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Hamma Hammami : un cœur à prendre

Le message essentiel qui transparaît du discours de Hamma Hammami , dans la soirée de vendredi sur le plateau de Nessma , est que le Front de Salut National (FSN) tient à mettre fin purement et simplement au processus du 23 octobre 2011 et à rayer les effets qui en ont découlé .C’est un peu étonnant de la part d’un Hamma Hammami qui était le principal déclencheur de ce même processus dans le but d’abroger la constitution de 1959 et de rompre avec l’ordre établi avant le 14 janvier 2011 . Il était aussi très actif durant la campagne électorale, et a contribué grandement , par ses alliances et son ciblage , à l’émergence des nouvelles réalités de l’après 23 octobre . C’est un peu la négation de la négation dont parlent les tenants de la dialectique marxiste.

Mauvais perdant ou comploteur ? La question n’a pas été posée sur le plateau, mais Hamma a tenu à y apporter en filigrane une réponse , redoutant peut-être de ne plus pouvoir le faire , si le sujet est soulevé après l’émission . L’argumentaire était bien achalandé : bilan négatif de l’exercice du gouvernement, des activités de l’ANC , et une démarche douteuse de la part d’Ennahdha quant au respect des règles du jeu démocratique conduisant à l’alternance . Pour ce qui est du fond, cela justifie pleinement la migration de Hamma Hammami d’un bâtisseur à un pourfendeur du processus déclenché ,fin janvier 2011, pour renforcer la révolution .

Mais ce qui retient l’attention, ce n’est pas tant le fond des idées que le ton modéré affiché par le porte-parole du Front Populaire, au cours de sa prestation, un ton qui a surpris plus d’un téléspectateur. Hamma Hammami a balayé d’un revers de main, sans y répondre , les griefs visant à diaboliser sa formation politique , et à le diaboliser personnellement . Il a répété à longueur d’émission que le mouvement Irhal est pacifique, civique et démocratique et que l’unité d’action du Front de Salut National (FSN) ne risque pas de se ressentir des divergences qui pourraient surgir , tant qu’il y a accord sur l’objectif fondamental . La position nuancée de Béji Caïd Essebsi sur le mouvement Irhal, et les 10 points proposés par Iyadh Ben Achour pour mettre en œuvre l’initiative de l’UGTT , chahutant quelque peu l’harmonie des forces démocratiques , Hamma Hammami les a mis sur le compte des opinions personnelles qui ne le gênaient aucunement .

On est donc en face d’un nouveau Hamma Hammami qui émerge d’une réalité dont il semble saisir l’essentiel, et détenir une des clés principales .

Si Rached Ghannouchi est venu sur le plateau pour dire qu’il comprend clairement la conjoncture , et les concessions douloureuses qu’elle impose , et Béji Caïd Essebsi a répondu à son contradicteur tout en expliquant sa démarche à l’opinion , Hamma Hammami , présenté comme le leader de la troisième force politique du pays , a saisi l’occasion pour démontrer qu’il s’est métamorphosé , et que son évolution touche le fond de ses convictions autant que sa vision des choses.

Hamma Hammami n’en est pas à sa première transformation. Il évolue, à 20 ans, du panarabisme marxiste au marxisme- léninisme –pensée Mao-Tsétoung , et à 30 ans , il rejoint le carré des adeptes de l’albanais Enver Hodja . Le coup d’arrêt à ce cheminement bien ordonné, allant d’un radicalisme à un autre encore plus rigide, a été donné par la chute du mur de Berlin . A partir de cette date , la référence au crédo marxiste en politique , ne renvoie plus à grand-chose , et ceux qui tenaient encore à ce dogme devaient ou bien y renoncer ou le faire évoluer .Hamma Hammami , qui n’était ni des uns ni des autres , regardant de haut les deux grandes expériences de révision du marxisme ( la 2ème internationale ,et la Perestroika de Gobatchev ) , est resté figé ,faisant valoir son radicalisme toujours payant . Il s’enorgueillit de ne pas avoir signé le Pacte national , d’être toujours cible de campagnes de répression et d’avoir encore la haute main sur le mouvement étudiant . Sollicité par toutes les alliances politiques qui luttent contre Ben Ali , il rejoint la clandestinité de 1998 à 2002,et l’opinion le découvre dans les geôles du ministère de l’Intérieur, le 14 janvier 2011, d’où il sort auréolé , contre le gré du président déchu , quelques heures avant son départ en Arabie Saoudite .

La courbe de la dictature monte vertigineusement, et la résistance à son égard prend l’allure d’une ligne droite ouvrant sur une situation révolutionnaire avec une présence grandissante de l’islam politique .Cette configuration maintient la fonctionnalité de quelques slogans et ouvrages du marxisme, qui se rapportent à la nature de l’Etat, au parti et à la religion (comme opium du peuple) . Et même la théorie de Proudhon stipulant que la propriété c’est du vol peut être d’un certain secours , si la révolution réussit et sonne l’heure de la lutte contre la corruption .

L’appel à une constituante et l’élan engagé pour forcer les choses dans ce sens prennent racine dans la perception d’une similitude entre la situation postrévolutionnaire en Tunisie et celle de la Russie entre février et octobre 1917.

La rupture avec l’ancien régime , l’imputabilité , et la lutte contre la corruption , la police politique et la pratique de la torture ,devaient fournir à Hamma Hammami , et à sa formation politique , la base d’une alliances durable avec la troïka , et de bons rapports avec le président Moncef Marzouki , illustrés , d’ailleurs , dans le dossier de la dette extérieure et des rapports avec le FMI .Mais il devait se détourner de cette alliance , au moment de la création du Front Populaire, en août 2012 ,et le dernier alignement sur la troïka a été enregistré lors des évènements d’Al-Abdilliah , en juin 2012 .

Les survivances de l’extrême-gauche persisteront , et le Front Populaire affichera, à ses débuts, une équidistance de la troïka et de Nidaa Tounès , ce qui était déjà un pas sur le bon chemin , mais les pratiques sectaires d’Ennahdha et son arrogance vis-à-vis de tous les partenaires politiques ,les enquêtes sur les assassinats politiques qui piétinaient et l’acharnement des Ligues de Protection de la Révolution(LPR) contre les forces démocratiques, poussent directement le Front à se rapprocher de l’Union Pour la Tunisie (UPT) et de Nidaa Tounès.

Le chemin parcouru par Hamma Hammami n’est pas personnel, mais revêt un caractère général et même sociétal. Le choix par une jeunesse du marxisme dans sa version rigoriste balkanique comme doctrine, était expliqué dans le cadre d’une thèse magistrale proposée par Fathi Belhaj Yahia , un collègue de Hamma Hammami détenu , lui aussi dans les années 1970 , par la ruralisation du marxisme du fait de la ruralisation de l’université , son foyer originel . Seulement, la réalité qui illustrait cette thèse générale n’a pas empêché des évolutions individuelles de ces mêmes élites vers le centre et même le centre-droit.

Tels sont les éléments de l’approche savante , celle des historiens, des politiciens , et des observateurs .Mais le Tunisien moyen s’intéresse plutôt à l’histoire d’amour qui unit Hamma Hammami et Radhia Nasraoui , et s’inspirant de l’atmosphère des mille et une nuit où une légende en engloutit une autre, ce Tunisien ne retient que l’anecdote narrée sur un style amusé de la rencontre , au début des années 1980 , entre la vaillante et très généreuse Radhia Nasraoui avec Hamma Hammami le jeune cœur à prendre , jetant dans l’oubli une autre légende qui présente le porte-parole du Front Populaire comme un militant intrépide qui n’a jamais cédé , résistant à la torture sans parler . Saisissant cette donnée croustillante, le journaliste qui a animé l’émission a préféré donner le coup d’envoi de l’interview en évoquant l’anniversaire du mariage du couple super médiatisé.

Aboussaoud Hmidi

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