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Troquant l’habit des articles de luxe, les produits de l’artisanat végètent dans leurs boutiques

« L’artisanat tunisien se meurt », écrivait, il y a huit ans déjà, en 2015, l’hebdomadaire de la place. A son tour, mais quatre ans après, en 2019, le grand quotidien français Le Monde publiait un article intitulé « en Tunisie, l’artisanat en quête d’un nouveau souffle ». Deux ans plus tard, on s’est pris quand à se demander « pourquoi en est-on arrivé là ?

Au milieu de ce marasme chronique, dissimulé sous une publicité ostentatoire se contentant de ressasser, dans une redondance assommante, la richesse et la diversité du patrimoine artisanal tunisien, se tient du 10 au 19 mars 2023 la 39ème édition du Salon de la création artisanale au  Parc des expositions du Kram, à la banlieue nord de la capitale Tunis. Ainsi, les organisateurs présentaient la manifestation sur leur site en la décrivant comme « un rendez-vous incontournable pour découvrir la grande richesse du patrimoine tunisien et la diversité des produits faits à la main par des artisans et des créateurs tunisiens ».

A vrai dire, les initiatives de réforme et de sauvetage n’ont jamais manqué, au point qu’en 2018, un guide pratique d’export de l’artisanat tunisien vers les Etats Unis d’Amérique avait été réalisé à l’initiative de la partie américaine représentée par le Programme du développement du droit commercial (CLDP). A  l’intérieur du pays, des journées commerciales consacrées aux produits de l’artisanat sont organisées pratiquement tous les jours, dans la seule capitale Tunis, sous l’égide de nombreuses parties.

C’est qu’en Tunisie, à l’inverse de nombreuses autres activités économiques minées par le recul de leurs capacités productives, le secteur de l’artisanat tunisien souffre de difficultés d’écoulement de la production, menaçant certaines spécialités d’extinction.

Dans la Médina de Tunis, les visiteurs peuvent constater que de boutiques, voire des espaces et des rues consacrés, jadis, à la fabrication et  la vente des produits artisanaux ont changé de vocation, dont certains  vendent du prêt-à-porter importé de basse gamme.

L’article cité du journal Le Monde a évoqué les tentatives faites par certains opérateurs privés pour redresser la barre, écrivant entre autres : « concepts-stores, grandes marques, designers tentent de revaloriser les savoir-faire locaux et de préserver un patrimoine délaissé ».

Il a signalé l’entreprise Dorémail, spécialisée dans la fabrication du carrelage décoré à la main par émaillage, qui a dû, devant la concurrence des produits industriels italiens, introduire l’émaillage industriel aux côtés de sa spécialité originale, l’émaillage artisanal pour survivre.

Amalgames injustifiés

En effet, le critère principal des produits de l’artisanat est qu’ils sont des produits faits à la main par des artisans conformément à des modèles hérités et transmis du passé.

Selon les spécialistes, le grand problème des produits artisanaux, en Tunisie, notamment, mais ailleurs aussi, est qu’ils sont très chers et vendus à des prix élevés, troquant l’habit de produits de luxe, alors qu’ils sont loin de l’être. Même la beauté dont ils se réclament est très relative et relève de la simple réputation.

Un site spécialisé dans la vente en ligne de quelques produits artisanaux propose le sac à main andalou pochette à 65 dinars, la serviette de table à 10 dinars, 2 poteries étoilées à 90 dinars, le savon bio à 10 dinars la savonnette. Les articles de gros calibres : tapis, bijoux, ébénisterie, maroquinerie, entre autres,  sont inabordables.

La raison de ce dérapage, d’après certains experts, est que les produits de l’artisanat ont été et sont faussement assimilés aux objets antiques et historiques qui, eux, tirent leur valeur justement de leur caractère antique et historique.

Or, la demande en articles artisanaux est grande, car les produits artisanaux sont des produits utilitaires faits à la main, et ainsi, ils pourraient devenir, pour les consommateurs, un choix parmi les nombreux autres choix offerts par les produits industriels de même utilité, pour autant que leurs prix soient alignés sur les produits industriels.

Sur ce plan, et s’agissant en particulier de l’artisanat tunisien, la gamme de ses produits est très large de sorte qu’il serait, vraiment, malheureux de la voir se restreindre et s’éteindre, à cause de tous ces amalgames, souvent occultés par le blabla promotionnel inopérant.

Réforme de la dernière heure

Outre le tapis à points noués dont celui de Kairouan qui rivalise avec les tapis orientaux de prix inestimable, l’artisanat tunisien apprécié pour son authenticité,  propose des produits de grande finesse dans divers autres domaines tels que le tissage en général, la poterie, la céramique, le cuivre, les bijoux, l’argent, le métal, la chéchia, les nattes, la cordonnerie, le travail du bois.

Les poteries berbères de la localité de Sejnane, au gouvernorat de Bizerte, sont  inscrites sur la liste du patrimoine universel de l’UNESCO.

Comme l’écrivait un admirateur,  « De la médina de Tunis, aux villages berbères en passant par l’oasis de Tozeur, la Tunisie détient un véritable savoir-faire artisanal qui peut être admiré aux quatre coins du monde.

« Il y en a pour tous les goûts : tissages, bijoux, poteries, services à thé, coffres en bois, chéchias… Ces superbes créations artisanales ne demandent qu’à être découvertes au détour d’un atelier fidèle aux traditions ancestrales ou en plein cœur des souks ».

Des rapports de presse ont évoqué, dans ce contexte, une réforme décidée par les autorités de tutelle représentées par le ministère du tourisme et de l’artisanat et l’Office national de l’artisanat, intéressant divers aspects du secteur, dont le cadre institutionnel, avec le soutien de l’Union européenne, et sa digitalisation dans le cadre de la coopération avec les partenaires allemands, parallèlement au renforcement des capacités des agents du secteur, de manière à fournir à la profession une formation de qualité et hisser les régions à des pôles artisanaux attractifs.

Chaque région en Tunisie possède, en effet, son propre artisanat comme les tenues de mariée traditionnelle qui diffèrent beaucoup d’une région à une autre.

La réforme signalée devait permettre, à partir de 2022, et sur cinq ans, à quelque 200 entreprises d’artisanat de bénéficier de programmes de mise à niveau, outre l’octroi, en guise de crédits, de fonds de roulement au profit de 5 mille artisans, et l’accompagnement de 200 jeunes promoteurs, issus de divers horizons, à la participation aux salons de promotion de l’artisanat.

Une étude de marché a été aussi inscrite dans le cadre de cette réforme en vue d’évaluer le système de promotion de l’artisanat tunisien et la révision des magasins recommandés, dans le sens de la labellisation des services de vente et d’après-vente.

S.B.H

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