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Le paradoxe de Saied : Que va-t-il faire maintenant ?

Deux ans après avoir accédé au pouvoir en tant qu’outsider conservateur et intello, le président tunisien, Kais Saied, fait face à  un autre paradoxe : peut-il sauver la seule démocratie du Printemps arabe par des moyens probablement antidémocratiques ?

Il n’y a pas de réponse immédiate, estime la radio étatique américaine « Voice Of America «  (VOA), au milieu du gué de la suspension de 30 jours du Parlement que Saied a décrétée tout en laissant entendre qu’elle serait  prolongée. Depuis lors, le président de 63 ans a agi sur les chapeux de roue  pour réprimer la corruption présumée, en levant l’immunité parlementaire et en arrêtant ceux qui liés à l’industrie du phosphate, mais aussi en ciblant des députés. Il a fait appel à l’armée, qui semble jusqu’à présent le soutenir, pour une grande campagne de vaccination contre le COVID-19 afin de lutter contre une pandémie galopante.

Mais Saied n’a pas encore remplacé le gouvernement qu’il a mis en congé fin juillet ni proposé de plan global pour sortir de la tourmente politique et économique qui frappe  le pays, note VOA, ajoutant que  certains espéraient qu’il poserait des jalons vendredi 12 août , qui marque une date importante pour les droits de la femme tunisienne. Mais en lieu et place, il a rendu visite à des femmes artisanes.

Alors que de nombreux Tunisiens et certains gouvernements arabes intransigeants l’encouragent, ses adversaires dénoncent un coup d’État. Les gouvernements occidentaux se sont signalés  jusqu’à présent par des réactions réservées bien qu’une délégation américaine en visite à Tunis vendredi ait exhorté Saied à nommer « de toute urgence » un nouveau premier ministre et à rétablir instamment la démocratie parlementaire du pays.

La question est : « Que va faire Saied maintenant ? », a déclaré Brahim Oumansour, analyste de l’Afrique du Nord pour l’Institut français des affaires internationales et stratégiques, un organisme de recherche basé à Paris. « Va-t-il vraiment mener à bien les grandes réformes qu’il a promises aux Tunisiens, et conserver  ces nouveaux pouvoirs temporairement pour faire face à la crise ? Ou les gardera-t-il pour longtemps? »

Un candidat improbable

Constitutionnaliste qui n’est soutenu par aucun parti politique et qui a un penchant pour la langue de bois, Saied semblait un candidat présidentiel improbable en 2019, car il s’est opposé à la politique de l’establishment tunisien. Il a mené une campagne minuscule dans les rues et sur Internet, mais il a remporté une victoire fulgurante, obtenant près des trois quarts des voix au second tour.

L’image propre de Saied lui a également valu le soutien des jeunes électeurs qui en ont assez de la corruption croissante, et ce malgré ses positions conservatrices, mais il s’est heurté à l’impasse du Parlement et à sa composante la plus puissante, le parti islamiste modéré Ennahdha, qui a été un acteur majeur de la Tunisie post-révolution.

« Ses positions conservatrices auraient pu faciliter le dialogue avec Ennahdha », a déclaré l’analyste Oumansour, comparant défavorablement Saied à son prédécesseur expérimenté, Béji Caid Essebsi. « Cela aurait pu l’aider à parvenir à une issue consensuelle pour mieux diriger le pays, mais il a préféré attiser  les divisions au sein du parlement pour renforcer ses pouvoirs. »

Regardé comme un sauveur

Pour l’instant, de nombreux Tunisiens ordinaires considèrent Saied comme un sauveur, et non comme un trouble-fête. Au lieu de s’améliorer, la vie est devenue plus difficile depuis les journées révolutionnaires euphoriques d’il y a dix ans, qui ont déclenché la révolte du Printemps arabe.

La pandémie de coronavirus – qui a fait du taux de mortalité de la Tunisie le plus élevé du Moyen-Orient et d’Afrique – a aggravé la pauvreté, le chômage et la crise budgétaire du pays. Nombreux sont ceux qui imputent la réponse désordonnée du gouvernement à la pandémie aux partis qui se chamaillent, à commencer par Ennahdha. Le coup de force de Saied a fait suite à des manifestations anti-gouvernementales et à des attaques contre les bureaux d’Ennahdha.

« Kais Saied a ouvert la porte sur l’inconnu… et une bouffée d’air frais », a déclaré l’écrivain tunisien Emna Belhaj Yahia dans le journal français Le Monde, décrivant des Tunisiens asphyxiés par leurs innombrables malheurs. « Seule cette possibilité peut expliquer leur joie ».

« Je pense que le président a un peu de temps de grâce quand il s’agit de la rue », a déclaré Fadil Aliriza, rédacteur en chef du site d’information tunisien Meshkal, lors d’un récent forum organisé par le groupe de recherche politique londonien Chatham House. Mais si Saied n’amène pas d’autres acteurs politiques et sociaux à se joindre à lui, Aliriza a ajouté que « son capital politique pourrait diminuer très rapidement. »

Une réponse plus sévère ?

Les États-Unis et les pays européens doivent « adopter des lignes plus dures, même si c’est en coulisses », a déclaré le think tank International Crisis Group, pour engager Saied à présenter une feuille de route détaillée d’ici octobre pour remettre la démocratie sur les rails.

D’autres suggèrent de conditionner l’obtention par la Tunisie de l’aide du Fonds monétaire international, actuellement en cours de négociation, à l’adhésion à des marqueurs de la démocratie tels que l’État de droit et la responsabilité.

Pourtant, les préoccupations occidentales concernant le maintien de la stabilité et de la sécurité dans le monde arabe ont traditionnellement pris le pas sur la rhétorique pro-démocratique, note l’analyste Oumansour.

« Les dirigeants occidentaux ont un rôle clé à jouer pour soutenir la Tunisie », a-t-il ajouté. « Pour l’instant, la Tunisie est une démocratie qui a réussi, malgré sa fragilité et ses  incertitudes. »

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1 COMMENTAIRE

  1. L’urgence n’est-elle pas dans l’instauration de confiance entre les gouvernants et les gouvernés et dans la mise en place d’un nouveau mental basé sur les vraies valeurs du travail productif et sur une meilleure justice pour la répartition des richesses obtenues ?
    Les partis politiques et les organisions des travailleurs et des patrons ne doivent-elles pas coopérer ensemble pour réduire les emprunts en vue de sauver les générations actuelles et futures de l’esclavage financier, responsable de l’esclavage politique et territorial ? Les patrons des syndicats ne doivent-ils pas comprendre que la course vers l’augmentation des salaires à ceux qui travaillent et pour ceux qui sabotent est néfaste pour tous les Tunisiens ? Cette course est en partie destinée à mettre tous les gouvernements à genoux par une sorte de corruption des travailleurs à qui on suscite l’espoir de recevoir toujours plus, sans se soucier des chômeurs et des caisses de l’état. La question de corruption ne doit-elle pas être analysée dans tous ses aspects économiques, sociaux, psychologiques et politiques ? le temps est propice pour mettre en œuvre la métaphore : 10 grammes de bon détergent peuvent nettoyer 10.000 grammes de linge sale sans l’abimer. Le bon détergent existe en bonne quantité chez nous et il faut voir la bonne machine juridique, efficace et peu énergivore. Elle sera alimentée par de fortes puissances intellectuelles qui travaillent à bon rendements et capables de dégager d’importantes énergies humaines en un minimum de temps.
    C’est tout à fait possible par la bonne décision politique et par la bonne organisation et discipline administrative et populaire. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme « M. Lavoisier » .
    Yes we can.

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