AccueilCe que je croisTaoufik Baccar trouve que le FMI a manqué de rigueur !

Taoufik Baccar trouve que le FMI a manqué de rigueur !

La souveraineté́ d’un pays et l’indépendance de ses décisions ne peuvent être assurées qu’à travers des fondamentaux économiques et financiers solides et la compétitivité de son économie outre un climat de stabilité politique et sociale .
Le peuple tunisien vient de s’en rendre compte, bien que tardivement, après une décennie de désastres économiques et financiers faite de populisme, d’incompétence et de choix qui tournent carrément le dos aux règles, pourtant simples, de bonne gestion des affaires publiques.

Nous avons depuis 2013 attiré l’attention sur ces risques de dérapage et nos statuts sont encore là pour le prouver au moment où beaucoup de ceux qui s’érigent aujourd’hui en sauveurs ou donneurs de leçons étaient en service au sommet de l’Etat et étaient pour ainsi dire des artisans du problème actuel.
Devant une véritable impasse et aux portes du club de Paris, la Tunisie a décidé pour la troisième fois en dix ans de faire appel au soutien financier du FMI après les recours de 2013 et 2016, preuve s’il en faut que les deux premiers programmes n’ont pas atteint les objectifs escomptés. Le FMI aura tout essayé d’abord le crédit stand-by puis la facilité élargie, en attendant de voir la forme que prendra le prochain programme si jamais il voit le jour.

Je ne reviendrai pas ici sur le contenu du prochain programme, mon dernier livre «Miroir et horizon: rêver la Tunisie » publié en 2018 trace les contours d’un tel programme et bien que le papier proposé par le gouvernement pour la discussion avec le FMI reprend plusieurs mesures préconisées dans  ce livre: agence de la dette, structure de gestion des participations publiques..il y a encore beaucoup à dire sur le traitement de la question de la compensation, de la restructuration des entreprises publiques où je considère que le programme de réformes peut encore être sensiblement amélioré.
Mes propos concernent dans ce statut les préalables d’une concertation réussie avec le FMI à la lumière des expériences passées. L’échec des programmes de 2013 et 2016 relève d’une responsabilité partagée des deux parties. C’est d’abord celle de la Tunisie qui a considéré que ces programmes étaient de simples moyens pour mobiliser des ressources à des conditions concessionnelles tout en s’affranchissant des réformes pourtant incontournables pour redresser l’économie du pays.

Le FMI a quant à lui manqué de rigueur en contractant en 2016 un nouveau programme malgré l’échec du premier comme il ressort de la non utilisation totale des fonds prévus et la faible réalisation des objectifs du programme. En réalité, les considérations politiques ont pris le dessus sur les questions d’efficacité et ce faisant, le FMI n’a pas véritablement aidé la Tunisie à redresser son économie, assumant même une part de responsabilité dans l’embrasement des finances publiques en contribuant à financer l’augmentation de la masse salariale de la fonction publique dont la maitrise a pourtant été inscrite comme préalable dans la lettre d’intention qui sert de cadre du programme de 2016 .

Pourtant la coopération de la Tunisie avec le FMI a été, n’en déplaise à beaucoup, pour une longue période efficace et même exemplaire.
La Tunisie a recouru au FMI en 1986 avec un crédit stand-by appuyant un grand programme de réformes avec un accompagnement social, le programme des familles nécessiteuses ( PNAFN) qui dois-je le rappeler a été entièrement financé sur les ressources propres du pays devant le refus du FMI et de la Banque mondiale de couvrir les dépenses sociales.

Le programme dans sa globalité a permis de mettre en œuvre la plus grande réforme fiscale de l’histoire de la Tunisie avec la mise en œuvre de quatre grands codes : ceux de la TVA, de l’IRPP, de l’enregistrement et des timbres et celui des droits et des procédures fiscaux et malgré la baisse des taux d’imposition les recettes fiscales ont connu une hausse importante .

Une dévaluation franche du dinar sera décidée en 1986 ainsi qu’une libéralisation progressive des prix contrairement aux exigences des institutions financières internationales. La législation sur l’investissement sera entièrement reprise avec la publication en 1993 du code des investissements. La même année connaîtra également la mise en œuvre de la convertibilité courante du dinar, une avancée importante en matière de libéralisation externe.

En quelques années c’est tout le paysage économique du pays qui changera et la situation s’est rapidement redressée à la faveur du changement politique de 1987.En 1991, cinq ans après le démarrage du programme la Tunisie a remboursé par anticipation le crédit du FMI  et n’étant plus sous-programme le pays retrouvera des relations normales avec cette institution.

Sur toute la période 1991-2011, la Tunisie n’a bénéficié d’aucun concours financier du FMI et les relations se sont limitées à des visites des missions du Fonds au titre de l’article 4 comme le fait couramment cette institution avec tous les pays qui ne sont pas sous-programme. Bien plus, la Tunisie a mis en valeur les bonnes relations avec cette institution et son appréciation positive de l’évolution économique et financière du pays pour améliorer sa notation et ses facilités d’accès au marché financier jusqu’à atteindre en 2007 le grade  (A-) chez l’agence japonaise R&I. Ainsi en août 2007, en pleine crise financière internationale, la Tunisie a réussi à réaliser une émission obligataire sur le marché japonais sur 20 ans avec une marge de 0,75%.

En 2010 le Fonds classera la Tunisie dans la liste des 50 pays du monde ayant les fondamentaux solides et sollicitera notre pays pour participer à un tour de table afin de financer un programme de soutien en faveur d’un pays membre du Fonds.

Il ressort ainsi que notre relation avec le FMI a permis au pays de garantir un meilleur accès au marché financier international et de se départir des matrices de conditionalités de cette institution et de retrouver ainsi sa souveraineté et sa liberté de décision.

À cet égard, il importe de rappeler qu’outre une vision globale de l’avenir du pays et une gouvernance politique  à même de dégager une majorité capable de concrétiser cette vision et de convaincre les partenaires d’en face de la capacité du pays d’aller de l’avant dans la mise en œuvre des programmes qui sous tendent cette vision ,trois conditions majeures sont nécessaires dans la négociation avec les institutions financières internationales : la compétence, la crédibilité et la réactivité. Or, sur ce plan force est de constater que ces conditions n’étaient pas réunies tout au long de cette dernière décennie. Les partenaires de la Tunisie se sont d’ailleurs toujours plaints du fait qu’ils n’avaient pas en face d’eux des interlocuteurs valables, tandis que la crédibilité a été à maintes reprises mise à mal par les tiraillements politiques et sociaux qui ont marqué la période et la non réalisation des engagements pris par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis 2011.

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