Après l’exception procédurale de l’année dernière causée par le vide parlementaire, le budget de l’Etat pour 2024 passe, de nouveau, à partir de ce vendredi 17 novembre 2023, devant l’Assemblée des Représentants du Peuple, issue des élections législatives de décembre 2022, pour discussion et adoption, avec la loi de finances pour le même exercice.
De l’avis de certains, ce retour des marathons budgétaires consacrerait essentiellement une normalisation procédurale et le passage au formel, après l’épisode informel, des deux dernières années.
Les responsables de l’UGTT dont, entre autres, Sami Tahri, secrétaire général adjoint de la Centrale syndicale, ont ainsi déploré que le budget de l’Etat pour 2024 ait été élaboré dans les bureaux par les technocrates de l’administration, sans la participation des autres acteurs de la scène nationale.
Les députés eux-mêmes ont cru bon de prendre, d’avance, leurs dispositions, en organisant, jeudi 16 novembre, avant le démarrage officiel du marathon budgétaire, dans l’hémicycle de l’ARP, au Bardo, une journée d’étude sur la loi de finances 2024 sous le titre « loi de finances 2024, contexte et attentes ».
C’est qu’avec le temps et les évènements, l’enthousiasme des premiers moments après leur élection, s’est un peu émoussé.
Ces derniers jours notamment, ils avaient été déboutés, une première fois, par le président de la République au sujet du projet de loi incriminant la normalisation avec Israël, avant d’être rappelés à l’ordre, mardi 14 novembre, par leur supérieur, le président de l’ARP, Ibrahim Bouderbala, en personne.
Il les a littéralement sommés « de bien se conduire et de se garder de rééditer les comportements rocambolesques » de leurs pairs de la défunte ARP d’Ennahdha.
Au même moment, la discussion du budget d l’Etat et de la loi de finances pour 2024 par le nouveau parlement, intervient, au milieu de réserves, voire de mécontentements, fusant de toutes parts concernant leur teneur.
D’après les comptes rendus officiels des travaux des commissions parlementaires, plusieurs ministres dont ceux du Tourisme, et des Affaires étrangères, entre autres, se sont plaints franchement de la faiblesse des crédits alloués aux budgets respectifs de leurs départements, face aux besoins réels auxquels ils font face.
Jeudi 16 décembre, les directeurs des hôtels touristiques, par la bouche de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie, ont déploré la majoration de la taxe de séjour des touristes dans les hôtels, au moment où, a dit la présidente de la FTH, à une radio locale, mercredi 15 décembre, le secteur touristique a réalisé, en 2023, des recettes de plus de 6 milliards dinar en devises et aspire à améliorer cette contribution en permettant à l’activité touristique de couvrir toute l’année et pas seulement l’été.
Logique de la taxation
D’autres organisations professionnelles, les analystes et les experts de divers horizons, relayés quotidiennement par les médias et les journalistes, ont été unanimes à critiquer, à leur tour, « la persistance de la tendance à rechercher les solutions aux problèmes dans la taxation et l’imposition».
Or, cette logique, justifiée aux yeux des officiels par les améliorations constantes enregistrées en 2023 au niveau des principaux indicateurs des finances publiques, irait à l’encontre des directives et de la pensée du président de la République concernant le rôle social de l’Etat, à l’origine des embrouilles avec le FMI et les bailleurs de fonds étrangers.
Le chef de l’Etat vient de réitérer sa pensée, en recevant, mercredi 15 novembre, la ministre de la Justice et celle des Finances. Il a fustigé, à cette occasion, « les textes de lois ayant accentué les disparités sociales et rendu l’Etat otage des cartels ». Il parlait, cette fois, entre autres, des dispositions répressives, relatives aux chèques sans provision.
Mais, déjà à maintes reprises, il n’a pas cessé de préconiser, littéralement, « une révolution législative à la mesure de l’œuvre d’émancipation et de libération qu’il avait enclenchée ».
L’instrumentalisation de la législation au profit de certaines parties aux dépens d’autres avait été effectivement le trait dominant des périodes précédentes, depuis l’échec du socialisme populiste à la fin des années 1960.
Cependant, les députés de la nouvelle ARP, avec la frilosité qui leur a été inoculée, et abstraction faite de leurs convictions, vont-ils pouvoir accomplir le changement ambitionné ?