AccueilLa UNEDeux ans de 25 juillet, « c'est un peu trop fort de café » !

Deux ans de 25 juillet, « c’est un peu trop fort de café » !

Mardi prochain, le 25 de ce mois torride de juillet 2023 où la Tunisie survit sous les coupures d’eau et d’électricité et pénuries récurrentes de produits alimentaires, le pays se rappellera (célébrer nous paraissant un peu trop fort pour la réalité du sentiment du Tunisien lambda à l’égard de cet évènement) du coup de Kais Saïed, dont le seul vrai bénéfice aura été la disparition, certes pas encore définitive, du parti islamiste Ennahdha de la scène politique tunisienne.

Certains diront que ce n’est pas rien. Sauf que cela s’est aussi accompagné de la disparition de presque tous les corps intermédiaires, dans une nouvelle scène politique où Saïed qui a fait de tous les anciens pouvoirs (judiciaire et législatif) de simples fonctions administratives, est désormais le seul décideur de tout ce qui se passe, devrait ou pourrait se passer, dans le pays. Cela, sans parler des restrictions en matière de liberté d’opinion et de presse (Article 24 du décret-loi 54) et aussi le Musée du Bardo dont la Tunisie « célèbrera » aussi le 25 juillet le 2ème triste anniversaire de fermeture !

On ne discutera pas ici du bilan du projet politique de Kais Saïed. Personne n’en connaît le contenu exact, et le chef de tout l’Etat a jusque-là plus parlé de complotisme-en interdisant qu’on en parle- que de ce projet et de la finalité de ce qu’il ne fait pas pour relancer l’économie.

–          Le chef de tout un Etat n’a rien fait pour endiguer le chômage

Il est en effet, deux ans après cette nuit du 25 juillet 2021, plus facile de parler de bilan (plus exactement de non-bilan) économique et social que de politique. Le nombre de chômeurs estimé pour 1er trimestre 2021 s’établit à 742.8 mille du total de la population active, contre 725.1 mille chômeurs pour le quatrième trimestre 2020, c’est-à-dire un taux de chômage de 17.8%, contre 17.4 % au trimestre précédent. Au 3ème trimestre 2021, ce sont 16 mille chômeurs de plus sur le marché du travail. Ainsi, le taux de chômage atteint 18,4%. Au 1er trimestre de l’année 2023, le nombre de chômeurs est estimé à 655,8 mille, contre 624,6 mille au 4ème trimestre de l’année 2022. En conséquence, le taux de chômage augmente pour s’établir à 16,1 % contre 15,2 % au quatrième trimestre de l’année 2022.

–          A petit feu, l’inflation continue de tuer le pouvoir d’achat

En juillet 2021, le taux d’inflation augmentait fortement à 6,4%. En juillet 2022, il augmente légèrement à 8,2%. En juin 2023, l’inflation se repliait faiblement en glissement mensuel, à 9,3 %. Une baisse artefactée par une hausse du taux directeur de la BCT qui rend l’argent plus cher.

Selon l’INS, sur un an, « les prix des produits manufacturés augmentent de 8% en raison de la hausse des prix des matériaux de construction de 6,8%, des produits de l’habillement de 9,7% et des produits d’entretien courant du foyer de 9,4%. Pour les services, l’augmentation des prix est de 6,4% sur un an, principalement expliquée par la hausse des prix des services des restaurants, cafés et hôtels de 10,3%, des services de transport public et privé de 16.9% et des services financiers de 20.7% ». Juin dernier, toujours selon l’INS, « le taux d’inflation sous-jacente (hors produits alimentaires et énergie) se replie pour s’établir à 7,4% après 7,5% le mois précédent. Les prix des produits libres (non encadrés) augmentent de 10,7% sur un an. Les prix des produits encadrés augmentent quant à eux de 4,9%. Les produits alimentaires libres ont connu une hausse de 17,8% contre 0,8% pour les produits alimentaires à prix encadrés. Manifestement et par le chiffre, l’Etat n’arrivait à avoir aucun contrôle sur les prix ». Ces derniers ont toujours haussé, quoiqu’à des proportions variables.

Le 16 juin 2023, le CA de la BCT considérait que « en dépit de cette détente, l’inflation continue à se maintenir à des niveaux historiquement élevés comparativement aux capacités productives de l’économie ».   

–          Une croissance atone dans une économie à l’asphyxie et un Dinar qui s’effiloche

L’économie nationale a enregistré une croissance de 3,1% sur l’ensemble de l’année 2021. Sur l’ensemble de l’exercice 2022, l’économie nationale aurait enregistré une croissance à 2,4%, contre 4,3% en 2021. Au 1er trimestre 2023, les estimations préliminaires montrent que l’activité économique a enregistré une croissance du produit intérieur brut en volume de 2,1 % en glissement annuel. Conclusion, deux années de 25 juillet n’ont pas réussi à redresser la croissance de l’économie qui peine à quitter le périmètre des 2 %.

Le 25 juillet 2021, l’Euro était à 3,2914 DT et le Dollar à 2,8018 DT. Une année plus tard, l’Euro était à 3,2161 DT et l’USD à 3,1624 DT. Le 15 juillet 2023, l’Euro était à 3,3940 DT et l’USD à 3,0444 DT. Quatre jours plus tard, la BCT annonçait que l’Euro était à 3,40334 et l’USD à 3,0326.

En deux ans, le DT aura ainsi perdu 4,31 % de sa valeur par rapport à l’Euro et  9,10 % par rapport à l’USD principale monnaie d’achat des matières de première nécessité et de paiement de la dette. C’est peut-être l’effet de l’évolution du change entre € et $ qui a impacté le DT, mais le fait est là !

« Que se passe-t-il lorsque vous jetez le manuel d’économie conventionnel par la fenêtre ? », se posait la question le « National Public Radio » (NPR), qui est le principal réseau de radiodiffusion non commercial et de service public des États-Unis dans un article intitulé « Erdoganomics », nouveau concept inspiré du président turc Erdogan qui asservit l’économie au service de son programme politique.  Une tendance que semble suivre le chef de tout l’Etat tunisien Kais Saïed, selon ce qu’écrivaient récemment Bassem Snaije et Francis Ghiles sur les colonnes de « Rosa Luxemburg Stiftung » sous le titre de « La Tunisie face à un choix : faillite et dictature ou reprise économique et démocratie ». C’est tout cela qui pourrait correspondre à un éventuel bilan de Kais Saïed devenu, depuis le 25 juillet 2021, le chef de tout l’Etat.

On n’a parlé ici que des ces importants ratios de l’économie tunisienne, qui n’ont guère évolué en deux ans de 25 juillet. On n’a pas évoqué l’atmosphère délétère qui caractérise désormais le paysage entrepreneurial en Tunisie, la cabale menée contre les chefs d’entreprise. Mais aussi, le harcèlement fiscal généralisé, mené par le ministère des Finances, et l’effet d’éviction des BTA sur l’investissement et le crédit locaux. Plus est la castration de l’économie au profit d’un programme politique inconnu que Kais Saïed alimente par des soucis sociaux conçus pour toujours prendre le pas sur les soucis économiques et financier, le refus de toute réforme des entreprises publiques, du système des subventions. C’est cela le bilan de 2 ans de 25 juillet et « c’est un peu trop fort de café » à notre sens.

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1 COMMENTAIRE

  1. Faudrait également énumérer les bienfaits de ce régime, les omettre serait du complotisme pur et dur : un discours rassemblant, devant des subordonnés têtes basses miséreux, d’amour et de réconciliation entre citoyens riches et moins fortunés, entre tunisiens et quelques malheureux étrangers subsahariens, entre parents d’élèves et des instituteurs malmenés et malpayés.. une nouvelle constitution abrogative, celle de la toghra, des entreprises populaires et de l’assemblée nationale des régions et des districts.. c’est ça les réformes qu’attendaient les tunisiens ! Ce ne sont ni le pouvoir d’achat, ni l’eau, ni l’électricité, ni le système financier archaïque, ni les lois de change et fiscalité (coucou douanes, taxes, sajalni).. Que le bon Dieu nous le garde notre calife bien guidé, Omar des temps modernes.. joyeuse troisième année !

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