Une action en justice obligeant les voyagistes d’avertir les clients sur les menaces d’attaques terroristes pourrait créer un « précédent fâcheux » pour l’industrie du voyage en Grande-Bretagne, préviennent les experts juridiques.
Cette mise en garde vient dans la foulée des poursuites judiciaires engagées par les avocats de certaines familles des victimes de l’attentat de Sousse en juin dernier accusant le tour-opérateur TUI d’avoir pratiqué « une baisse des prix pour inciter les Britanniques à aller en Tunisie » avant que 30 de ses 30 des clients aient été tués le 25 juin 2015.
Lors de l’audience d’examen préalable à l’enquête sur la tuerie, tenue la semaine dernière à Londres, l’avocat Andrew Ritchie, représentant 17 des familles, a également affirmé que Tui n’avait pas prévenu les vacanciers du risque d’attentats terroristes, malgré la mort de touristes dans l’attaque du Bardo en mars à 2015, soit trois mois plus tôt.
Les analystes juridiques de l’industrie du voyage ont mis en garde contre les conséquences de l’extension du champ de la responsabilité des voyagistes à l’émission des conseils de voyage.
Le consultant Andy Cooper, qui était chargé des affaires publique chez Thomas Cook, a déclaré qu’il s’agit d’une « affaire très dangereuse » pour l’industrie du voyage, se disant « inquiet par ce pas dans une direction dangereuse ».
« L’industrie du voyage a toujours fait sien le principe selon lequel la responsabilité d’avertissement du client incombe au Foreign Office au motif qu’il en a la compétence, et l’abandon de ce principe semble fondamentalement mauvais », a-t-il dit.
Un faux-fuyant !
« En termes de prix, il s’agit tout simplement d’une question d’offre et de demande. Je pense que c’est un faux-fuyant manquant de pertinence, car cela n’a rien à voir avec la sécurité », a-t-il encore affirmé.
Matt Gatenby, juriste associé au cabinet Travlaw, spécialisé dans le droit de voyage, a convenu que les prix « se résument à l’offre et la demande ». « Il s’agit d’une affaire sur laquelle l’industrie du voyage doit garder un œil et nous espérons que le bon sens prévaudra», a-t-il ajouté.
« S’il est décidé d’étendre le champ de l’enquête à la responsabilité des voyagistes, l’industrie devra se dresser en prendre acte. Si cela se produit, cela va être une préoccupation compréhensible ».
Au cours de l’audience de pré-enquête, l’avocat Ritchie a invoqué les réunions » tenues entre Tui et les Tunisiens au cours desquelles il a été clairement indiqué par le consul honoraire que les hôtels devront élever leurs propres mesures de sécurité en ligne avec la menace de sécurité accrue » à la suite de l’attaque du Bardo ». Il a ajouté que « il est de l’intérêt vital des familles, dans le contexte de la baisse des prix pour inciter les Britanniques se rendre en Tunisie, d’établir si les compagnies de voyage et les hôtels ont tenu à éviter les conseils du Foreign Office. «
L’avocat Howard Stevens QC, représentant de Tui, a répondu que le tour-opérateur « est en total désaccord avec l’argument avancé par Ritchie concernant les stratégies de prix ». « Il n’accepte pas non plus celui imposant à Tui l’obligation de répercuter spécifiquement ou résumer les conseils FCO en d’autres termes, le contenu de cet avis sur son site Web ou dans sa documentation », a ajouté Stevens.
L’avocat-solliciteur Irwin Mitchell a déjà engagé au nom des familles les poursuites judiciaires contre Tui devant les tribunaux civils. Le juge Nicholas Loraine-Smith, qui a été nommé coroner (officier de justice) pour l’enquête, a déclaré qu’il « comprend qu’il puisse y avoir une procédure civile à un moment donné».
La prochaine audience de pré-enquête aura lieu le 13 septembre, alors que le procès proprement dit s’ouvrira à Londres en janvier 2017.