donnée sur le voyage du général Rachid Ammar à Qatar notamment, une visite à propos de laquelle Rajhi accusait presque le responsable des armées tunisiennes d’être allé coordonner avec l’ancien Président tunisien.
Mais Rajhi, dont les déclarations intervenaient à quelques jours d’une importante manifestation qui se prépare contre les Islamistes, n’a pas fait que soulever tempête et polémique politiques. Il aurait peut-être aussi, selon certains observateurs de la scène politique et politicienne tunisoise, cru lever un lièvre. Le nom de Kamel Ltaïef, circule déjà dans certains cercles et plus d’un journaliste en a entendu le nom, sans pour autant avoir les preuves d’une quelconque trace de vérité sur ses liens avec l’actuel gouvernement. Aurait-il cru aussi avoir levé le lièvre d’un putsh militaire qu’il se serait cru en devoir de dénoncer ?
Pour l’instant et alors que le centre-ville de Tunis avait enregistré vers 17h de l’après-midi des manifestations demandant le départ de Caïed Essebssi et dénonçant Rachid Ammar et des heurts entre manifestants et forces de l’ordre, si le gouvernement a réagi dénonçant « la propagation de fausses informations, ce qui sucite le doute et porte atteinte à l’ordre public et manipule les sentiments des citoyens », l’armée n’a pas encore réagi et reste fidèle à son image de « grande muette ». On pourrait alors se demander si elle peut encore se le permettre, face à de telles accusations et comment va-t-elle réagir. Rajhi pourrait-il être sommé de s’expliquer ou va-t-elle se cantonner dans le silence accusateur ?