AccueilLa UNEArgent et politique : La troïka, émule de Ben Ali ?

Argent et politique : La troïka, émule de Ben Ali ?

L’argent a toujours revêtu, aux yeux de l’opinion publique tunisienne, un caractère suspect .En posséder beaucoup, et en peu de temps surtout, donne à penser qu’il y a anguille sous roche.

Le monde a évolué, les salaires et les émoluments aussi. Des jeunes Tunisiens, frais émoulus des grandes écoles européennes et américaines, pourraient, sitôt entrés dans la vie active, toucher des dizaines de milliers d’Euros par mois, en plus des stocks options.

Mais l’idée que se fait le Tunisien de la richesse est toujours négative. Le symbole en restera toujours l’ère Ben Ali et les Trabelsi , qui ont migré , en l’espèce d’une décennie , de l’indigence à la richesse insolente : palais , grand luxe et affaires juteuses .

Au lendemain de cette Révolution presque improvisée, et à défaut d’une théorie révolutionnaire, ou d’un programme politique spécifique, l’extrême- gauche, qui a œuvré à la rupture la plus radicale avec le système déchu, s’est rabattue sur Proudhon : La propriété c’est du vol. Et on vu les syndicats inféodés à cette même extrême-gauche dans le secteur des télécommunications, malmener et vilipender les compétences tunisiennes parce qu’elles étaient bien payées.

Ce radicalisme éclectique a galvanisé pour un temps l’esprit « révolutionnaire  » des Tunisiens , mais avec l’amalgame qu’il fait de l’Etat et du système politique ancien, a fini par épuiser les institutions de l’Etat et étourdir les électeurs , qui ont fait le raccourci en élisant ceux qui se conforment aux préceptes de Dieu , réalisant ,ainsi , le double objectif de rupture avec l’ancien système et la garantie de la transparence dans la gestion des affaires publiques .

Mais, depuis un moment, l’opinion redécouvre des pratiques déjà vues : des ministres et des responsables qui ne déclarent pas leurs biens, des élus qui cumulent émoluments de députés et salaires de ministres et de hauts fonctionnaires de l’Etat, des conseillers qui se contredisent à propos de piges que le Président de la République percevrait du site électronique d’une chaîne de télévision. Et on a vu émerger une nouvelle race de politiciens : des ministres-hommes d’affaires qui sont propriétaires de sociétés , de commerce Halal , et dirigent à distance des bureaux de communication et de relations publiques dans les capitales européennes . Plusieurs ministres ont la double nationalité, et auront à arbitrer des litiges qui opposeraient l’Etat tunisien aux pays qui les ont hébergés pendant leur exil.

Des exemples qui apportent la preuve par neuf que les nouveaux gouvernants font peu de cas des questions de principe, de la déontologie, des conflits d’intérêts au risque pour ces responsables de se trouver devant un dilemme cornélien.

Face à cette situation controversée, on remarque deux attitudes :la première est le mutisme total du ministre de la Gouvernance et la lutte contre la corruption Abderrahman Ladgham , qui ne publie aucun communiqué et ne prend aucune mesure afin de mettre fin à ces agissements , au moins pour calmer une opinion publique de plus en plus désorientée par le fossé qui se creuse entre le discours révolutionnaire et la pratique quotidienne qui cultive de fortes similitudes avec l’ancien système . La seconde attitude est illustrée par les réponses et explications fournies par les partis de la troïka à propos des dépassements, manquements par le truchement de leurs porte-parole . Adnan Mancer assure que le Président de la République Moncef Marzouki , qui n’avait pas déclaré ses biens jusqu’à tout récemment , va le faire sous peu ( un an et demi après son investiture ) , et que l’opération ne prendrait pas beaucoup de temps, l’éventail des biens à déclarer n’étant pas assez large . Hédi Ben Abbes , nouveau conseiller du président , contredit le directeur du cabinet présidentiel ,en affirmant que Marzouki a bel et bien perçu des piges du site Al-Jazeera.net , sans préciser s’il en reçoit encore aujourd’hui , puisqu’il publie toujours des articles sur ledit site . Yamina Zoghlami , députée nahdhaouie croit bien défendre les ministres cumulards , en révélant que Mohammed Abbou qui a dénoncé cette pratique, dans une lettre confidentielle au président de l’ANC ,en mars 2012 , a lui aussi fait autant en cumulant salaire de ministre et émoluments de député .

Ce sont là des explications qui révèlent une indulgence envers ces pratiques douteuses, que le peuple tunisien veut bannir de la vie publique. L’esprit partisan, le corporatisme, le régionalisme servent de couverture pour justifier les dépassements s’ils sont le fait de gens qu’il faut défendre à tout prix . Ce qui est grave ,en fait , c’est lorsque cette couverture prend la forme d’une majorité institutionnelle , qui fait voter les lois , et bloque toute velléité de redevabilité dont sont comptables les responsables corrompus , qui cherchent à tirer le meilleur parti de la révolution et réaliser leurs desseins inavouables.

Aboussaoud Hmidi

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