Le moins qu’on puisse dire est que le président sénégalais, Macky Sall, requinqué par son succès aux législatives du 30 juillet 2017, ne craint pas l’affrontement avec l’opposition et une partie de l’opinion publique. Quelques mois après la tempête de l’affaire Pétro-Tim, où il avait battu en retraite en interdisant à son frère, Aliou Sall, de gérer de quelque manière que ce soit les affaires du pays, le chef de l’Etat s’est dédit en l’installant à la tête de la Caisse des dépôts et consignations, laquelle est dotée d’un énorme budget (130 milliards de francs CFA en 2016) et a un rôle central dans le financement des structures publiques locales. Le président avait pourtant pris soin, il y a quelques jours, d’offrir les têtes de 3 ministres clés de son gouvernement, très décriés par les partis d’opposition, en espérant, peut-être, que ça allait dégonfler la vague de contestations que la nomination de son frère provoquerait inéluctablement. Manoeuvre complètement ratée…
Un problème «éthique», «népotisme», « favoritisme« … L’opposition ne décolère pas après cette décision annoncée au terme du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, le lundi 11 septembre 2017. Joint par Jeune Afrique, El Hadj Hamidou Kassé, ministre-conseiller auprès du président de la République en charge de la communication, tente de contenir le tollé : «c’est une prérogative constitutionnelle du chef de l’État que de nommer les personnes de son choix à tous les emplois publics civils ou militaires». Le problème c’est que Sall avait assis sa popularité en pourfendant les pratiques de ce type du temps d’Abdoulaye Wade, qui avait eu la mauvaise idée de confier à son fils, Karim, 4 ministères clés (Ministre d’État, ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures, de 2009 à 2012). « Ministre du Ciel et de la Terre« , se gaussaient à l’époque les citoyens. La désignation du frère de Macky Sall risque de prendre les mêmes proportions…
Pourtant en décembre 2016, dans une interview accordée au magazine africain, l’actuel président disait de manière péremptoire ceci : «Je ne mêle jamais ma famille à la gestion du pays (…). Si mon frère a été amené à être cité dans des affaires de sociétés privées, c’est parce je lui avais justement indiqué très clairement, dès ma prise de fonctions, qu’il ne bénéficierait jamais de ma part d’un décret de nomination, notamment en raison de l’histoire récente du Sénégal [Wade père et fils] et parce que je ne voulais pas être accusé de népotisme. Je lui avais même conseillé, à l’époque, d’essayer de voir dans le privé». Des propos que l’opposition s’est fait une joie d’exhumer. Malick Gackou, président du Grand Parti, a dit dans un communiqué publié hier mardi que «avec cette nomination, le Sénégal a touché le fond» et qu’il s’agit d’une «déclaration de guerre contre les intérêts vitaux du Sénégal». Même tonalité chez Babacar Gaye, porte-parole du Parti démocratique sénégalais, le parti de Wade : «On assiste à la mise en place d’une dynastie autour de la famille du président et de son épouse (…). C’est d’autant plus choquant que, lorsqu’il y a eu une controverse autour de la candidature d’Aliou Sall aux législatives, Macky Sall avait déclaré que jamais il ne signerait de décret de nomination pour son frère»…