AccueilLa UNELaarayedh tire son bilan, pas encore sa révérence

Laarayedh tire son bilan, pas encore sa révérence

L’interview accordée par Ali Laârayedh au journal Qatari Al-Watan et publiée dans son édition de jeudi 31 octobre, apparaît, aux yeux des observateurs, comme le point d’orgue final de son mandat de chef de Gouvernement .Le mandat était, il est vrai, très court mais jalonné de vicissitudes et de contretemps.

L’amertume transparaît de bout en bout du récit de l’entretien, et l’agacement du chef de gouvernement a été narré par le grand journaliste qatari avec un brin d’humour , qui rompt avec la bienveillante complicité du départ .

Il est vrai que les questions étaient incisives et ont vite révélé que le journaliste était informé du détail de la situation du pays (on aurait dit qu’il était briefé ) , mais le chef du Gouvernement n’a pas l’air de saisir le ballon au vol , pour véhiculer un autre discours qui s’écarte , même pour un moment, du conformisme nahdhaoui .La route était pourtant balisée et l’opinion publique à laquelle il s’adressait (celle des pays du Golfe ) était presqu’acquise aux thèses islamistes, dites modérées . A l’opposé, Ali Laârayedh s’était agrippé au socle des idées d’Ennahdha qui présentaient la situation en Tunisie sous l’aspect d’une légitimité assaillie par une opposition sans scrupule et un mouvement syndical acquis à la subversion politique , expliquant les ratés de l’islamisme par l’acharnement de l’opposition et les complots des ennemis de la révolution . Ces mots n’ont pas été directement dits mais le discours, tout de même soigné et à la limite diplomatique, s’est ressourcé, à l’évidence, de cette littérature bon marché .

La symétrie avec la situation en Egypte a été évoquée, et la réponse laissait transparaître que, pour Ennahdha, le lien est bien évident entre les deux développements : les deux révolutions incarnées, à ses yeux, par l’islamisme politique ont les mêmes ennemis. Mais au-delà de cette similitude, le chef nahdhaoui qui occupe le poste de Président du Gouvernement en Tunisie, insinue que son parti n’est pas tombé dans le piège et a consenti les concessions « douloureuses » qui s’imposaient pour sauver la révolution tunisienne.

Le souci premier d’Ali Laârayedh, était d’afficher un bilan positif de son exercice : le taux de croissance de 2012 relativement faible (3.6%) a été majoré par le taux négatif de l’année précédente (-2%). Le détail de l’asphaltage des routes et les nouveaux raccordements des ménages à l’eau potable et au réseau électrique donnent au taux de croissance une connotation sociale qu’Ennahdha ne se soucie guère de revendiquer, donnant la preuve que ces acquis sont l’œuvre de l’Administration.

Ali Laarayedh récuse dans la foulée les informations portant sur une faillite prochaine du pays, et assure carrément que « la Tunisie est très loin de la faillite », et que les alertes lancées à ce propos l’ont été à des fins politiques par des personnes se disant expertes.

Il a indiqué, en outre, que le budget de l’Etat pour l’année 2014 est marqué par la volonté de rationaliser les dépenses se rapportant aux produits de première nécessité et aux hydrocarbures.

L’autre volet, non moins important, est celui du bilan de la lutte du gouvernement contre le terrorisme. L’élan de la réponse d’Ali Laârayedh à cette question cruciale a été directement freiné par l’évocation de l’appartenance de son fils Hichem à Ansar Chariâa . Il se dépense dans une tirade à disculper son fils. D’abord, il nie l’accusation « dénuée de tout fondement  » et la met, ensuite , sur le compte de l’intox qui vise à discréditer le fils , le père et le parti . Il rappelle que Hichem est un membre élu du conseil de la Choura du mouvement Ennahdha, et qu’il est imbu de l’esprit de son parti connu par sa modération.

Ali Laarayedh rappelle que la Tunisie mène un combat contre les groupes fanatiques qui ont brandi les armes face à l’Etat et aux citoyens .Il assure dans ce cadre que l’Etat est allé loin dans le démantèlement de l’organisation Ansar Achariâa, responsable des assassinats de Chokri Belaïd, de Mohamed Brahmi et des martyrs de l’Armée et de l’institution sécuritaire.

Sur le djihad sexuel, il dit que le sujet est troublant , et affirme que les données évoquées ne sont pas sûres , et de conclure qu’il est difficile de trancher sur la question du jihad sexuel, et un examen se révèle encore nécessaire .

Il reste toutefois perplexe et peu convaincant, lorsque le journaliste lui rappelle que c’est le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, qui avait affirmé devant les élus de  l’ANC que des Tunisiennes ont réellement été enrôlées dans le djihad sexuel en Syrie et sont rentrées au pays .

La sortie de la scène politique qui s’annonce pour lui toute proche, l’intéresse tout autant que le bilan de l’exercice de son gouvernement ou la réputation de son fils. C’est pour cela qu’il a tenu à tirer au clair cette fin de période transitoire .Il abandonne le lexique classique de son parti et le discours qu’il a lui-même véhiculé, jusqu’à dernièrement, dans lequel il affirme que son gouvernement ne fait de passation qu’à un gouvernement d’élections et que le sien sera doté de tous les pouvoirs jusqu’au dernier jour . Dans l’interview, il concède que son cabinet expédie les affaires courantes , selon l’usage consacré , dit-il . Il explique les difficultés de la situation en partie par les raccourcis et les approches simplistes qui ont guidé son parti , reconnaissant que la situation s’est avérée beaucoup plus complexe , et que la gestion des affaires de l’Etat n’est pas chose facile .

Il avoue, ainsi, que les délais de l’élaboration de la constitution , quoique pas limités explicitement dans les textes , ont été dépassés , parce qu’ils étaient estimés dans la mémoire collective à un an ou deux au maximum .

Aboussaoud Hmidi

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