AccueilLa UNETunis : A quoi sert Ennahdha et à quoi pourrait-elle servir ?

Tunis : A quoi sert Ennahdha et à quoi pourrait-elle servir ?

Lorsqu’Ennahdha, en octobre 2011, avait remporté les élections de la Constituante, cela avait surpris plus d’un dans une société tunisienne qui sortait à peine d’une dictature, plus ou moins totalitaire, selon les deux précédents présidents tunisiens, et de plus de 50 ans d’absence de démocratie. Deux périodes où Ennahdha avait été traitée par un déni, tant politique que social, au moins par une partie de la population tunisienne et avait été clouée au pilori, et placée dans un coin éloigné de la mémoire populaire. Cela expliquera le nombre de votants Ennahdha, un chiffre avoisinant les 1,7 million. Cela lui donnera par la suite, la majorité des sièges de l’ANC (Assemblée Nationale Constituante), une majorité adossée à un système électoral imposé au parti islamiste et qui a fait perdre un million d’autres voix dans les dédales de la multitude de partis qui s’étaient présentés aux élections d’octobre 2011. Des élections, faut-il le rappeler encore, qui n’avaient pas pour but de lui donner le pouvoir de gouverner, mais juste pour rédiger la nouvelle constitution qui tarde toujours.

Lorsqu’Ennahdha, en octobre 2011, avait remporté les élections de la Constituante, le parti islamiste tunisien, qui était historiquement loin de l’avoir faite ou y avoir directement participé, avait déjà confisqué la Révolution à son propre profit et oublié d’appliquer les lois, celles-là mêmes qui lui avaient permis de monter au créneau. Ennahdha commencera illico presto son travail de sape de la société tunisienne pour la transformer en une société islamiste. Une société où d’anciens prisonniers politiques, d’anciens persécutés du régime de Ben Ali, qui ont connu les affres de la prison et y ont vu toutes sortes de tortures et de persécutions, tant pour eux que pour leurs familles au point d’en devenir des revanchards, envers le régime de Ben Ali et des endurcis par rapport à tout un peuple qu’ils accusent certainement de complicité tacite avec l’ancien régime. Ben Ali, ils l’ont fait tomber, sans pour autant avoir les moyens de le traduire en justice et de faire ainsi leur deuil de tout ce qu’il leur a fait. Le peuple, ils le dominent et le persécutent dans une séance de torture sociale et sociologique qui n’en finit pas, depuis presque deux ans. Peut-on, pour autant, dire que la Tunisie pourrait désormais vivre sans Ennahdha ?

– Un parti islamiste dans un pays islamique.

Venu de l’étranger, tant territorial que culturel et surtout idéologique, le parti Ennahdha se drape d’une djellaba islamique. Il s’installe, pourtant, dans un pays historiquement islamique et qui a, depuis des millénaires, choisi pour ce faire la doctrine tolérante du Malekisme, pour exercer son culte, parmi les quatre doctrines religieuses de l’islam post mohamétan. Une doctrine éclectique et centriste, à mi-chemin entre le libéralisme de la doctrine hanafite et la doctrine hanbalite de l’ultra-droite née dans la douleur de la décadence islamique et dont est issu le wahhabisme dans lequel se sont enrôlés les frères musulmans dont est issue Ennahdha.

Historiquement issue d’un melting pot de plusieurs souches de population, la Tunisie ne pouvait que faire ce choix. Cela explique aisément le rejet par la grande majorité de cette population, de l’islamisme à la sauce Nahdhaouie. Cela explique aussi l’exigüité du terreau électoral d’Ennahdha et qui lui a imposé la coalition avec un CPR, traditionnellement de gauche, mais converti à l’islam et mitonné dans le creuset du rigorisme islamiste des frères musulman proche du wahabisme, par ailleurs, socialement honni pour ses liens avec les monarchies pétrolières du Golfe. Ennahdha reste, pourtant, un parti islamiste, dans un pays de l’islam modéré. Sous cet angle, il n’y apporte rien de nouveau, sauf le rejet de son extrémisme par une population qui ne dédaigne pourtant pas sa tendance économiquement libérale. Cela expliquerait, à notre sens, l’acceptation d’Ennahdha, dans une Tunisie tolérante.

– Un parti incontournable !

Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est justement cet islamisme, bien qu’enveloppé dans packaging modéré, qui séduit une partie la population tunisienne, malgré ses relents extrémistes qu’elle accepte sous l’effet de la déception de deux décennies de libéralisme de Ben Ali qui avait commis l’erreur de débrider ce qui restait du libéralisme social des trente années de Bourguibisme. Cela explique aisément le double langage des dirigeants d’Ennahdha qui se retrouvent obligés d’adopter ce packaging modéré pour faire passer leur message extrémiste, en attendant d’installer l’habitude et le fatalisme chez ceux qui n’acceptent que modérément leurs théories extrémistes toujours présentées au nom de la religion, sacrée chez la très grande majorité du peuple tunisien. Ennahdha a aussi su créer, à travers les Salafistes organisés ou non, l’épouvantail qui fera tant peur, pour faire du parti islamiste le paratonnerre nécessaire contre le mal que pourrait causer le salafisme.

Tout cela fait d’Ennahdha un parti politique qui a pignon sur rue en terre tunisienne. Tenter de l’écarter de la vie politique, ne fera qu’augmenter son audience et les sympathisants d’un parti qui aura finalement réussi, à l’image des juifs contre Hitler, d’installer un sentiment de culpabilité chez la population tunisienne qui lui apportera toujours les voix de sa résistance au sein du paysage politique .

– Pourtant nécessaire, si…

Il en devient ainsi nécessaire, car douloureusement déracinable. Les caches d’armes et les intégristes libérés sous couvert des amnisties, pourraient aisément le prouver. Les résistances, des deux parties pour et contre, pourraient pourtant s’estomper, si les prochaines élections arrivaient à redimensionner Ennahdha pour la remettre juste dans les proportions de son électorat de base. Cela reste cependant tributaire du changement de la culture de gouvernance d’Ennahdha en se délestant de son esprit de vindicte et qu’il n’essaie plus de punir tout un peuple à défaut de punir son geôlier Ben Ali. Cela reste tributaire aussi d’une réelle et concrète application, par ses soins, des règles de la démocratie qui l’avait porté au pouvoir et de l’acceptation de ces règles. Cela demande, dans l’immédiat, un changement impératif de sa gouvernance, un changement urgent de ses choix en donnant réellement la priorité, sinon l’exclusivité, à l’intérêt national et cela lui dicte d’arrêter de raisonner et de pratiquer l’intérêt purement partisan et qui tourne uniquement autour de la personnalité de son patriarche qui détient les cordes, et de la bourse et des esprits de ses partisans. Faute de quoi, Ennahdha ne fera que pousser la tolérance des Tunisiens vers les extrémités qui n’aboutiront qu’à son expulsion de la scène politique à venir et qui se concocte actuellement dans les alliances modernistes, laïques et de gauche. A bon entendeur salut.

Khaled Boumiza.

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