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Tunisie : A quoi sert BCE ?

Il y a crise politique sérieuse en Tunisie. En cause, deux querelles en une au plus haut niveau de l’Etat. La 1ère, entre un chef de gouvernement qui agit comme tel et un chef d’Etat qui voudrait bien être dans un régime présidentiel, à l’instar de celui qui avait mis Bachar à la place de Hafedh dans la dynastie Assad. La seconde est entre les membres d’un même parti- Nidaa Tounes qui n’a même pas terminé sa création- lesquels se disputent son leadership. Le premier est le fils du fondateur et le second, était réputé fils spirituel avant que le fils à son père n’ait décidé de mettre en disgrâce ce fils prodige. La crise est donc entre le trio, Youssef Chahed, Béji Caïd Essebssi et Hafedh Caïd Essebssi.

BCE ou Béji Caïed Essebsi, c’est l’homme providentiel que s’était dégottée la Tunisie de l’après Ben Ali, pour sortir le pays des tourmentes d’une révolution qui a, économiquement, mal tourné. Ancien ministre de Bourguiba, il avait assuré le poste de premier ministre en remplacement, au pied levé, d’un Mohamed Ghannouchi démissionnaire qui n’avait pas pu assumer la lourde responsabilité de la transition.

Ancienne figure d’un temps révolu (l’ère bourguibienne) que les Tunisiens veulent retrouver et qui devient même soudainement une référence politique même chez ses anciens ennemis jurés que sont les Islamistes d’Ennahdha, BCE se pique au jeu et entame son come-back politique.

  • L’homme de l’unique «révolution»

Il ne partira pas avant d’avoir signé la liste des personnalités supposées s’être enrichies de leur contact avec l’ancien président Ben Ali et d’avoir entassé les biens mal-acquis, dont des fillettes d’un des Trabelsi mises sur la liste des recherchés par Interpol. Elle concernera les biens de 114 personnalités. L’un de ses derniers actes de premier ministre de l’après révolution, fut aussi une liste d’hommes d’affaires et de personnalités interdites de voyage après la sortie en cachette de Saïda Agrebi. Cette liste est restée jusqu’ici secrète.

La première liste mettra en faillite un certain nombre de projets des anciennes familles proches de Ben Ali ; elle peinera toujours à trouver acheteurs à leurs biens confisqués et exterminera physiquement une partie de la famille des Trabelsi. La seconde liste maintient toujours sous garde à vue effective un certain nombre d’hommes d’affaires, mettant en péril leurs affaires et même leurs vies car les empêchant encore d’aller se faire opérer du cœur comme c’est le cas pour Lazhar Sta, bien qu’il ait déjà signé réconciliation avec l’IVD. D’autres, comme l’ancien patron des patrons Hédi Djilani, toujours empêché d’aller voir sa famille au Canada. C’est à ce quoi a servi BCE, avant les élections de 2014. Ces deux documents, pour lesquels toute la caste d’hommes d’affaires lui en voudra toujours, constitueront la seule révolution, dans le sens astronomique, que fera la Tunisie.

Quelques années avant 2014, date charnière de la transition politique tunisienne et juste après la fin de son mandat de Premier ministre, BCE avait créé un parti virtuel, Nidaa Tounes. Il lui servira de cheval de Troie pour entrer à Carthage par le biais du «vote utile», une trouvaille médiatique qui lui avait permis de terrasser l’ennemi qui deviendra quelques années plus tard ami, Ennahdha.

Devenu chef d’Etat, il se retrouve, sans prérogatives significatives, à faire le président dans un système où il n’est que la 3ème roue de la charrette à côté de l’ARP et du chef du gouvernement qui a toutes les rênes entre les mains sans en avoir les brides devant des députés qui ne cesseront de lui rappeler qu’il n’est qu’un fonctionnaire chez leur ARP.

BCE essaiera par la suite, vainement, de domestiquer les deux chefs de gouvernement qu’il a désignés, afin de reprendre la main dans un système politique bâtard où celui qui gouverne ne règne pas et celui qui règne ne gouverne pas. Les deux chefs de gouvernement de la 2ème République se rebifferont. Il en renvoie le premier (Habib Essid) sous peine d’être traîné dans la boue politicienne et cherche toujours le moyen de renvoyer le second (Youssef Chahed).

Le bilan de ses deux premières années à Carthage, en tant que l’autre tête de l’Exécutif, est loin d‘être rose. Juillet 2016, il invente un outil de gouvernance parallèle qui s’appellera le «Document de Carthage» qui adoptera l’initiative du même BCE un mois auparavant, de former un gouvernement d’union nationale qui sera confié à Youssef Chahed. Une année et quelques mois plus tard, ce dernier, à son tour, se rebelle.

  • Le chef de famille qui n’a pas su ni pu être président

Entretemps, le chef de l’Etat a mis à la porte tous ses anciens bras droits lorsqu’il était à la tête de Nidaa Tounes qui a éclaté en plusieurs petits partis, et remis les clés du cheval de Troie à son propre fils. Soutenu par père et mère, Hafedh Caïe Essebsi a prêté main forte à son géniteur pour reprendre le contrôle de la Kasbah [siège du gouvernement] afin de ramener le jeune loup Chahed à la raison.

Ne pouvant s’attaquer à un chef d’Etat, transformé par l’âge en chef de famille, le quadragénaire chef de gouvernement s’attaque à son fils pour se défendre et défendre et son mandat et son bilan. L’attaque du 29 mai 2018 est frontale et télévisée, faisant porter à Hafedh Caïd Essebsi nommément la responsabilité de la débandade électorale des municipales et de toute la crise politique que vit la Tunisie.

Apprenti politicien, Chahed a pris du galon et de la graine. Il divisera ce qui reste du parti virtuel de Hafedh, en retournera une partie des députés contre l’héritier de la patente comme l’appellent ses anciens co-partisans. Constatant les dégâts, le père en oublie ses habits de chef d’Etat et prend publiquement le parti de son fils et entre dans un conflit déclaré avec son chef de gouvernement. Il propose à YC (Youssef Chahed) de démissionner ou solliciter de nouveau le vote de confiance de l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple). La querelle «BCE/YC» devient tellement dangereuse pour l’issue de la démocratie tunisienne, et s’internationalise même, qu’un think tank aussi important que «Crisis Group» s’y est longuement attardé, ce jeudi 2 août 2018, et propose ce que toute la classe politique tunisienne n’est pas toujours arrivée à concevoir. YC ira devant le parlement, mais pour le seul vote pour ou contre un nouveau ministre de l’intérieur. Hichem Fourati aura le vote, mais c’est YC qui en tirera tous les bénéfices.

  • A quoi sert BCE ?

BCE devait être une sorte de cour d’arbitrage entre les différentes factions qui détiennent le pouvoir, ou se croient comme telles. Le 15 juillet, dans son interview à Nessma, il devient partie prenante de la crise qu’il n’avait pu résoudre et suspend une journée plus tard la négociation de Carthage 2 qui devait aboutir au limogeage de l’actuel chef de gouvernement.

Auparavant, BCE chef d’Etat avait essayé de prendre quelques initiatives verbales, presque toute rejetées. Les plus importantes sont Carthage 1 et 2 qui ont fait pschitt. L’égalité des droits entre homme et femme n’a pas connu un meilleur sort, tout comme la réconciliation nationale !

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