AccueilLa UNETunisie : Ennahdha placerait-elle ses pions, en attendant ses chevaux ?

Tunisie : Ennahdha placerait-elle ses pions, en attendant ses chevaux ?

Loin de toute intention de comparaison péjorative, toute scène politique est comparable à un échiquier. Il y a les pions, les chevaux, les éléphants, le roi et la reine. Les premiers à être toujours déplacés et sacrifiés, sont les pions. Les chevaux sonnent généralement le début de la charge ou de l’attaque.

Alors que toute la Tunisie attend toujours le nouveau budget et la loi de finances complémentaire, prévus pour la fin mars, l’attention de tous se focalise de plus en plus sur la question des dernières nominations, plus précisément celle des gouverneurs et des sous-préfets. La Tunisie s’est en fait braquée sur cette question, suite au refus de certaines régions des gouverneurs qui leurs ont été affectés. Dans d’autres endroits, ce sont des sous-préfets [nommés du temps de Caïed Essebssi, en grande majorité parmi les diplômés chômeurs de l’enseignement supérieur] qui protestaient contre leur changement ou des habitants qui soutenaient ceux que le gouvernement voulait dégommer. Bien avant, il y avait eu les différents hauts cadres dégommés sur simple coup de fil ou le gouverneur renvoyé alors qu’il était en mission.

Après le peuple, ce sont ses représentants qui crient haro sur les nominations.

Du Kef à Sfax, en passant par Monastir, les populations tunisiennes, bien avant les politiques, s’étaient élevés contre ce qui était pourtant attendu depuis la prise en main par le parti Ennahdha des destinées du gouvernement. A leur tour, les politiques tunisiens s’en mêlent. Cela transparaît surtout dans les interventions des Constituants lors de la dernière séance de questionnement des ministres par les membres de la Constituante. Le problème ne résidait pas tant dans l’acte de nommer, que dans les personnes nommées. Presque tous ceux qui ont protesté contre ces nominations devant le ministre de l’Intérieur, se sont interrogés sur les critères pris en compte par le gouvernement Jbali, lors de ces nominations qui ont fâché certaines populations et mis en rogne d’autres. Tous ou presque ont été d’accord pour rappeler au gouvernement Jbali qu’il est d’abord un gouvernement provisoire et de gestion des affaires courantes en attendant les nouvelles élections de mars, ou d’avril ou de juin 2013. Un représentant du Groupe démocratique s’était élevé contre le fait que les nominations n’aient concerné que des Nahdhaouis en oubliant Ettakattol et évoqué la confusion parti-Etat [aurait-il parlé si son parti avait pris sa part ?]. Un représentant d’Ettakattol s’était offusqué du manque de transparence dans les nominations, alors qu’un représentant du PDP a indiqué qu’il s’était attendu à des décisions de développement, non à des démissions et des nominations et de dire ainsi sa peur que le seul changement soit celui de RCDistes par des Nahdhaouis. Intervenant sur une radio privée, un autre PDP a affirmé que la majorité des gouverneurs nommés sont d’Ennahdha et précisé que ces nominations auraient pour but de préparer les prochaines élections.

La déclaration la plus importante aura certainement été celle d’Abdelwaheb El Hani, du parti Majd. Selon lui, ces nominations sont contraires à la loi organisant le corps des gouverneurs et sous-préfets notamment qui en fixe clairement les critères, dont notamment une expérience de 10 ans et une interdiction de faire de la politique ou se livrer à des activités d’ordre religieux ou industriel.

Nous avons essayé, de notre part, de connaître le nombre de gouverneurs issus du parti Ennahdha. Le chargé d’information de ce parti a habilement détourné la question, avec un sourire, en nous disant que le seul critère chez eux était la compétence. Officiellement, le ministre de l’Intérieur, Ali Larayedh a tout aussi habilement évité la question devant la Constituante. Comprenant certainement ceux qui protestaient pudiquement, il répond que «le ministère est ouvert à toutes les candidatures des autres partis». Une réponse du berger à la bergère !

Que cache tout cela ? Les pions devant les chevaux ?

Force est de constater au vu des «preuves », au moins primaires [démissions sur simple coup de téléphone, remplacements de gouverneurs populairement acceptés par des Nahdhaouis, qu’il y a une gêne notable à en parler et à s’expliquer même devant la Constituante etc.] qui s’accumulent contre Ennahdha dans ce dossier des nominations, que le parti actuellement au pouvoir, ne fait qu’agencer son échiquier.

En annonçant sa feuille de route pour la période qui suivra son gouvernement transitoire et provisoire, Ennahdha prépare indéniablement la période qui devra suivre, met en place le cadre qui devrait lui faire reconquérir un pays qu’elle n’a pas su gouverner.

En plus du fait que ces nominations approfondissement la dyslexie politique dans l’apprentissage démocratique par la séparation parti-Etat et par la neutralité de l’Administration, l’indécision dans ses positions politiques par rapport au danger salafiste qu’elle ne sait toujours pas gérer et n’a pas su jauger par rapport à la nature et l’histoire de tout un peuple et son histoire, ses fausses guerres médiatiques et le manque d’argent dans les caisses d’un Etat qu’elle ne soupçonnait pas. Tout cela a fini par dérouter le «plan A » d’Ennahdha qui met ainsi, à travers toutes les nominations faites, son «plan B». Réussira-t-il ?

Khaled Boumiza

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