Très peu de progrès ont été accomplis vers le dénouement de la crise déclenchée par le gouvernement français en rapporte la réadmission des migrants maghrébins dans leurs pays d’origine.
Décidé en représailles à l’Algérie, au Maroc et à la Tunisie de traîner les pieds et de diversifier les manœuvres dilatoires pour ne pas accepter les leurs objet d’arrêtés de rapatriement, ce durcissement a pris la forme de réductions drastiques du nombre de visas disponibles pour les ressortissants de ces trois pays. La décision prévoit de raboter de 30% le nombre de visas pour les ressortissants tunisiens et de 50% pour les ressortissants algériens et marocains. Selon le représentant du gouvernement français lui-même, cette décision est « radicale et sans précédent ». Paris justifie cette mesure en invoquant ce qu’elle décrit comme la coopération limitée des pays du Maghreb en matière de retour de leurs ressortissants en séjour irrégulier en France.
Dans le cadre de la coopération en matière de réadmission, les pays des ressortissants expulsés peuvent bloquer les procédures de rapatriement en retardant l’identification de leurs migrants ou la délivrance d’un laissez-passer, un document de voyage obligatoire qui doit être délivré par le pays d’origine du migrant. Sans ce laissez-passer, un pays de destination ne peut pas expulser le migrant par la force. La France affirme qu’elle a choisi d’imposer des restrictions en matière de visas uniquement après avoir essayé d’autres approches – notamment le dialogue – qui n’ont pas fonctionné.
Selon les chiffres rapportés par les médias et le site MEI@75, entre janvier et juillet de cette année, les autorités françaises ont ordonné à 3 301 ressortissants marocains de quitter le territoire français, alors que seulement 138 cartes de voyage ont été délivrées. Au final, seules 80 personnes ont été rapatriées, ce qui situe le taux d’exécution des décisions d’éloignement à 2,4%. Ce taux est encore plus faible pour l’Algérie, avec 0,2%. Quant à la Tunisie, le taux d’expulsion s’élève à 4 %, avec 131 migrants expulsés sur un total de 3 424 personnes invitées à quitter la France. Et compte tenu de la baisse récente des réadmissions, la France a l’intention d’accélérer la mise en œuvre des accords de réadmission existants avec les pays du Maghreb. En outre, à moins de six mois de la prochaine élection présidentielle et alors que la migration est un thème majeur de la campagne, le président Emmanuel Macron est sous pression, ayant promis au début de son mandat que tous les demandeurs d’asile déboutés seraient renvoyés dans leur pays d’origine sans délai. Lors d’une réunion avec ses ministres des affaires étrangères et de l’intérieur en juin, Macron a ordonné l’utilisation de « mesures rapides et pratiques » pour accélérer l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés, tout en donnant la priorité à ceux qui sont impliqués dans des actes de terrorisme, de radicalisation ou d’autres crimes et délits graves. Cela a marqué un changement dans l’approche de la France, qui est passée de l’exercice de pressions diplomatiques par le biais de discussions bilatérales à l’utilisation de restrictions de visas comme instrument politique pour atteindre ses objectifs de contrôle des frontières.
Les réactions, diverses, du Maghreb
La décision française a suscité des réactions diverses dans les trois pays du Maghreb. La Tunisie, qui doit faire face à une réduction moins importante du nombre de visas, a réagi dans le calme. Lors d’un appel téléphonique avec son homologue français, le président Kais Saied a exprimé son regret quant à la décision de réduire le nombre de visas pour les Tunisiens souhaitant se rendre en France. Selon un communiqué publié par la présidence tunisienne, Macron a déclaré que cette décision pourrait être révisée. Saied a souligné que la question de la migration ne peut être traitée que sur la base d’une nouvelle vision, à laquelle le gouvernement tunisien nouvellement formé travaillera.
L’Algérie et le Maroc ont réagi de manière plus virulente. Le ministre marocain des affaires étrangères, M. Bourita, a qualifié cette décision d' »injustifiée » et de contraire à la réalité de la coopération consulaire avec la France. L’Algérie a fait part de sa consternation et protesté contre la « décision unilatérale du gouvernement français ».
La France n’est pas la seule à utiliser les visas pour inciter les pays du Maghreb à coopérer plus efficacement en matière de réadmission. L’UE et plusieurs États membres ont cherché à mettre en place une coopération plus efficace avec les pays d’Afrique du Nord en matière de retour et de réadmission, notamment en renforçant la conditionnalité entre la réadmission et l’octroi de visas.. Un nouveau règlement permet à l’UE d’adapter les conditions de traitement des visas en fonction du degré de coopération d’un pays non membre de l’UE en matière de retour des migrants irréguliers. Un pays partenaire peut être soit récompensé par une mise en œuvre généreuse de certaines dispositions du code des visas de l’UE, soit pénalisé par une mise en œuvre restrictive du code, notamment en allongeant le délai de traitement des demandes, en réduisant la durée des visas, en augmentant le niveau des droits de visa ou en limitant les exemptions de droits pour certaines catégories de voyageurs.
L’accent sur le retour va s’intensifier
Le retour des migrants continuera d’être un domaine clé de la coopération dans les relations entre l’Europe et le Maghreb, notamment à la lumière de la réforme du code des visas et de la recherche d’une politique de retour plus cohérente et plus efficace, souligne le site MEI@75 . Pour faciliter la réadmission, les États européens continueront à encourager les pays d’origine à mettre en place des politiques et des mécanismes de réintégration par le biais de projets de migration financés par l’UE. Un tel projet est actuellement en cours en Tunisie. En attendant, les nouvelles restrictions en matière de visas impliquent des procédures plus lourdes et plus longues pour les demandeurs de visas pour la France au Maghreb, et des questions subsistent quant aux catégories de migrants et de voyageurs que ces mesures affecteraient.
Au-delà de la réadmission, les pays du Maghreb collaborent avec l’UE sur divers aspects de la gestion des migrations. Cependant, cette collaboration est généralement marquée par des différences de perceptions et de priorités, allant parfois jusqu’à canaliser les tensions et la méfiance dans la relation. Par exemple, les précédentes poussées migratoires en provenance d’Afrique du Nord ont été interprétées dans l’UE comme une tentative délibérée des pays du Maghreb d’utiliser la migration comme monnaie d’échange, même en l’absence de preuves claires à cet effet.