Polémiques et systématiquement déséquilibrés, les échanges commerciaux entre la Tunisie et la Turquie l’ont toujours été, et singulièrement depuis que le politique s’en est mêlée avec l’onction donnée par le parti islamiste Ennahdha à un état de fait qui, pourtant, nuisait considérablement à l’économie du pays.
L’acte fondateur de ce déséquilibre est l’accord de libre-échange signé en 2005 par les deux pays dans le cadre des « efforts visant à renforcer les relations bilatérales », dont la mise en œuvre avait révélé des épisodes jamais démentis où le déficit commercial au détriment de la Tunisie allait se creusant.
Ce déficit avec la Turquie est le troisième plus important, derrière la Chine et l’Italie. En 2017, ce déséquilibre représentait 12 % du déficit commercial de la Tunisie. Le déficit croissant est devenu controversé car les groupes laïques ont accusé l’influence islamiste depuis 2011 d’être un facteur d’augmentation des importations en provenance de Turquie.
Ennahda s’est opposé aux appels à la réduction des importations turques et a critiqué toutes les mesures allant dans ce sens comme étant injustement discriminatoires à l’égard de la Turquie. Les islamistes tunisiens présentent souvent la politique économique du président turc Recep Tayyip Erdogan comme un modèle pour la Tunisie.
Ila fallu attendre le 3 décembre 2023 pour voir cette hérésie commerciale voler en éclats avec la signature à Istanbul par les ministres du Commerce de Tunisie et de Turquie de la décision du Conseil de partenariat tuniso-turc, stipulant la révision de l’accord de libre-échange de 2005, à travers l’adoption de trois principales mesures. Elles sont relatives à la fixation d’une liste des produits agricoles et industriels ainsi que la promotion des investissements turcs en Tunisie, a précisé le ministère du Commerce dans un communiqué publié lundi à Tunis.
Protéger l’industrie nationale
« Le ministère est parvenu, après des négociations, entamées depuis octobre 2022, à résoudre tous les points controversés et à conclure cet important accord, visant à protéger l’industrie nationale et limiter l’aggravation du déficit commercial avec la partie turque », a précisé le ministère
Ainsi, la révision de l’accord concerne la liste des produits industriels, ayant un similaire fabriqué localement, en les soumettant à nouveau, aux droits de douane, durant 5 ans, à travers l’augmentation des droits de 0%, actuellement à des taux oscillant entre 27% et 37,5% ( représentant 75% des droits appliqués en droit commun, c’est à dire les tarifications standards de la clause de la nation la plus favorisée (NPF)).
Il s’agit également de la révision des produits agricoles, à travers l’obtention des concessions unilatérales, de la partie turque, dans l’objectif de renforcer les exportations tunisiennes vers la Turquie, et ce sous forme des quotas annuels exonérés des droits de douane.
S’agissant de la 3ème mesure, elle concerne le renforcement des investissements turcs en Tunisie et l’organisation d’un forum d’investissement tuniso-turc. L’objectif est d’identifier les projets et les opportunités d’investissement en Tunisie auprès des opérateurs économiques et des investisseurs turcs.
Les investisseurs turcs seront-ils sur les rangs ?
Les deux parties se sont engagées à œuvrer au succès du Forum économique tuniso-turc, qui se tiendra au cours du premier semestre 2024 à Istanbul. Cet événement sera une opportunité pour attirer davantage les investisseurs turcs dans plusieurs secteurs, dont les industries agroalimentaire, de tissus et des composantes automobile.
Il permettra également de faire évoluer l’accord de libre-échange, en termes de lien entre le commerce, le développement et le développement durable, ce qui permettra de garantir une protection durable du tissu industriel national et de diversifier les domaines de coopération technique et financière, ainsi que d’échanger les expertises et les expériences..
L’accord conclu est considéré comme positif, en raison de l’importance de cette révision conclue en accord avec les deux parties et conformément aux exigences de la coopération et de consultation, a souligné le ministère.
Au cours des 10 premiers mois de 2023, le déficit commercial de la Tunisie a atteint 15856,6 millions de dinars (MD), lequel revient essentiellement au déficit enregistré avec quelques pays, dont la Turquie ( -2807,7 MD), sachant que les importations de la Tunisie provenant de ce pays ont régressé de 23% , selon les statistiques de l’Institut national de la statistique (INS) publiées en novembre 2023.