AccueilInterviewFadhel Kraiem donne des nouvelles … et elles sont intéressantes !

Fadhel Kraiem donne des nouvelles … et elles sont intéressantes !

Lui, c’est presque le seul ministre à pouvoir assurer ce qu’on pourrait appeler la continuité de l’Etat.

Issu de Polytechnique France, il avait écumé les grands groupes comme Capgemini, Vivendi et SFR. C’est l’un des rares hommes qu’il faut à la place qu’il faut. C’est ce qui expliquerait, peut-être, qu’il a pu résister à au moins deux gouvernements. Une vraie force tranquille, souriant, comme lorsque dans cette interview à Africanmanager, il « accuse » le système bancaire tunisien et le système d’achat public de mettre des bâtons dans les roues de la digitalisation. Mais il a aussi parlé des TIC après le Covid-19 et de la 5G. Interview.

La 1ère vague semble avoir été l’âge d’or de la rémunération. Une embellie qui s’est arrêtée net avec le déconfinement. Qu’est-ce qi s’est passé au juste ?

Pendant la période Covid-19, l’objectif commun était de vaincre le coronavirus. On travaillait aussi, public et privé d’un même bord, et on travaillait sans contraintes, ni process à suivre, comme pour les achats. Tous travaillaient aussi pour le pays, les professionnels du secteur, des PME-PMI, des Start-Up, et en deux ou trois échanges, ils donnaient la solution au problème exposé. Certains projets ont été développés après deux ou trois nuits sans sommeil de suite, comme pour la plateforme des autorisations de circulation, le 1818, le 1017 avec la Poste, ou encore le e-Wallet, techniquement fait en 2 semaines seulement. Il faut dire aussi que nous travaillions sans filet, prenant le risque de livrer une ou deux applications dont les tests n’étaient pas terminés.

Cet état d’esprit n’est pas toujours disponible. Et les contraintes, nous y sommes revenus. Je l’ai déjà dit, la vitesse du process des achats publics ne nous permet pas de réaliser la numérisation et la digitalisation avec la rapidité voulue. Nous sommes très en retard dans ce processus, même par rapport à des pays proches et des pays africains. Et aujourd’hui avec le système actuel des achats publics, il est impossible d’aller de l’avant et réaliser l’objectif de la numérisation. Aujourd’hui, en effet, il vous faut entre 12 et 18 mois au moins, pour signer un contrat, dans une conjoncture où la technologie évolue presqu’à la vitesse de la lumière, ce qui rendrait déjà obsolète toute solution choisie.

Que faites-vous pour remédier à cette décélération ?

Pour y remédier, on a décidé de capitaliser sur ce qui avait été fait lors de la 1ère vague du Covid-19. Peut-être qu’on finira par mettre au point un processus d’achat public, spécialement pour les TIC et la digitalisation. Et nous avons, pour cela, donné des propositions qui nous feraient gagner plus de 4 mois dans ce process administratif des achats publics, comme de déplafonner les montants, un plus de flexibilité pour l’Open-Innovation, et surtout une meilleure et plus grande participation des jeunes. Le tout, sans oublier l’incontournable PPP, seul capable de faire de telle sorte que 1+1 donne 3 et non 2. Avec le concours du secteur privé, que je salue au passage et Kais Sellami en particulier, nous avions lancé un portail pour recueillir les idées de projets, notamment dans le secteur de la santé. Nous en avions reçu 200. Après filtres, une quarantaine ont été sélectionnés, dont 10 ont été réalisés. Pour le reste, c’est la capacité d’absorption et de mise en œuvre du ministère de la Santé qui fait encore défaut, mais qu’on pourrait, à tout temps, remettre en vie. C’est ainsi qu’on juillet dernier, 3 Start-Up sont venues nous voir pour une solution sur Mobile de prise de rendez-vous pour les hôpitaux publics. Mais aucun hôpital n’en a exprimé le besoin.

Sinon, nous travaillons actuellement sur un nouveau concept, que nous appelons « Tech4Tunisia », qui pourrait trouver des solutions, comme pour le « Tech4Health » lancé lors du Covid-19, pour d’autres secteurs. Il nécessitera un cadre législatif propre, pour permettre aux Start-Up, et les PMI innovantes, de travailler de manière sereine et facile avec l’Administration, accéder plus facilement aux projets de l’Administration et l’aider dans le processus de digitalisation. Ce cadre pourrait d’abord appliquer l’obligation d’accorder, faite en 2013 dans le cadre du SBA (Small Business Act), 20 % des budgets aux PME-PMI. Ensuite, intégrer l’échec dans le risque projet, et permettre le travail en Framework sur un même projet pour trouver des solutions aux problèmes de l’Administration en matière de digitalisation.

Où en sont les projets qui avaient été lancés lors du Covid, comme le e-Wallet ?

Cette application avait été faite dans un contexte très particulier, celui de la distribution des aides financières aux familles nécessiteuses. Il y avait pour cela, la Poste et les banques via la SMT et les 3 opérateurs téléphoniques. La 1ère était prête et a commencé à utiliser l’application D17, en dématérialisation du mandat postal, et qui est devenu un moyen de paiement In & Out. Pour le reste, il fallait que la BCT donne son accord pour la création d’un ou plusieurs établissements de paiement. En 2020, elle en a accordé deux à des privés, mais qu’on n’a pas encore vus en activité. Du côté des opérateurs téléphoniques, nous avons pu convaincre les 3  opérateurs de s’associer dans la création d’un seul établissement de paiement. Ils feront d’ailleurs, très prochainement, une demande commune à la BCT pour un établissement de paiement commun. Et je puis vous assurer, que ça sera LA solution pour le Mobile Paiement en Tunisie. Le projet, je le leur ai dit, ne sera pas fait pour gagner de l’argent, mais pour l’inclusion financière dans le pays, créant ainsi et le tout naturellement du monde, créer l’interopérabilité entre eux.

Mais je voudrais dire, et j’en assume la responsabilité, que ce sont les banques qui ont bloqué et mis en retard le Mobile Paiement en Tunisie pendant 13 ans, car elles considèrent que les opérateurs téléphoniques ne sont pas plus que des concurrents, alors que les cibles et les usages sont différents. Les problèmes commencent maintenant à se résoudre, mais au forceps, à cause notamment d’une circulaire de la BCT. TT, par exemple en avait fait la demande depuis 2009 et avait même alors fait acquisition de la plateforme technologique qu’il fallait, mais la BCT avait refusé, lui demandant de le faire avec une banque de la place.

Où en est arrivé le Decashing, qui avait pourtant pris un bel élan lors la 1ère vague du Covid ?

Un tel projet, pour la création d’un établissement de paiement fort, fait partie intégrante du Decashing. Les cartes bancaires existent. Il y en a quelque 3,5 millions. Mais elles sont en très grosse majorité utilisées pour le retrait du Cash. Et ce n’est pas un problème d’infrastructure, mais un problème de commission. C’est pour cela que je dis que le système bancaire tunisien est une véritable économie de rente. Et ce sont les banques qui ont tué le paiement électronique, en le taxant. Je vous donne pour cela, un exemple à la fois frappant et absurde par rapport à la stratégie du decashing, les taxes imposées même au prélèvement automatique pour en dissuader le client.

Quel est le grand projet sur lequel vous travaillez sur le court terme, sachant que la longévité  d’un ministre est désormais très réduite ?

Nous, on travaille comme si on allait rester indéfiniment. Nous travaillons donc sur le projet de partage électronique des documents entre Administrations. Le décret-loi avait été signé. Le décret d’application devrait être signé dans quelques jours. Et il va révolutionner l’Administration, s’il est bien sûr appliqué et lorsque les différents systèmes des différentes parties s’interconnectent [Ndlr : Autant dire dans un siècle] et s’interfacent. Mais il y a beaucoup de paperasse à s’échanger, sans nécessité de système, comme ce que nous donnons nous-mêmes au ministère [Ndlr : Kaspersky blackliste le site du ministère des TIC comme étant source dangereuse d’Internet], ou tout ce qui est « par défaut », ou par gestion électronique du courrier qui est généralisée sur tous les ministères. On va, pour ce faire et en coopération avec la fonction publique et l’aide d’experts étrangers, constituer un groupe de travail, faire de la communication et de la conduite du changement, et assurer l’adhésion de toutes les Administrations. Nous avions aussi promis, et commencé à le faire, la facilitation des procédures administratives pour le citoyen. Aujourd’hui, par exemple, les ministères des Affaires sociales et de l’Education ne requièrent plus le document de l’état civil, après que nous leur avons donné la possibilité d’y accéder eux-mêmes. Bientôt, on ajoutera les documents requis pour la CIN (Carte d’identité nationale) et les passeports.  Par contre, le projet de l’extrait de naissance électronique par QR Code, promis par Youssef Chahed, a été abandonné, pour cause de problématique juridique.

Est-ce qu’il va y avoir une offre de licence pour la 5G, et quand ?

Ce que je peux déjà assurer, c’est que nous ne resterons pas à la marge des nouvelles technologies. Mais il nous faudra choisir le bon timing pour le lancement de la 5G. On est donc, en ce moment, en train d’observer ce qui se passe ailleurs dans le monde, et étudier les besoins du 5G, qui est plutôt plus professionnel pour les entreprises, que grand public en confort d’usage.

L’INT a déjà réalisé une étude à ce sujet de la 5G, elle travaille actuellement sur le modèle économique possible pour la 5G, le type d’appel d’offres à lancer, classique et basé sur l’offre meilleure ou pas, le plan de fréquence à mettre en place, et sur l’impact de la 5G sur la santé des citoyens. Et c’est cette étude qui déterminera le meilleur timing pour l’appel d’offres et qui tienne compte de la maturité de cette technologie, la capacité des opérateurs à introduire cette nouvelle technologie. Notre idée, est que le cahier des charges sera prêt en 2021 après avoir acquis la certitude sur le type d’appel d’offres et l’attribution des licences. Entretemps, des opérateurs nous ont demandé la possibilité de mettre en place des pilotes dans une région. Nous comptons inter-réagir de manière positive, et nous leur demanderons d’ouvrir gratuitement leurs différents réseaux aux entreprises qui voudraient l’expérimenter pour des services qui requièrent la 5G. Pour résumer donc et sauf autres développements, 2021 marquera l’installation de pilotes et le lancement de l’appel d’offres, pour une attribution des licences et un lancement en 2022. Il faudra aussi que les Hand-Sets pour la 5G deviennent accessibles, alors que le taux de pénétration de ce type de Hand-Set ne dépasse pas actuellement les 3 ou 4 % en Tunisie.

L’Etat a-t-il encore des parties dans le capital d’Ooredoo, les parties qui avaient fait l’objet de confiscation ?

Selon les informations dont je dispose, l’Etat tunisien disposait de 9 % dans le capital de cet opérateur, toutes nanties contre des dettes bancaires. Et je pense que les banques de la place ont exercé leur droit de propriété, l’Etat n’ayant pas remboursé les crédits des anciens propriétaires.

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