AccueilLa UNELa «Silicon Valley» tunisienne est impossible sans un nouveau code de change

La «Silicon Valley» tunisienne est impossible sans un nouveau code de change

La Tunisie de la Hi-Tech a vite oublié Vermeg, le premier groupe international de logiciel opérant dans le B2B haut de gamme de Badreddine Ouali, Talan qui est un groupe international de conseil en innovation et transformation par la technologie et dirigé par l’ancien ministre Mehdi Houas. Ou encore Karim Skik et sa Founa, le supermarché virtuel, revendu par la suite pour 12 MDT au « Magasin Général ». On oublie aussi les « Anava », « wattnow » et autres startups tunisiennes.
La prise de conscience effective de l’existence de telles petites « licornes » à la tunisienne ne s’est pourtant faite qu’avec l’annonce de la vente d’une startup « tunisienne », revendue pour 680 MUSD à BioNTech. Ou encore, l’annonce de la vente, pour un opérateur égyptien de la startup « tunisienne » GBarena pour 15 MUSD (ar).

  • Le très bon cru existe

Les success stories  font pourtant désormais légion. Khatib Chakchouk, par exemple, est le fondateur et le PDG de Paypos, une start-up Fintech située à Sousse qui développe des solutions de paiement pour les entreprises, les kiosques en libre-service et les plateformes mobiles, lancée en 2014. Rapidement, il commence à susciter l’intérêt d’autres entreprises dans les pays de la région, notamment en Algérie et au Sénégal. Au cours des trois années suivantes, Paypos a ajouté environ 18 000 terminaux de paiement en Tunisie et a considérablement augmenté ses revenus. En 2019, elle a obtenu le label Start-up tunisien pour ses activités innovantes. L’entreprise prévoit de recruter encore plus de collaborateurs pour se développer sur de nouveaux marchés, comme la Libye et le Burkina Faso. C’est ce que rapporte le site « Tunisia Jobs » de l’USAID.

Le site « journaltunisie » rapporte de son côté les trois success stories de Yahia Bouhlel, un jeune qui, à 19 ans, a créé  « GoMyCode », une plateforme de e-learning qui a pu faire une levée de fonds de fonds de 8 MUSD. Partenaire de Microsoft et de « Talan » du précurseur Mehdi Houas, il travaille sur l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana et l’Arabie Saoudite. En 2020, il démarre ses premières activités en dehors de la Tunisie notamment en Algérie, au Maroc, en Egypte, au Bahreïn, au Nigeria, en Côte d’Ivoire et en France.

Le cas aussi de Ayhem Ghanmi le jeune codeur qui a créé, à l’âge de 18 ans, la startup « HackUp » et son partenaire dans le  binôme Aziz Najjar et leur communauté d’un millier de développeurs. L’entreprise a organisé plus de 5 hackathons et est devenue la première start-up de la région MENA à s’y spécialiser. Le cas enfin, et ce n’est pas la fin, de Rami Kalboussi et sa « Seabot », première start-up  de robot sous-marin en Afrique.

  • Un écosystème au Top 10 MENA …

Officiellement, la Tunisie dispose d’un PNS digital, qui devait créer 1000 startups à raison de 200 startups par an, plus de 10000 emplois, et réussir à permettre l’éclosion d’au moins une licorne. Le ministère des Tics a même publié un rapport sur les startups en Tunisie (Pdf).

On ne connaît pas le nombre total des startups en Tunisie, avec une moyenne de 8 employés par start-up. Alaya Bettaieb, Directeur général de « Smart Capital », indique cependant que, depuis le lancement du Startup-Act en 2019, « nous avons délivré 750 labels pour 750 Startups et nous sommes sur un rythme mensuel quasi-stable de 20 Startups labélisées ». Le nombre de startups labélisées est passé de 192 en 2019 à 245 en 2021, soit une augmentation de 17,2%. On sait qu’il y a 49 startups étrangères en Tunisie, 13 tunisiennes avec des filiales à l’étranger.

Dans le rapport du ministère des Tics, On lit notamment  ce qu’écrit Stephan Kuester, qui affirme que « l’écosystème de Startups tunisien a créé 25,6 MUSD de valeur entre le 1er juillet 2019 et le 31 décembre 2021. La Tunisie a été classée première de la région MENA en matière de talents accessibles dans le GSER 2022. L’écosystème figure aussi dans le Top 10 de la région MENA en matière de Bang for Buck, qui mesure le montant du Runway que les Startups technologiques acquièrent, en moyenne, à partir d’un tour de capital-risque. La Tunisie fait également partie du Top 10 des écosystèmes émergents en termes de talent, d’activité de recherche et de brevets, mais aussi de financement disponible pour les Startups ».

  • Mais atrophié, qui créé des pouces et les empêche de grandir

De l’avis de tous les opérateurs contactés, l’écosystème tunisien des startups avec tout le financement public que détaille le rapport officiel sur les startups, n’arrive cependant qu’à créer des pousses. De l’avis même du ministère tunisien des Tics, sur le chiffre d’affaires de 120,16 MDT (Le 1/3 de la seule valeur InstaDeep), réalisés en 2021 par l’écosystème des startups en Tunisie, dont 85 % en E-commerce et 41,6 % en B2B, 75% des Startups B2G ont réalisé́ un chiffre d’affaires inférieur à 12 mille DT. Les 25% restantes ont réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 12 mille DT.

Et ce n’est qu’à la condition, malheureusement sine qua non, de partir à l’étranger, que la pousse tunisienne  deviendra arbre, grandira, fera un peu d’ombre au Bigs et arrivera à les intéresser. Et on se demande alors pourquoi la Tunisie n’arrive pas, avec les compétences que les Européens reprennent, à devenir une sorte de « Bangalore » du Maghreb et de l’Afrique, ou une sorte de « Silicon Valley » pour l’économie de leur pays. 

La réponse, le ministère des Tics la connaît très bien, et l’a même écrite dans son rapport. « Le top 3 des challenges auxquels fait face la moitié des Startups B2G concernent l’accès aux appels d’offres et le paiement. 50% d’entre elles affirment souffrir du manque de visibilité sur les appels d’offres, de problèmes de recouvrement et de modalités de paiement » dit le rapport gouvernemental.

  • Les professionnels accusent le Code de change

Interrogé par nos soins sur la possibilité que la Tunisie puisse devenir la Bangalore de l’Afrique, Lotfi Saibi qui est président de « 4D-Leadership House & Content Creator », répond vite par la négative, estimant qu’il faudra pour cela avoir un plan clair et précis et qui soit bien exécuté, qui n’existerait pas selon lui.

Pour Lotfi Saibi, expert en transformation numérique et qui travaille sur les stratégies de changement, « il faudrait d’abord les lois d’investissements et le paiement en devises pour les freelances et les entrepreneurs »,  comme à Bangalore où « ils ont bâti toutes les lois de l’investissement pour attirer les entreprises étrangères de TIC. En 5 années, plus de 1500 entreprises TIC du monde entier se sont installées à Bangalore ».

Et lorsqu’on lui demande son avis sur le fait que 2 Startups tunisiennes aient pu percer à l’étranger, il dit que ce sont « des startups qui ont dû partir à l’étranger car aucun investisseur sérieux n’envisagera d’investir en Tunisie. De plus, elle doivent protéger leur propriété intellectuelle, ce qui est difficile à faire en Tunisie. Je les considère toutes les deux comme des succès. Je suis très heureux pour elles et j’espère que nous pourrons communiquer autour de leurs succès, d’abord pour encourager les autres à faire de même, et ensuite pour revoir nos lois afin que nous puissions garder les futures Startups en Tunisie ».

Pour Karim Skik, « ceux qui ont réussi, l’avaient pu, car installés à l’étranger, et car ils avaient pu quitter un pays qui reste fermé, notamment du côté du Code des changes. Moi j’ai commencé à 50 mille DT chez moi et j’ai eu la chance de trouver un intérêt en Tunisie pour mon produit, ce qui n’est pas le cas des autres qui ont dû s’exiler pour réussir, car l’environnement dans lequel vivent les projets de Startups tunisiennes, ne permet pas de réussir dans leur pays d’origine. Le Startup-Act et tout l’armada de cadres juridiques, de fonds et autres, sont certes des prérequis et un catalyseur, mais restent insuffisants pour réussir à l’international ».

Badreddine Ouali est par contre optimiste. « Aujourd’hui, il y a une surreprésentation des Startups tunisiennes, qui deviennent très demandées à l’échelle internationale. Et cette surreprésentation des Startups tunisiennes à l’étranger signifie qu’elles sont efficaces et prouvent que la Tunisie peut devenir un genre de Bangalore ou de Silicon Valley au niveau régional au moins », si tant est que les pouvoirs publics en Tunisiens y prêtent l’attention nécessaire.

Ouali n’en pense pas moins que « s’il n’y a pas de vente, il n’y a pas d’investissement. La vente de startups tunisiennes à l’étranger est donc une bonne nouvelle, et un bon signe pour les Startups, mais pas nécessairement pour l’économie tunisienne, car ces entreprises resteront étrangères et ce n’est pas de l’argent qui va entrer en Tunisie, bien qu’étant très investies dans l’écosystème local et donnent même des logiciels gratuits pour les Tunisiens comme j’ai pu en être témoins au moins pour InstaDeep. Le problème pour ceux qui restent, c’est essentiellement cette rigidité tunisienne en matière de Code de change ».

C’est ainsi que, de l’avis de ces professionnels tunisiens du domaine des TIC,  dans l’écosystème tunisien ceux qui réussissent vont à l’étranger, et ceux qui ne réussissent pas restent en Tunisie. La réalité est dure, mais reste jusque-là une réalité.

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