Tous les rapports internationaux crédibles sur le climat le disent : La pénurie d’eau qui guette la Tunisie est une véritable bomme à retardement. Mais n’allez surtout pas le dire aux décideurs politiques, ils ont la tête ailleurs en ce moment (regardez du côté du palais de Carthage où se mijote actuellement le gouvernement d’union nationale). Vous n’aurez pas plus de chance d’être écouté par le citoyen lambda, il a d’autres préoccupations (où dégoter les vacances les moins chères et les plus agréables, inscrire ses enfants dans les meilleures écoles, gagner plus tout en travaillant moins, etc.). Bref, le citoyen regarde ailleurs alors que la maison Tunisie est menacée par un grave péril, à l’instar de ce que disait l’ancien président français Jacques Chirac à propos du réchauffement climatique, une des sources d’ailleurs des ennuis de la Tunisie : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».
C’est dans ce contexte que le projet Eau 2050 a été remis sur les rails, dans un anonymat presque total, presque dans l’indifférence générale, alors qu’il s’agit tout de même de sauver les générations futures. Rien que ça ! Mais cette question, on le sait, est le parent pauvre des débats de société, parce qu’il n’est pas encore palpable, prégnant. ‘Tout va bien, on a encore de l’eau’, semble rétorquer le Tunisien, un peu comme quand on lui débite une sensibilisation sur la situation de l’environnement ou quand on lui parle de gaz à effet de serre. Cela n’a pas empêché la Facilité africaine de l’eau (FAE) de travailler, au contraire, et heureusement d’ailleurs ; au début de ce mois, elle a annoncé un don de plus de 1,3 million d’euros « pour gérer l’eau de manière équitable, durable et efficiente en Tunisie ».
Le projet Eau 2050 est un vieux serpent de mer, il faisait partie du Plan quinquennal de développement socio-économique de la Tunisie 2009-2014 ; il vient d’être déterré, flanqué d’une nouvelle feuille de route, de nouveaux objectifs plus conformes à la nouvelle Constitution tunisienne : « le droit à l’accès à l’eau pour tous les citoyens, la conservation et la gestion durable de l’eau, le principe de discrimination positive en faveur des régions défavorisées ainsi que la décentralisation et la gouvernance locale ».
« Stress hydrique » vous avez dit !
« La majeure partie du territoire tunisien, situé entre la Méditerranée et le Sahara, est aride. Avec 450 mètres cubes d’eau par an et par habitant en 2015, le pays se trouve sous le seuil de stress hydrique et risque de voir la situation se dégrader d’ici à 2030 », a dit dans un communiqué publié le 1er juillet la FAE, un dispositif mis en place par le Conseil africain des ministres chargés de l’eau (AMCOW) et piloté par la Banque africaine de développement (BAD). Evidemment, ces données alarmantes, qu’on avait déjà, n’ont pas plus remué la société tunisienne que les précédentes alertes.
La FAE en rajoute une louche en déclarant que le potentiel hydrique conventionnel de la Tunisie, formé à 55% d’eaux de surface et à 45% de nappes d’eau souterraines, est déjà en flux tendu. Là aussi on le savait déjà, sans que cela ne trouble le moins du monde le citoyen tunisien.
Selon une étude du World Resources Institute (WRI), mis sur la place publique en août 2015, la Tunisie est dans le club des nations les plus susceptibles d’être frappées par le « stress hydrique » (ou pénurie d’eau) durant les 25 prochaines années. C’est la sécheresse croissante et une répartition géographique très inégale du potentiel hydrique à travers le pays qui accentue cette vulnérabilité.
Le projet Eau 2050 a pour ambition d’affronter cette tache colossale. « Notre objectif est que la stratégie du secteur de l’eau à l’horizon 2050 constitue pour la Tunisie un référentiel unique d’intervention pour tous », a affirmé Mohamed El Azizi, directeur de la FAE, cité dans le communiqué.
Les bailleurs mettent la main à la poche
2,655 millions d’euros vont être injectés dans ce projet, co-financé par trois dons : 1,345 million d’euros décaissés par la FAE, une somme minimale de 0,95 million d’euros versée par la Banque de développement allemande KfW, et 281 000 euros par l’organisme de coopération technique allemand GIZ.
C’est le ministère tunisien de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche qui sera aux manettes pour la réalisation de ce programme, dans lequel le gouvernement a pris l’engagement de contribuer à hauteur d’au moins 79 000 euros.
Cette initiative est la suite d’une longue liste d’actions en Tunisie pour améliorer l’accès à l’eau potable. Des bailleurs de fonds ont déjà mis la main à la poche pour plusieurs prêts ces dernières années, dont l’Agence française de développement (41 millions d’euros depuis 2009) et la Banque africaine de développement (95 millions d’euros en octobre 2011). Pourvu que tout cela serve à quelque chose… et surtout sauve les meubles.