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Tunisie : Ennahdha et le CPR feraient-ils de la sous-traitance des sales besognes ?

Il y a longtemps, le gouvernement de Hammadi Jbali annonçait fièrement la mise en place d’un ministère entièrement dédié à la justice transitionnelle. Depuis, Ben Ali n’est toujours pas repris, martyrs et blessés de la Révolution attendent toujours la justice, d’anciens ministres et responsables attendent toujours que la justice passe sans que leurs dossiers n’en donnent l’impression, selon leurs avocats. Depuis aussi, c’est une confiscation sans justice qui fait sa propre loi, des hommes d’affaires sont empêchés de voyager, sans que la justice trouve quelque chose à leur reprocher. Point de projets employeurs et toujours beaucoup du chômage, point de constitution et toujours des palabres, point de date fixe et définitive pour les élections et toujours des annonces contradictoires. Toute conviction religieuse ou toute appartenance politique, mises à part, tout le monde s’accorde dans la nouvelle Tunisie que la justice transitionnelle attend toujours. Cela est pourtant compréhensible.

– Et Dieu créa Ikbis pour Ennahdha.

Les voies du Seigneur sont impénétrables. Depuis leur prise du pouvoir, Ennahdha et le CPR ont toujours mis «la logique révolutionnaire» au-dessus de celle de la justice conventionnelle. La logique révolutionnaire revendiquait l’épuration, ce que la logique de la justice ne pouvait donner en un temps aussi court que celui que devait durer la transition.

L’épuration est pourtant la seule possible réalisation qui ne demande ni financement, ni appel d’offres, ni plan d’affaires, car nourrissant des rancœurs vieilles de plus d’un demi-siècle de bourguibisme excessif et de totale prédation des pouvoirs et des avoirs par Ben Ali. La justice, à juste titre dite transitionnelle, est aussi la seule chose qui pourrait constituer un faire-valoir sérieux pour les actuels gouvernants et capable de leur assurer le maintien au pouvoir, même avec des élections.

Manifestement retardé par un chef de Gouvernement qui prend trop au sérieux son rôle de dirigeant chargé par le peuple de l’amener à bon port et qui devient un paria isolé, épié, contourné dans l’exercice de ses pouvoirs, Ennahdha imagine alors un moyen de faire pression sur lui, sans pourtant en donner officiellement l’impression. Et Dieu créa Ikbis. C’est auprès de lui qu’Ennahdha sous-traite la première phase de l’épuration. Elle devait concerner les médias. Mis à la tête de cette supra-structure d’Ennahdha, Lotfi Zitoun cumule gaffes et erreurs et n’arrive qu’à enterrer l’idée de la liste noire que même les journalistes revendiquaient haut et fort et ils lui plantent même la grève des médias comme une épine dans le pied, rendant plus pénible l’épuration du secteur des médias autour duquel Ennahdha avait, dès sa prise du pouvoir, ameuté toute la horde des loups de l’après Révolution.

– Dieu redonna ensuite vie aux comités de défense de la Révolution.

Les voies des seigneurs de l’après Révolution, sont tout aussi impénétrables. Il y a plusieurs mois, le CPR lançait l’idée d’un second décret-loi pour exclure plusieurs dizaines de personnes de toute vie politique, sans devoir passer par une autre justice que celle de ceux qui n’ont fait que bénéficier de la Révolution du 14 janvier 2011. Il était alors évident, pour les Tunisiens comme pour ceux qui soutiennent le Changement de la Tunisie, que le but en était d’exclure toute concurrence dans l’arène politique tunisienne où les partis au pouvoir n’ont pu réaliser aucun faire-valoir capable de leur assurer, de manière totalitaire, la continuité à la tête de tous les pouvoirs qu’ils s’étaient donnés au nom d’une Révolution de la conduite de laquelle ils étaient tous absents. Sous la pression, interne ou extérieure l’histoire le dira peut-être un jour, l’idée du second décret-loi fut abandonnée.

Il y a quelques mois, naissait un parti, «Nida Tounes», qui cristallisait toutes les haines de ceux qui avaient été exclus de toute vie politique par Ben Ali, tous ceux que le régime de Ben Ali avait dépouillés de tout bien terrestre ou presque et tous ceux, enfin, pour lesquels Ben Ali avait utilisé la justice pour leur faire injustice. Un parti qui connaissait toutes les arcanes de la politique, un parti qui contenait des membres qui savaient déjà comment diriger un pays (même s’il en a abusé et s’est aussi fait abuser), comment gagner des élections (même s’il les falsifiait). Les actuels gouvernants les avaient magnifiés, tant qu’il gouvernait sans régner. Ils les avaient encensés, tant qu’ils les avaient menés au pouvoir sans le demander. Ils les avaient même écoutés, tant qu’ils ne proposaient que des conseils, économiques et politiques, en dehors des couloirs du pouvoir et tant qu’ils n’intègrent pas l’opposition. Une fois dans celle-ci, le langage des nouveaux gouvernants vis-à-vis de ceux qu’ils accusent maintenant de tous leurs propres échecs, semble avoir changé.

Il y a quelques semaines, s’intensifiait le désir d’exclusion de ce parti, par les deux partis à l’extrême- droite du gouvernement, Ennahdha et le CPR. Les mauvaises langues diront qu’ils ne sont en fait qu’un seul et unique parti. Ce fut d’abord le refus de tout contact, même visuel, avec les représentants de Nida Tounes, sur les plateaux TV ou autour des tables de toute discussion. Le déni de Nida Tounes ne faiblit pas, les sondages d’opinion aguichant mois après mois les peurs des Gouvernants. Et Dieu redonna vie aux comités de défense des objectifs de la Révolution. C’est auprès d’eux que le CPR d’Ennahdha sous-traite la relance de l’idée originelle de l’épuration. Des députés demandent leur dissolution après la mort, tragique et entachée, du représentant de Nida Tounes à Tataouine. Sur sa page Facebook, Mohamed Abbou, l’avocat initiateur et défenseur de la logique révolutionnaire en matière de justice, se prononce contre toute dissolution de ces comités. Ils étaient dans la manifestation de Tataouine qui avait fini par la mort du représentant de Nida Tounes, au nom de l’épuration. Dans un dossier de justice, cela aurait pu constituer une preuve !

Khaled Boumiza.

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