AccueilLa UNETunis : Un ministre tunisien, mis à mal par la Banque Mondiale.

Tunis : Un ministre tunisien, mis à mal par la Banque Mondiale.

L’étau se resserre autour des capacités, financières et de crédit, de la Tunisie, suite aux multiples dégradations de sa note souveraine par toutes les agences de notation internationale sans exception. L’un après l’autre, les partenaires financiers de la Tunisie, semblent vouloir tourner le dos à ce pays du Printemps arabe, gouverné, depuis octobre 2011, par une Troïka où le parti islamiste concentre la grande majorité des pouvoirs.

C’est ainsi que l’éventualité d’un second crédit que la Tunisie d’Ennahdha attendait de la Banque Mondiale pour un montant de 500 millions USD, s’éloigne jour après jour. La Banque mondiale démentait ainsi, ce mercredi 10 avril 2013, avoir donné son accord pour l’octroi d’un prêt de 500 millions de dollars à la Tunisie, contrairement à ce qu’avait annoncé auparavant la partie gouvernementale. Et alors que le ministre conseiller Ridha Saïdi semblait sûr, le directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb, Simon Gray, rectifiait en soulignant que «la BM n’a pas donné son accord de principe pour l’octroi d’un prêt de 500 millions de dollars à la Tunisie, en appui du budget de l’Etat de l’année 2013 », mais a simplement discuté «de l’éventualité de l’octroi d’un appui supplémentaire » au budget de l’Etat de l’année en cours, mais les deux parties sont encore loin de parvenir à un accord à ce sujet.

Le plus important dans cette déclaration du responsable de la Banque Mondiale, ce sont les explications qu’il a données pour justifier que la BM traîne désormais les pieds pour donner crédit au pays dont toute la planète avait pourtant salué la révolution. Simon Gray a ainsi dit, en substance, que ce prêt est tributaire des résultats du programme du gouvernement tunisien pour la consolidation du climat des affaires, la gouvernance et la transparence. L’explication prend la pesanteur du plomb, lorsqu’on sait l’existence d’un ministre chargé de la transparence qui est toujours là, depuis bientôt deux années, sans aucun bilan visible.

Abderrahmane Ladgham, médecin de son état et membre du parti Ettakattol avec une tendance doctrinale plus proche du CPR que du parti de Mustapha Ben Jaafar, a été reconduit en tant que ministre chargé de la bonne gouvernance et de la transparence, dans le gouvernement d’Ali Larayedh, malgré les malheurs subis par sa sœur lorsqu’elle fut renvoyée de son poste de consul de Tunisie en Finlande.

Le ministre s’illustre, manifestement et à en croire le constat affligeant de la Banque Mondiale en la matière, plus par les discours et la participation à des séminaires que par l’élaboration et la présentation, à son chef de gouvernement et à l’ANC et donc au peuple qui l’a investi, d’une stratégie et d’un plan d’action en matière de gouvernance et de transparence. Le ministre semble plutôt, jusqu’ici, consacrer son temps à la lutte contre la corruption, dont il annonce la stratégie de lutte, pour juin 2013.

– Où est l’argent public, qui prend quoi et combien et où le dépense-t-il ?

Entre-temps, peu ou prou, des choses ont été faites en matière de transparence financière, que ce soit dans la gestion des deniers de l’Etat ou des entreprises publiques, et elles ont été visibles. Budget après budget, loi de Finances complémentaire après loi de Finances complémentaires, rien ne filtre encore sur la manière dont été dépensés les milliards de dinars. Des rapports, comme ceux de la CGF qui contrôle la gestion des finances publiques, celui la Cour des Comptes qui n’est rendu public qu’en résumé très expurgé, ou celui de la Cour de discipline financière, ne sont pas rendus publics. Et s’ils le sont, ce n’est jamais dans leur intégralité. Un chef d’Etat qui se fait payer par une TV étrangère, en plus de sa pension de retraite de médecin, deux chefs d’Etat dont on ignore tout des finances personnelles et des ministres hommes d’affaires. De tous ceux-là, personne ne sait s’ils ont ou non fait déclaration de leurs biens, si ces déclarations ont été contrôlées et si ceux qui ont quitté le gouvernement possédaient toujours les mêmes biens ou bien plus. On ne sait pas non plus combien de nos ministres hommes d’affaires possèdent encore des comptes à l’étranger et si ces comptes sont toujours actifs et alimentés par quoi. On a essayé de poser toutes ces questions au ministre Ladgham qui nous a correctement envoyé sur les roses.

– La corruption a changé de camps.

Il faut ajouter à cela que le budget de l’Etat est établi de manière à ce que personne, ou presque, ne comprenne ce qu’il veut dire et ne puisse en déchiffrer les secrets. On n’y trouve ainsi pas, dans le détail, les salaires des différents ministres et des deux présidents. Rien non plus sur leurs privilèges financiers et autres facilités, le nombre de voitures mises à disposition, les aides ménagères, les immeubles et villas de l’Etat mis à leur disposition. Rien non plus sur les dépenses de l’ANC (Assemblée Nationale Constituante). Tout y est dit, mais des formules qui ne veulent rien dire et pourraient permettre tous les excès. On y ajoutera le très peu d’informations disponibles sur les sites des différents ministères et autres institutions financières, sur la manière dont ont été dépensés les milliards de Dinars de prêts contractés au nom et sur le dos de toute la population. Tout cela, parce que la bonne gouvernance commence par la transparence et parce qu’avant de lutter contre corruption, il fallait d’abord instaurer et mettre en exécution les règles de la transparence.

Quant à la lutte contre la corruption, le ministre Ladgham parle jusqu’ici plus de la corruption des autres et non de celle qui existe depuis l’installation des deux gouvernements dont il est issu. Et alors qu’il ne parle, dans les émissions TV, que de la corruption de 114 ou de 200 personnes, des experts, nationaux et internationaux, s’accordent à dire que l’un des plus grands effets de la révolution a été la «démocratisation de la corruption», qui explose, touche de nouvelles couches de population et de nouveaux responsables, politiques et économiques. Napoléon, paraît-il, aurait dit que «la révolution n’enlève pas les privilèges, elle en change seulement les bénéficiaires».

M.B.K

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