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Les Américains l’affirment : l’UGTT est un frein, avec la grève comme arme politique !

L’économie de la Tunisie rampe au fil des semaines  vers l’effondrement. La croissance est pratiquement nulle, le chômage reste élevé, et la monnaie continue de plonger. Le mauvais présage le plus récent a été l’annonce par le gouvernement qu’il demandait le report du remboursement de la   dette contractée auprès de Qatar. Tout cela a amené les  experts à parler d’un défaut de paiement potentiel en 2017. C’est le constat posé par la célèbre revue américaine « Foreign Policy » dans un article consacré à la situation socioéconomique  de la Tunisie  et au rôle de l’UGTT.

La faute est partagée en parfaite égalité par une élite corrompue et népotique, une zone euro encore atone dont dépend  presque totalement le secteur de l’exportation du pays, et une succession d’attaques terroristes qui ont paralysé l’industrie du tourisme, une source vitale de devises. Autant de chapes de plomb qui se sont abattues sur l’économie du pays.

Mais, ajoute Foreign Policy,  il y a un albatros économique que peu en dehors du pays souhaitent traîner: l’économie de la Tunisie est tirée vers le bas par une fonction publique léthargique et pléthorique qui a été âprement défendue par le syndicat colauréat du prix Nobel de la paix, l’Union générale  tunisienne du travail, mieux connue  sous l’acronyme UGTT. L’armée de fonctionnaires, incluant ceux  des entreprises publiques et des compagnies  minières, les enseignants et les employés municipaux, a atteint près de 800 000 en 2014, et cela dans un pays ayant une population active totale d’un peu plus de quatre millions.

Le rôle de l’UGTT est longtemps allé au-delà de la simple défense des  travailleurs. Elle  faisait partie intégrante du mouvement national  pour l’indépendance  de la Tunisie dans les années 1950, et  en tant qu’unique syndicat autorisé après l’Indépendance, elle a été tantôt un allié clé tantôt un rival coriace des gouvernements dictatoriaux du pays. En 2011, elle s’est associée aux  manifestations pendant le soulèvement contre le régime du président Zine El Abidine Ben Ali, et son étoile est montée  au firmament avec le Prix Nobel de la Paix qui lui a été attribué pour son rôle dans  la résolution de la  crise politique qui secouait la fragile démocratie en Tunisie. Ce poids démesuré a conféré à l’UGTT une stature politique et économique qu’elle n’a pas pu savoir gérer.

« C’est une organisation qui est très consciente de son rôle historique. Elle pense avoir contribué à  l’édification de la Tunisie,  de sorte que le Nobel lui procure le sentiment de l’importance de son rôle, mais c’est un peu paralysant, probablement », a déclaré Franck Bissette, qui a aidé à l’octroi d’une subvention de la Banque mondiale à l’UGTT.

Depuis la révolution, le syndicat a accablé  l’économie tunisienne avec des grèves générales dans des secteurs clés comme l’industrie du phosphate et le secteur de la santé et négocié des hausses salariales automatiques pour les fonctionnaires de l’Etat, gonflant ainsi la dette publique et alimentant l’inflation. La dette publique est passée de 40 pour cent avant la révolution à 52 pour cent l’année dernière. Ce ne serait pas nécessairement un problème si l’argent était investi dans des projets tels que les infrastructures et les routes, mais sous l’effet du syndicat, près de la moitié  du budget de l’année dernière est allée aux salaires et beaucoup moins à l’investissement. Le gouvernement a été à ce jour sauvé  par la baisse des prix du pétrole, ce qui a réduit le fardeau des subventions aux carburants, mais si les prix augmentent à nouveau, comme il est prévu qu’ils le seront  l’année prochaine,  ils pourraient  poser de sérieux problèmes pour la capacité de la Tunisie à rembourser sa dette.

La grève comme arme politique

En sus des demandes pour plus d’emplois et des salaires plus élevés, l’UGTT a également exhibé une  volonté d’utiliser la grève comme une arme politique. La plus récente grève massive du syndicat, une grève générale de la Poste, est caractéristique de la stratégie agressive qu’elle poursuit.

Si légitime que soit le motif de ce mouvement, en l’occurrence l’arrestation d’un employé de la Poste, fallait-il pour autant frapper de paralysie l’ensemble des services  postaux du pays? Suspendre  pendant des jours la distribution du courrier  est assez préjudiciable pour une économie, mais en Tunisie, la Poste a également d’autres fonctions. Beaucoup parmi les nombreux citoyens es plus pauvres du pays déposent leur argent dans des comptes d’épargne postale plutôt que dans les banques. En raison de la grève, ils ont été privés de leurs pensions de retraite et des envois de fonds. Cette approche belliqueuse et politisée a porté un coup dur à certains Tunisiens qui la jugent contre- productive.

« Il existe différents moyens de protester. Vous pouvez porter un brassard rouge pour montrer que vous êtes en colère, vous pouvez arrêter de travailler pendant une demi-heure, par exemple, pour reprendre ensuite le travail, « dit Mouheb Garoui, le directeur et co-fondateur exécutif de iWatch, une organisation  non lucrative faisant office d’observatoire.

« Nous  sommes en crise et cela gangrène l’éthique de travail, notamment  après la révolution. Avant la révolution, on entendait rarement  parler d’une grève dans la fonction publique, peut-être  deux ou  trois fois par an.  Maintenant, on en fait tous les jours », a-t-il poursuivi.

Fonction publique et « emplois fictifs »       

L’absentéisme est à son paroxysme  en Tunisie les jours de canicule, lorsque les fonctionnaires travaillent sous le régime de la séance unique, jusqu’au début de l’après-midi,  au plus tard. Avec le Ramadan et la longue période du jeûne en été cette année, même l’horaire raccourci semble trop long pour  certains fonctionnaires.

« Nous savons tous que les administrations ferment plus tôt qu’elles ne sont censées le faire et ouvrent plus tard que prescrit par la loi. Vous allez à l’administration, elle est ouverte  mais vous n’y trouvez a personne « , a noté  Garoui.

Nassser Nasser, le secrétaire général du syndicat des diplômés de l’Ecole nationale d’administration estime que « l’administration, depuis 2011, ne joue pas le rôle qui est le sien, à savoir servir les citoyens». « Aujourd’hui, elle accomplit un rôle social, en procurant des emplois juste pour employer les gens, leur verser un salaire et réduire le chômage.

Qu’un fonctionnaire justifie l’absentéisme de ses collègues par le fait qu’il s’agit d’emplois fictifs,  cela semble étrange, mais il est vrai qu’entre la Révolution et début 2004, le gouvernement tunisien a gonflé la fonction publique de près de 200.000 emplois, provoquant un tollé parmi les activistes, les experts économiques, les chefs d’entreprise, et même les dirigeants de l’UGTT.

« La solution [à la crise économique] est de ne pas encaquer les travailleurs, de créer des emplois fictifs », a déclaré Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l’UGTT. Au lieu de cela, dit-il, les dépenses publiques devraient aller à l’investissement. « L’autre chose à faire consiste à  changer le système de l’administration  en Tunisie, car elle est lente et bureaucratique. Il y a trop de paperasse et beaucoup d’obstacles administratifs « .

Spirale d’escalade

C’est un peu fort de café de voir ces préconisations émaner de l’UGTT, car il est le syndicat qui a été derrière les grèves qui ont fait de l’administration ce qu’elle est aujourd’hui : surpeuplée et inefficace. S’il semble qu’il y a un monde entre la théorie et l’action, ce serait parce que le syndicat ne maîtrise pas ses troupes. « Ils ne contrôlent pas complètement leur base », a déclaré Bissette de la Banque mondiale. « Ils ont leur leadership, les choses se passent à  la racine dans les régions et ils sont un peu dépassés, et ils ne contrôlent pas toujours ce qui se passe. » Tahri a reconnu l’existence de divergences d’opinion au sein de  son organisation.

Mais certains analystes doutent que ces divisions produisent un débat interne sain. Ezzeddine Saidane, un consultant économique qui faisait autrefois partie du comité exécutif de Nidaa Tounes a estimé le syndicat s’est enfermé dans une spirale d’escalade.

 » Il ya ce que je qualifierais de surenchère. Les responsables locaux, sectoriels et de la direction de l’UGTT renchérissent les uns face aux autres. Parce qu’ils ont leur congrès qui se tiendra  bientôt, ils ont des positions à défendre, ils ont leur image à défendre et l’intérêt du pays devient très secondaire », a-t-il dit.

Un sympathisant de l’UGTT pourrait soutenir que celle-ci est décriée ainsi pour avoir fait son travail: obtenir le meilleur pour ses travailleurs. Mais le meilleur  pour ses travailleurs est-il la meilleure chose pour les Tunisiens? Selon une étude menée par la Banque mondiale en 2014, seuls 36 pour cent des en activité étaient employés dans le secteur formel – donc environ les deux tiers de ceux qui ont des emplois ne sont même pas éligibles à être couverts par l’UGTT. Ajoutons à cela les 15,4 pour cent de la population active qui sont  sans emploi, et il est clair que tant que l’ UGTT n’a à l’ esprit que ses membres, elle représentera une minorité relativement privilégiée.

« Vous [l’UGTT] défendez ceux qui ont un emploi. Qu’en est-il de ceux qui n’en ont pas? Ce faisant, vous êtes vraiment en train de tuer le potentiel de croissance. Et tuer le potentiel de croissance veut dire quoi? Tuer la capacité de l’économie de générer des emplois, de créer des emplois », a déclaré Saidane.

Il est temps pour l’historique syndicat tunisien, avec toutes ses références nationalistes, de commencer à agir un peu plus dans l’intérêt national, conclut Foreign Policy.

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