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La Tunisie ne serait pas le prochain Etat arabe à rejoindre le camp de la normalisation avec Israël

Depuis que le Maroc a rejoint les Accords d’Abraham en décembre 2020, les spéculations  ne désenflent pas  sur l’Etat  arabe qui pourrait être le prochain à s’inscrire dans  ce mouvement  pro-normalisation avec Israël. Divers responsables américains et médias israéliens ont laissé entendre ou prédit que la Tunisie pourrait être ce pays. Mais bien que la perspective ne soit pas impossible, il y a de nombreuses raisons de douter sérieusement que Tunis rejoigne ce camp, estiment maints analystes, cités par The New Arab. 

L’adhésion de la Tunisie aux Accords d’Abraham exigerait du président Kais Saied qu’il abandonne une conviction politique importante qui, pendant des années, a été la clé de son image, et qu’il a hardiment défendue , notamment lors  de sa participation à un débat présidentiel le 12 octobre 2019.Ila avait alors vivement  dénoncé la normalisation avec Israël et a même condamné l’utilisation du terme normalisation.

La condamnation passionnée de la normalisation par Saied lors de ce débat de 2019 a été « très mémorable pour de nombreux Tunisiens », a déclaré Monica Marks, professeur adjoint de politique du Moyen-Orient à l’Université de New York, à Abu Dhabi, dans un entretien avec The New Arab.

Mais ce n’était pas seulement un discours de campagne. Dans le discours de victoire de Saied en 2019, il a juré de « soutenir les causes justes, y compris celle de la Palestine ». Comme l’a dit Marks, « il a construit une partie non négligeable de son identité politique en Tunisie sur un retour au nationalisme arabe de la vieille école qui est fondé, entre autres, sur l’opposition à avoir des relations avec Israël ».D’ailleurs, la farouche opposition de Saied à la normalisation a été importante pour sa base de partisans lors des élections de 2019, de son coup constitutionnel du 25 juillet  2021 et de la période actuelle. « Il a un fort soutien encore dans certains coins de la partie nationaliste arabe du paysage idéologique de la Tunisie qui s’identifie très fortement à l’opposition à Israël. C’est une caractéristique essentielle, si ce n’est la caractéristique essentielle, de l’identité politique nationaliste arabe en Tunisie », a ajouté  Marks.

Saied est loin d’être le seul Tunisien à avoir dénoncé toute discussion sur les relations de l’État tunisien avec Israël. Dans toute la société tunisienne, il existe depuis longtemps un soutien passionné aux Palestiniens, souligné par des manifestations publiques en faveur des droits des Palestiniens et par le projet de loi anti-normalisation présenté au Parlement.

« Je ne pense pas qu’il y puise y avoir une normalisation entre la Tunisie et Israël », a déclaré Youssef Cherif, le directeur des Colombia Global Centers à Tunis. « Cette démarche serait très impopulaire en Tunisie, et il y a suffisamment de libertés dans le pays, même après la prise de pouvoir de Saied, pour permettre aux gens de rendre leurs désaccords publics si cela doit arriver ou être débattu. »

Comme l’explique Marks, la culture en Tunisie est « très opposée » à tout ce qui ressemble à une normalisation avec Israël. « Son opposition à toute relation avec l’État israélien est en fait une caractéristique clé de la géopolitique régionale de la Tunisie. »

Dynamique régionale

Il y a également des facteurs régionaux à prendre en compte. L’Egypte et le Maroc accueilleraient favorablement l’entrée de la Tunisie dans les Accords d’Abraham. Mais cela alimenterait de graves problèmes dans les relations algéro-tunisiennes.

Pour l’Algérie, les relations maroco-israéliennes ainsi que la tendance à la normalisation de la région arabe sont une menace. Consciente du soutien d’Israël à la politique étrangère marocaine vis-à-vis du Sahara occidental, de la position de Tel Aviv contre l’Algérie et de la coopération militaire maroco-israélienne, l’Algérie craint les implications d’un partenariat maroco-israélien plus fort. Si l’Algérie est entourée d’États qui se sont normalisés avec Israël, les Algériens se sentiront de moins en moins en sécurité.

William Lawrence, professeur de sciences politiques à l’Université américaine de Washington a expliqué que « l’aide importante de l’Algérie à la Tunisie est généralement vue sous l’angle d’un maintien de la Tunisie hors de la sphère d’influence du Golfe ou de l’Egypte, voire de la Russie. Mais un autre angle d’analyse peut être de considérer qu’elle maintient la Tunisie à un certain degré de distance de la sphère émergente israélo-émiratie-américaine, et au prix d’une marginalisation accrue des Palestiniens ».

Une raison d’adhérer ?

La Tunisie est confrontée à plusieurs problèmes économiques graves et a besoin du soutien de gouvernements et d’institutions étrangères. « C’est un pays où très bientôt vous ne pourrez plus acheter de carburant, où les fonctionnaires ne recevront plus leurs salaires, où vous ne pourrez plus acheter d’insuline pour les diabétiques », a déclaré Jalel Harchaoui, chercheur spécialiste de la Libye.

« Toutes sortes de produits de base vont cesser d’être disponibles en raison de cette situation tragique qui se traduira très probablement par un défaut de paiement de la dette, et les nations occidentales ne semblent toujours pas s’en soucier ».

Il n’est pas clair si l’entrée dans les Accords d’Abraham pourrait susciter un prêt des États-Unis, des États du Golfe comme les Émirats arabes unis, ou d’autres pays. « Ce que le monde a dit, c’est qu’il ne se soucie pas de la Tunisie. Donc… proposer de rejoindre les Accords d’Abraham est quelque chose que Kais Saied pourrait essayer », explique Harchaoui.

Lorsqu’on lui a demandé si elle pensait que la Tunisie allait se normaliser avec Israël, Mme Marks a répondu : « Je serais surprise que cela se produise tant que Kais Saied est à la barre ». Mais elle a maintenu que ce n’était pas impossible, en gardant à l’esprit les incitations que certains États arabes pourraient lui donner pour faire entrer la Tunisie dans les accords d’Abraham.

« Saied se trouve effectivement en conversation étroite avec Sisi et dans une certaine compagnie idéologique avec les acteurs du Golfe qui le voient comme un véhicule potentiel pour leurs intérêts », selon Marks.

« Je ne pense pas qu’ils soient encore convaincus, mais ils le voient comme un véhicule potentiel. Il est prêt à négocier avec des États qui le considèrent comme un important rempart de stabilité. Il a des intérêts comme tout autre dirigeant. »

En fin de compte, de sérieuses préoccupations concernant l’avenir économique de la Tunisie pourraient inciter Saied à abandonner sa position contre Israël. Il est indéniable que les Etats-Unis, Israël, les EAU et le Maroc seraient fortement favorables à l’adhésion de la Tunisie aux Accords d’Abraham. Ces gouvernements pourraient essayer de pousser Saied dans cette direction. Cependant, les retombées pourraient alimenter les problèmes des dirigeants de Tunis, non seulement sur le plan interne mais aussi avec son voisin algérien, beaucoup plus grand.

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2 Commentaires

  1. La relation entre Tunisiens et algériens ne peut être vue uniquement que sous l’angle politique. Les relations entre les pays du Maghreb ont une origine historique, culturelle et cultuelle. Il est regrettable que le monde qui a participé à ce qu’ils appelé printemps arabe continue à nous pousser vers la pauvreté au point de passer à l’aumône.
    Des puissances étrangères et des marchands de la mort, ont depuis des décennies travaillés sur une guerre entre l’Algérie et le Maroc au sujet du Sahara et une autre entre la Tunisie et la Lybie au sujet du plateau continental.
    La guerre armée ne peut pas avoir lieu, car d’une part les liaisons familiales et historiques des peuples sont plus fortes que les éphémères politiques et d’autre part, les dirigeants sont conscients des dégâts humains et financiers qu’ils courent.
    Les magouilleurs avides de richesses matérielles, ont développés les technologies de leurs armements par l’argent des pays riches et moins développés, (riches Arabes, riches africains, etc.) ainsi par le sang de leurs innocentes populations.
    Les actuels occupants de la Palestine, ne sont qu’un cumul d’innocentes populations appelées à former un pays sur une terre que leurs arrières parents n’ont même pas entendu parler. C’est une population multiculturelle et multiraciale encouragée par les pays développés d’après la deuxième guerre mondiale. Les enfants d’Israël n’ont pas voulu piétiner la terre de Palestine au moment du prophète Muslim Moussa, car ils craignaient les occupants de cette terre non encore convertie au monothéisme.
    Les Tunisiens n’ont rien contre leurs cousins juifs, mais ils sont contre les sionistes qui ont tué et qui ont expulsé des générations du paisible peuple palestinien de leur terre parentale par les ruses et par la force.
    L’histoire se raconte de génération à génération quelques soient les dirigeants et leurs éphémères régimes.
    C’est navrant que les chroniqueurs ne voient dans les relations entre les pays que le côté financier et purement matériel. Non, ce n’est pas toujours ainsi. Il y a d’autres raison qui sont difficilement simulables.
    En effet, notre chérie Tunisie est souffrante.
    Les précédentes générations ont expulsé les colons alors qu’ils étaient beaucoup plus faibles.
    Les présentes et les futures générations seront capables d’expulser la pauvreté et l’ignorance, tout en gardant la dignité collective d’une population avide au développement et à la paix.
    Dieu nous protège et nous accorde, sagesse et patience. Passe, passe le temps.
    Vive la Tunisie, Digne et non aliénée.

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