AccueilLa UNEL'autre façon de demander des comptes aux élites politiques

L’autre façon de demander des comptes aux élites politiques

La responsabilité sociale est un bien public rare mais très nécessaire. Et comme il est peu probable que le changement arrive par les urnes, les mécanismes de responsabilité sociale représentent des opportunités importantes pour les mouvements sociaux et les groupes d’opposition de concevoir de nouvelles stratégies et de demander des comptes aux élites en place, constate le think tank Arab Reform Initiative (ARI).

En Tunisie,  souligne-t-il ,  depuis les premières élections démocratiques de 2011, les forces politiques ont lutté pour réformer un système socio-économique et des institutions étatiques caractérisés par des décennies de mauvaise gouvernance et de corruption. En juillet 2021, le président Kais Saied a suspendu le parlement, révoqué le premier ministre, fermé l’organe de lutte contre la corruption et gouverne depuis par décret. Le pays souffre également de difficultés économiques, encore aggravées par la pandémie de COVID-19, et d’une résistance continue au processus de démocratisation de la part des élites politiques, bureaucratiques et économiques. Malgré cette résistance, de nombreux individus et associations tunisiens ont continué à démontrer leur capacité à lancer des projets civiques innovants qui font la différence aux niveaux local et national.

Dans une étude couvrant la Tunisie, le Maroc et le Liban, l’ARI ,  fait remarquer que les acteurs de la société civile dans les trois pays ont développé des contre-stratégies pour minimiser la menace de cooptation, d’obstruction ou de sabotage des initiatives de responsabilité sociale par les fonctionnaires et les institutions de l’État. L’un de ces modèles consiste à établir des relations coopératives avec les fonctionnaires, en concevant leur engagement comme un processus d' »accompagnement » basé sur le soutien aux institutions de l’État, plutôt que comme une pure confrontation. Ainsi, les organisations de la société civile utilisent un langage coopératif avec les fonctionnaires, présentant la responsabilisation comme un processus d’établissement de la confiance entre l’État et les citoyens. Ces méthodes « coopératives » comprennent la signature de partenariats avec des ministères ou des municipalités, l’apport d’une expertise et d’un soutien technique aux fonctionnaires (en proposant des formations ou en aidant les municipalités à créer des sites web et des campagnes d’information), ou encore l’aide aux institutions de l’État pour qu’elles gagnent en crédibilité auprès du public (et des donateurs) en créant des comités de pilotage conjoints ou en contrôlant les marchés publics. Les acteurs de la société civile ont constaté qu’offrir les ressources dont les fonctionnaires ont besoin est un moyen efficace de persuader ces derniers de s’engager dans des initiatives de responsabilité sociale.

Coopération et cooptation

En plus des approches coopératives, la société civile a également développé des outils pour faire pression sur les gouvernements, par le biais de la mobilisation sociale ou des litiges, mais aussi par une utilisation sophistiquée des médias sociaux ou grand public, et par une pression sur la réputation en utilisant les relations avec les donateurs internationaux.

Ainsi, les activistes locaux de la région déploient des stratégies pour se situer sur une ligne fine entre coopération et cooptation, et entre conflit et confrontation. Comme l’explique un militant tunisien : « Nous avions l’habitude d’utiliser des méthodes très conflictuelles [dans nos relations avec les fonctionnaires], ce qui fait la réputation de notre organisation…. Mais nous avons constaté que ce n’était pas une solution. On ne peut pas se battre avec [eux] parce qu’ils ont fait quelque chose de mal. Nous devrions leur montrer comment faire les choses correctement, comment rédiger leur règlement intérieur, comment mener un appel d’offres public, comment respecter les lois sur l’accès à l’information. Nous avons donc une nouvelle approche… qui consiste à établir des partenariats avec les institutions… et à passer de la confrontation au soutien ».

Implications pour les donateur

Les acteurs de la société civile au Liban, au Maroc et en Tunisie considèrent les initiatives de responsabilité sociale comme une voie à suivre, mais ils sont limités par les approches actuelles des donateurs. L’accent mis par les donateurs sur l’introduction de mécanismes participatifs dans leurs projets a des effets positifs mais aussi négatifs sur la responsabilité. Par exemple, les programmes de participation financés par les donateurs et dirigés par le gouvernement sont parfois utilisés par les autorités pour imposer des formes de participation citoyenne conçues pour protéger les gouvernements d’une responsabilité totale et exclure les OSC (organisations de la société civile). Ce risque a déjà été souligné dans des études décrivant comment des gouvernements arabes ont usurpé des processus financés par des donateurs internationaux pour renforcer leurs propres réseaux ou vider les réformes de leur substance. Le parrainage d’initiatives qui permettent aux gouvernements de définir les mécanismes de participation ouvre la porte à l’exploitation de la responsabilité sociale.

le financement des donateurs décourage souvent les activités  » politiques  » impliquant des stratégies de confrontation avec l’État. Pour que les OSC puissent bénéficier d’un financement international, elles doivent être politiquement « neutres », ce qui a un effet dissuasif sur la société civile. Enfin, dans un contexte d’autonomie financière limitée, le financement des donateurs encourage la concurrence entre les OSC, ce qui mine davantage les efforts déployés sur les questions qui les concernent toutes. Les donateurs internationaux pourraient jouer un rôle en facilitant les espaces partagés pour encourager les OSC à coopérer tout en leur permettant de fixer leurs propres priorités d’action.

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