AccueilLa UNETunisie : Menaces sur Tunisair ? Par qui, par quoi ?

Tunisie : Menaces sur Tunisair ? Par qui, par quoi ?

Les syndicats de base de Tunisair, relevant de l’Union Générale tunisienne du travail (UGTT), ont exprimé leur inquiétude quant aux éventuelles retombées de l’accord signé entre l’Instance générale qatarie de l’aviation civile et l’aviation civile tunisienne et accordant à Qatar Airways le privilège d’exploiter l’Aéroport international Tunis-Carthage, rapporte, ce jeudi 1er novembre 2012, Shems FM. Dans une lettre envoyée au chef du gouvernement Hamadi Jbali, les syndicats ont condamné le rejet de la direction quant à son engagement de maintenir la compagnie en tant qu’acquis pour tous les Tunisiens.

Avant cela, Tunisair avait fait une levée de boucliers, à cor et à cri, contre la demande de Syphax Airlines d’augmenter le nombre de ses vols à partir de Tunis sur Paris, l’une des plus importantes dessertes pour le transporteur aérien public. La compagnie arguait alors du business plan initial de la compagnie du groupe de Mohamed Frikha, qui ne mentionnait que deux dessertes. Tunisair n’avait pourtant rien dit face à l’augmentation de pareilles dessertes pour d’autres compagnies européennes, parfois low-cost. Bien avant tout cela, le ministère du Transport avait dû céder devant le refus des syndicats de Tunisair d’appliquer l’accord d’ouverture du ciel tunisien à la concurrence, reportant ainsi sine die la mise en œuvre de l’open sky avec l’Europe. Tout cela menace-t-il réellement l’existence de Tunisair ?

Tunisair, ses bras cassés et ses casseroles !

Notons, avant de répondre à cette question, que Tunisair avait terminé l’exercice 2011, avec un résultat d’exploitation déficitaire de 89,8 MDT malgré un total bilan de 1413,68 MDT. Le chiffre d’affaires de la compagnie baissait de 7 %, expliqué par la régression des revenus du transport de 66 MDT, elle-même induite par la diminution des flux touristiques de toutes nationalités, en raison de la Révolution. En face, c’est une hausse des charges d’exploitation, dont essentiellement 20 MDT en charges du personnel. Il faut remarquer, à cet effet, que les effectifs chez Tunisair, ont augmenté de 40 % en une seule année, avec un nombre d’employés par avions (+de 200) bien au-delà de tous les ratios internationaux. Une augmentation des charges du personnel, sous la pressions des grèves à répétition de l’année 2011, alors que le ministère n’a pas toujours dit non pour le bien de la compagnie, que ce soit lors de la première période transitoire du gouvernement Caïed Essebssi ou au cours de l’actuelle transition du gouvernement Jbali. Un nombre d’employés, devenu pléthorique, ressemblant, plus à des bras cassés qu’à une force productive et faisant de Tunisair une vrai agence d’emploi.

L’année dernière, le transporteur national aérien avait ainsi enregistré un déficit de 134,42 MDT, à titre individuel, et un résultat tout aussi déficitaire de 157,9 MDT pour le groupe. Derrière ce déficit, notamment du groupe, il y avait aussi les dotations aux provisions sur des filiales qui deviennent de vraies casseroles que traîne Tunisair. La compagnie subit ainsi 19 MDT de dotations aux provisions dues au déficit de Tunisair Technics, 3 MDT pour couvrir le déficit de Tunisie Catering et 6,5 MDT à cause des pertes de Tunisair Express. Et comme un malheur ne vient jamais seul, les services fiscaux frappent un grand coup et condamnent Tunisair à un redressement de 11,2 MT, sitôt suivis par la CNSS qui lui infligent 12,3 MDT de redressement.

Qui menace Tunisair ?

Les difficultés financières de Tunisair ne sont en fait pas une nouveauté. Ils datent de sa première crise boursière dans les années 90. Depuis, l’action de Tunisair en bourse ne s’est jamais relevée et la distribution des dividendes reste toujours un leurre derrière lequel court toujours l’actionnaire, en dehors de l’Etat. Les causes ont été presque toujours les mêmes au fil des années, balançant entre les baisses des flux touristiques, les hausses des prix des carburants et les plans de renouvellement des flottes. 2011 portera le coup fatal, avec la hausse des «recrutements forcés par l’UGTT » par l’intégration et l’alignement des salaires suite à la mauvaise décision de réintégration des filiales, pourtant pas encore administrativement officielle !

Selon plus d’un spécialiste, ce sont en fait ces dernières décisions qui ont fragilisé Tunisair et la font maintenant frémir à la perspective de l’open sky pour lequel nous sommes forcés de continuer de négocier non pas la fermeture mais l’ouverture qui tiendrait compte des intérêts des différents opérateurs aériens, frémir à l’apparition de Syphax Airlines qui fait pourtant partie de la flotte tunisienne avec un nombre d’aéronefs limité.

Reste enfin, cet accord, non confirmé encore, de la «5ème liberté » qui pourrait être donné à Qatar Airways. Ceci lui accorderait alors le privilège de transporter, à partir de Tunis, des passagers vers d’autres pays. Selon certains spécialistes, les Qataris seraient fortement intéressés par la ligne Tunis- Casablanca, une des lignes les plus juteuses sur laquelle sont déjà en forte concurrence Tunisair et la RAM. Les mêmes spécialistes considèrent cette 5ème liberté comme un patrimoine national qui ne doit en aucun cas être donné sans contrepartie. D’ailleurs, il n’aurait été donné qu’à la South African Airlines (Compagnie de l’Afrique du Sud) vers les USA et qui ne l’utilise pas. L’idée était alors de créer un trafic que la Tunisie pourrait récupérer par la suite. Il aurait été donné à la compagnie saoudite Tunis-Casablanca en contrepartie de la ligne Djeddah-Khartoum pour Tunisair, il y a des dizaines d’années et n’est plus en vigueur depuis très longtemps.

Le donner maintenant à Qatar Airways, équivaudrait à partager le trafic en trois et peut-être même à éjecter Tunisair pour cause d’agressivité commerciale des Qataris aux moyens financiers nettement plus importants. Et quand bien même Qatar Airways offrirait-elle, à son tour, cette 5ème liberté à Tunisair, cette dernière n’a pas les moyens d’en tirer profit, vu son manque flagrant de long courriers et la flotte inadaptée de Tunisair pour toucher les marchés asiatiques au-delà de Doha.

En conclusion, les syndicalistes de Tunisair n’auraient peut-être pas raison de s’alarmer outre mesure de l’open sky ou de Syphax Airlines, mais ils auraient fortement raison de le faire s’agissant de la compagnie qatarie qui pourrait asséner un coup supplémentaire aux finances de Tunisair.

Khaled Boumiza.

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