AccueilLa UNETunisie : La Révolution ! Quelle Révolution ?

Tunisie : La Révolution ! Quelle Révolution ?

C’est manifestement sans grande conviction que les Tunisiens ont célébré, ce 14 janvier 2013, le deuxième anniversaire de la Révolution qui avait chassé l’ex-président Zine el Abidine Ben Ali, et dans la foulée, son régime de funeste mémoire. Et comme c’est le cas à l’aube de chaque nouvelle ère dans le parcours d’une nation, beaucoup d’espoirs ont été fondés sur la nouvelle architecture du pouvoir qui allait se mettre en place pour affranchir les Tunisiens, devenus des citoyens et fiers de l’être, de tout le faix sous lequel ils étaient ployés, 23 ans durant, avec leur cortège de répression, d’exactions, d’exercice solitaire du pouvoir, d’arbitraire, bref de dictature innommable.

Petit à petit, cependant, l’euphorie révolutionnaire a cédé la place à un désenchantement qui allait s’accentuant, nourri d’une succession de désappointements, puis d’accès de révolte, et encore de désespérances dont rien ne dit qu’elles vont s’estomper ni s’atténuer. L’écrivain autrichien, Stefan Zweig, n’a-t-il pas dit un jour : « Une révolution n’appartient jamais au premier qui la déclenche mais toujours au dernier qui la termine et qui la tire à lui, comme un butin. »

Nul besoin de faire un dessin pour comprendre que ceux qui ont voulu et fait cette révolution ont vite fait de se rendre à l’évidence qu’ils ont été sentencieusement dépossédés de leur inestimable « bien » qui leur a été confisqué au nez et à la barbe par un quarteron de politiciens plus prompts à s’emparer du pouvoir et surtout à le garder qu’à prendre la peine de donner une perspective ou un semblant de salut à des millions de Tunisiens qui leur ont , pourtant, accordé si naïvement leurs suffrages.

Ces politiciens dont la troïka est l’expression la plus sordide et la plus incompétente, ont ceci de commun qu’ils s’échinent d’estoc et de taille à s’installer à perpétuelle demeure, maintenant en jachère un pays où les conditions du redressement sont objectivement réunies et dont le peuple est habité par l’obligation ardente de réussir sa révolution pour peu que ses gouvernants entendent raison et s’investissent dans ce qui est leur devoir, loin des calculs politiques et des entourloupes qui leur sont associées.

Parce que tel est leur fil d’Ariane, ces politiciens pulvérisent une à une les chances de mener le pays à bon port, se livrant à une guérilla les uns contre les autres, renvoyant à la semaine des quatre jeudis des échéances aussi capitales que l’élaboration de la Constitution et les chantiers économiques et sociaux sans lesquelles aucun virage décisif ne pourra être négocié. Le plus désespérant dans tout cela est que tout le personnel politique ou quasiment est logé à pareille enseigne. Le gouvernement d’abord, avec des ministres qui ont, sitôt investis des fonctions qui sont les leurs, administré la preuve irréfragable de leur impéritie et d’une insondable ignorance de la chose publique. S’y joint une tout aussi lamentable incapacité à expliquer les politiques dont ils ont la charge, comme en témoignent leurs prestations sur les plateaux de télévision où, en plus de leur indigence politique, ils se font tancer par leurs contradicteurs qui prennent même un malin plaisir à les humilier quorum populo. Sans parler des dérives dont certains d’entre eux se sont rendus coupables soit par nigauderie, soit par embrouille et plus rarement, il est vrai, par népotisme.

Ce capharnaüm gouvernemental a son pendant législatif, au travers d’une assemblée nationale constituante, si inopérante et parfois peu cavalière que l’on arrive à se demander si sa place naturelle n’est pas ailleurs que dans l’hémicycle. La Constitution, tâche pour laquelle elle a été élue, a tout d’une Arlésienne, tant les palabres s’étirent inutilement et tant l’esprit de malice et de chicane est présent, frisant parfois le ridicule. Les lois sont mal faites, mal écrites, mal discutées et peu comprises. Cerise sur le gâteau, un président sans grande envergure et plus occupé à faire allégeance à ses partenaires et au premier d’entre eux qu’à donner les impulsions nécessaires au travail législatif. Ses députés lui sont cependant, reconnaissants pour sa magnanimité, dès lors qu’il s’agit d’augmenter leurs prébendes ou de tolérer leur défaut flagrant et récurrent d’assiduité.

Et pour compéter ce tableau, il y a rigoureusement lieu d’évoquer cette troïka dont les querelles de clocher n’ont que trop duré et qui hypothèquent lourdement l’ordonnance du processus de la transition politique et démocratique du pays. Témoin, le remaniement ministériel est en souffrance pour ne pas dire agonisant, alors que le gouvernement a impérativement besoin d’une urgentissime refondation de nature à remettre le pays en marche et à envoyer un signal rassurant aux investisseurs qu’ils soient nationaux ou étrangers, par ailleurs , très dubitatifs quant une éclaircie qui ne se profile guère.

Pendant ce temps, le peuple trinque, attendant que ceux qu’il a élus « démocratiquement et en toute transparence « daignent enfin s’occuper de ses affaires. Il lui reste quand même cette liberté d’expression, seul et unique acquis de la Révolution, dont il fait souvent un usage immodéré et pas toujours au mieux des intérêts du pays, et à regarder de très près, des siens propres.

Le philosophe français Nicolas Grimaldi, a eu cette pensée prémonitoire et toujours d’actualité : »Imaginer, rêver, espérer, c’est avoir réuni toutes les conditions de la désillusion. » On se consolerait comme on peut !

Mohamed Lahmar

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