L’image du terrorisme en Tunisie a changé de fond en comble, en quelques semaines. Jusqu’à fin mai 2014, les terroristes attrapés sont mal nourris, à bout de force, à l’armement dérisoire et le plus souvent en petit nombre. A chaque affrontement, ils laissent des plumes ou sont complètement anéantis. Les dirigeants et membres des structures intermédiaires cités dans l’organigramme des Ansars Chariâa, que le ministère de l’Intérieur a dévoilé en août 2013, ont tous été arrêtés, tués ou ont fui vers la Libye. Et même les tentatives de renflouer, entre février et mars 2014, cette structure vide qui ne répondait plus à aucun besoin ont échoué : Slim Kantri (Abou Ayoub ) dépêché de Libye pour diriger l’organisation a été arrêté le 15 mars à Gabès et Kamel Gadhgadhi et ses camarades dont Mohamed Nacer Dridi ont été abattus le 4 février à Raouad.
Mais ce schéma a complètement changé depuis le 27 mai, date de l’attaque du domicile du ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou à Kasserine, au cours de laquelle les assaillants étaient nombreux, armés jusqu’aux dents et n’ont pas raté l’occasion, après avoir commis leur forfait de jubiler, dans les rues de leur fief d’origine, le quartier Ezzouhour à Kasserine. Après quelques semaines, le mercredi 16 juillet, l’attaque de Chaâmbi qui a fait 15 martyrs parmi les militaires présentait les mêmes traits. Les photos diffusées sur les pages face book, présentant les terroristes en train de prier avant leur attaque perfide, prouvent qu’ils connaissaient bien le terrain et qu’ils ont choisi le moment de l’attaque à leur convenance. Leur grand nombre (le chiffre de 40 à 60 individus a été évoqué par des sources officielles), leur armement et leur repli montrent qu’ils sont dans une nouvelle posture, une nouveauté confirmée lors de la dernière opération terroriste de Jbel Ourgha, samedi, qui se présente sous la même enseigne.
Est-ce que le terrorisme en Tunisie est en train de changer de configuration ? Telle est la question à laquelle il faut trouver une réponse au plus vite.
L’idée que les terroristes retirés dans les hauteurs de l’Ouest tunisien, sont en mauvaise situation, surtout depuis le 18 avril, date du déclenchement de la dernière offensive stratégique, a été bien partagée par la quasi-totalité des observateurs. Et elle a été confirmée par les aveux, l’état physique et psychologique de tous les terroristes arrêtés (notamment ‘‘F. R.’’ terroriste dans l’affaire de Goubellatt arrêté, le 29 mai à Sidi El-Bechir, Wael Boussaidi arrêté le 28 juin, et Makram Moualhi arrêté le 19 juillet).
Seulement, la donne terroriste en Tunisie doit être analysée en fonction des développements du phénomène dans la région. D’ailleurs les islamistes tunisiens ont été tous (Ennahdha compris) opposés à la maîtrise des frontières. Les habitants de Ben Guerdène qui ont contesté la décision de Mehdi Jomâa de mettre fin à la contrebande ont été encouragés, selon plusieurs sources d’information, par les structures locales d’Ennahdha, et Ridha Bel Haj porte-parole de Hizb Tahrir était de la partie tout comme Al Khatib Al Idrissi, qui voyaient dans la maîtrise des frontières un tarissement des moyens humains financiers et en armement de la nébuleuse islamiste. Leur stratégie consiste à appuyer tout facteur qui permettrait de renforcer n’importe groupe islamiste quelles que soient les réserves que les autres parties peuvent avoir à son égard.
La confusion sur les frontières permet à n’importe quel groupe islamiste de profiter de tout développement « heureux » dans la région. Et c’est le moyen par lequel les acquis de Daech peuvent être traduits à Chaâmbi ou dans les hauteurs de Ouergha. Et c’est la raison pour laquelle on assiste à une recrudescence du terrorisme dans le pays au moment où le phénomène paraît le plus éreinté. Ce sont là des messages à méditer.
