Une réflexion stratégique sans doute inédite vient d’être engagée en Tunisie sur l’eau sous l’angle de la sécurité dont elle doit se doter à la lumière du changement climatique. Un enjeu de la toute première importance alors que la Tunisie compte parmi les pays les plus exposés au stress hydrique, et pour dire les choses crûment, à une sécheresse persistante.
Le secrétaire d’État chargé des ressources hydrauliques et de la Pêche, Ridha Gabouj, tout en soulignant l’importance des quantités de pluies enregistrées récemment et leurs effets positifs sur le niveau de l’agriculture céréalière, notamment dans le centre et le sud, a fait savoir que le taux de remplissage des barrages a atteint 27 %, en deçà du taux requis.
Il n’en a pas moins jugé que le niveau des réserves d’eau équivaut à celui enregistré l’année dernière, sans s’empêcher d’insister sur la manière dont le stock est réparti entre les barrages, notamment en ce qui concerne l’eau potable, ajoutant que le ministère a connecté de nombreux puits profonds au réseau de la SONEDE et qu’il travaille au diagnostic des problèmes d’approvisionnement en eaux souterraines dans toutes les délégations.
La Tunisie, 30ème pays sec en Méditerranée
De son côté, Le directeur général des barrages et des ouvrages hydrauliques au ministère de l’Agriculture, Fayez Moslem, a passé en revue la réalité de la sécurité hydrique en Tunisie à la lumière du changement climatique.
Il a présenté des indicateurs et des chiffres mettant en évidence les ressources en eau, qu’elles soient conventionnelles ou non conventionnelles, notant que les ressources en eau de surface s’élevaient à 2,7 milliards de mètres cubes par an, tandis que les ressources en eau non conventionnelles, liées au dessalement de l’eau et au traitement des eaux usées, atteignaient 350 millions de mètres cubes par an.
Il a indiqué que la Tunisie se classe au 30ème rang mondial en termes de pénurie d’eau par rapport au reste des pays méditerranéens. Sur la base d’une part moyenne d’eau par habitant de 420 mètres cubes par an, la Tunisie se situe en dessous du seuil de pénurie d’eau estimé à 500 mètres cubes par an et par habitant.
D’autre part, il a souligné les défis présentés outre la rareté de l’eau, par la mauvaise répartition géographique des ressources en eau et la fréquence des années de sécheresse, le nord-ouest du pays étant considéré comme le principal fournisseur d’eau de surface. . Il a expliqué que le ministère de l’Agriculture compte sur la stratégie consistant à relier les barrages entre eux pour assurer l’approvisionnement en ressources, notamment pour les grandes villes et le littoral, où la demande est forte.
Il a également évoqué le plan d’action approuvé pour l’année 2024, notamment en ce qui concerne la lutte contre la pénurie d’eau et la priorité accordée à l’eau potable.
Le plan de la SONEDE pour 2024
Il a évoqué le plan de la SONEDE, pour faire face au pic de consommation au cours de l’été 2024, qui prévoit l’élaboration d’un programme comprenant 83 interventions dans différentes villes de la République. À cet égard, il a souligné l’exploitation des eaux souterraines disponibles en forant des puits profonds spéciaux dans les zones entièrement alimentées en eau souterraine, et en effectuant les opérations d’entretien nécessaires en changeant et en renouvelant certains équipements de pompage, en travaillant également à la sensibilisation à la rationalisation de la consommation et à l’économie d’eau, en plus de deux usines de dessalement d’eau de mer, dont une à Sfax, et qui seront ouvertes à l’exploitation avant l’été 2024.
a évoqué le plan de travail à court terme dans la zone rurale, indiquant notamment l’achèvement de 114 projets au profit de 148 mille habitants avant l’été prochain, en plus du traitement de l’endettement d’un certain nombre de complexes aquatiques.
Un système d’eau en bouteille à revoir
Par ailleurs, le directeur du Bureau de la planification et des bilans hydriques au ministère de l’Agriculture, Rafik Aini a fait part de l’étude stratégique du secteur de l’eau à l’horizon 2050. Il a expliqué qu’il vise à sécuriser les équilibres hydriques et à passer de la gestion de l’offre à la gestion de la demande, et ce, en adoptant une gestion intégrée et durable des ressources.
Selon lui, cette étude s’appuiera sur l’approvisionnement en eau potable comme priorité absolue, selon la spécificité de chaque région. Un modèle dynamique qui prend en compte les pressions des influences climatiques, démographiques, sociales et économiques, expliquant que le comportement futur en matière de gestion de l’eau doit s’appuyer sur la modélisation économique de l’eau comme outil d’aide à la vision, à la stratégie et à la gestion de la demande.
Il a déclaré que parmi les résultats de cette étude figure l’élaboration de plans pratiques pour les années 2023/2025, 2026/2030, 2031/2040, puis 2041/2050, affirmant que les technologies modernes seront utilisées pour améliorer la sécurité alimentaire durable, surveiller la qualité de l’eau, contrôler la pollution et atténuer les effets du changement climatique, tout en évoluant vers une agriculture qui s’adapte à ce phénomène et en œuvrant à l’unification.
Dans le même contexte, les représentants ont appelé à l’importance de réfléchir à la qualité de l’eau, en critiquant le système d’eau en bouteille face à la rareté de l’eau et à la manière dont ces eaux souterraines sont exploitées en l’absence de contrôle de l’État. Ils ont également critiqué la dispersion des intérêts liés au secteur de l’eau, soulignant l’importance d’inclure le système de l’eau dans le cadre d’une administration centrale unifiée.