On s’attendait ce qu’il annonce le nom de celui qui va accepter d’être un simple Premier ministre, qui ne pourra même pas réunir son Conseil sans que Kais Saïed ne le lui ait permis. On s’attendait aussi à ce que le chef de l’Etat annonce la mise en place du gouvernement qui va gérer le pays, un pays qui peine déjà à verser les salaires et les retraites, et devra bientôt rembourser d’anciens crédits. Face à cette attente, nationale et même internationale, ou qui lui demande de hâter les négociations avec le FMI, le chef de l’Etat tunisien Kais Saïed s’emplpoie à donner l’illusion que la Tunisie est capable de mobiliser les milliards en dizaines, et qui résoudraient tous les problèmes du pays. C’est en fait le sens de cette vidéo d’un chef d’Etat brandissant une copie d’un rapport vieux de 10 ans et dépassé par les évènements, comme on brandirait les clefs d’un tiroir-caisse prêt à décaisser, devant un chef de patronat (Il y en a d’ailleurs deux et on se demande pourquoi il n’a pas invité Tarak Cherif de Conect ?) certainement obligé au silence en présence du CHEF, qui ne pouvait même pas réagir ou corriger ce que débitait un chef de l’Etat, manifestement plus remonté que la commission de Feu Abdelfattah Amor contre les hommes d’affaires.
- Il n’y a jamais eu de liste de 460. Le rapporteur de la commission l’affirme
Et de suite, c’est une nuée de mouches d’une autre couleur à la recherche d’une vendetta populaire de lancer une cabale contre les hommes d’affaires comme en 2011 et 2012, qui inonde les réseaux sociaux d’une liste datant de l’ère de l’ancien président Ben Ali, et comportait des montants d’ENGAGEMENTS et NON d’IMPAYÉS d’un certain nombre d’hommes d’affaires (Lire avant dernier paragraphe de notre article en date de 2014). Certains sont décédés, d’autres ont, depuis, remboursé ces engagements, intérêts bancaires inclus. Pour l’expert-comptable Salah Dhehibi, « il s’agit simplement d’une vieille liste de la BCT, d’avant la révolution, et comportant des engagements et non des impayés, à laquelle ont été ajoutés des noms-cibles » de courroux.
Le chef de l’Etat a, par contre, parlé d’une liste de 460 hommes d’affaires, soupçonnés d’avoir détourné des fonds publics ou de ne pas avoir remboursé des crédits, et qui pourraient être concernés par une prochaine sienne initiative de réconciliation judiciaire. « Nous n’avons pas de liste, et le rapport de la commission Abdelfattah Amor ne comportait aucune liste de noms », c’est ce qu’affirme le Doyen Néji Baccouche qui était le rapporteur de ladite commission. Et le Doyen de nous préciser que « nous avions effectué à peu près 450 déferrements au parquet. Et un seul déferrement peut très bien concerner plusieurs personnes, ou une seule pourrait figurer dans plus d’un déferrement. Je suis le rapporteur général de la Commission nationale d’investigation sur les faits de corruption et de malversation, et je ne me rappelle pas qu’on ait fait une telle liste ». Il faut croire que le droit privé (civil) est totalement différent du droit constitutionnel.
- Faire le tri entre les bons et les mauvais payeurs
Dans ces déferrements, il y n’y a pas , du reste, que les hommes d’affaires, ou les grands dossiers comme on pourrait l’imaginer. « Il s’agissait parfois de petites affaires, et pas nécessairement relatives à des hommes d’affaires » dit encore le Doyen Néji. Et ce dernier de se rappeler celle, par exemple, d’une banque qui a renvoyé un de ses employés, ou de ce grand homme d’affaires qui a payé ses dettes, dès qu’il avait été appelé. Dhehibi rappelle aussi que « il faudrait, dans ce qui reste de la véritable liste, extraire ceux qui ont déjà payé leurs crédits, ceux qui ont été placés en règlement judiciaire et qui ont des jugements définitifs dans ce sens, pour que l’on ne se retrouve pas dans une situation de dichotomie, jugement contre jugement. Il n’en restera certainement que quelques personnes qui n’accepteront pas, et pour lesquels la voie judiciaire sera la meilleure, mais demandera beaucoup de temps ».
- Un coup d’épée dans l’eau, ou une mesure avec un Hic ?
Dans ces déferrements, il faut aussi inclure la fameuse liste des 120 confisqués. Pour certains, ils ne possèdent désormais plus rien. Pour d’autres, comme Imed Trabelsi, l’argent qui lui manquerait pour rembourser ses chèques impayés pour lesquels il est en prison, est déjà confisqué et l’Etat refuse encore les 235 MDT de sa punition. D’autres encore étaient entrés dans le process de la justice transitoire, ont payé ou s’y sont déjà engagés. Les inclure dans le nouveau process de la réconciliation judiciaire que préparerait Kais Saïed équivaudrait à casser des jugements déjà rendus. D’autres encore sont toujours en justice pour déterminer s’ils avaient réellement fait fortune grâce à Ben Ali. Pour ce qui pourrait rester de cette fameuse liste des 450 déferrements, les processus judiciaires pourraient être trop longs pour risquer d’aboutir immédiatement à des ententes pour financements de projets dans les régions les plus déshéritées avec garantie décennale comme le voudrait Kais Saïed.
Sinon, le chef de l’Etat, ne précisait pas non plus devant le patron des patrons, qui n’a d’ailleurs aucun pouvoir de coercition sur les hommes d’affaires, s’il s’agissait d’impayés auprès de banques publiques ou privées. Auquel cas, les privées n’ont rien avec les deniers de l’Etat, et sont seuls responsables de leurs impayés. Sinon, même pour les banques publiques, elles n’auraient qu’à vendre les garanties prises pour recouvrer l’argent du peuple, et si crédit sans garantie, c’est la banque qui en reste responsable et tout se dénoue devant la justice !
Interrogé ensuite s’il est possible, comme le disait jeudi soir le chef de l’Etat devant le patron des patrons, de faire ce qu’il appelle la réconciliation judiciaire, Néji Baccouche est resté dubitatif. « Non je ne crois pas que cela se fasse. Il faudrait d’abord préciser et décider en vertu de quoi cet argent est dit spolié. Nous avions X ou Y, pour lesquels Ben Ali était intervenu pour qu’il ne paie pas des impôts. L’un d’eux, par exemple, on l’avait convoqué, il avait tout payé et nous en avait alors apporté les preuves écrites. Pour moi, en définitive, ce ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau ».
L’expert-comptable Salah Dhehibi est plus nuancé à ce propos. « En théorie, c’est faisable. Dans la pratique, il faut une loi qui mette en place cet édifice. Qui adoptera cette loi, alors que les prérogatives de l’ARP sont gelées ? Le décret, si décret il y aura, suffira-t-il et sera-t-il assez détaillé et précis »
- Et baisser les prix, c’est possible ?
Et c’est certainement l’idée répandue à Carthage que le secteur de distribution est un secteur de rente (le mot est généralement dit avec un certain dédain malgré ses masses salariales et les taxes et impôts qu’il paie), que le secteur commercial est rentable « sur le dos du consommateur », est tout aussi populiste.
A fin 2020, Monoprix était déficitaire de 644.058 DT, malgré des revenus de plus de 635,274 MDT, et à cause des 623,368 MDT de charges dont les 55,224 MDT de charges salariales et les 5,124 MDT de charges financières. Magasin Général aussi, signait un déficit de 37,032 MDT à fin 2020, malgré des revenus d’exploitation de plus d’un Milliard DT, à cause des 1,021 Milliard DT de charges d’exploitation, dont 84,571 MDT en salaires, et 42,517 MDT de charges financières nettes.
Les hypermarchés Géant, Carrefour, ne sont pas dans un meilleur état selon des sources professionnelles officielles, ni même Aziza, malgré sa ribambelle de points de vente et ses prix parfois cassés.
Tout ce beau monde pourra faire un geste, comme le coutumier 5 % à l’occasion des fêtes. Est-ce que ce sera suffisant ? De plus, tout ce beau monde desdits rentiers, exerce dans un cadre législatif où les marges sont fixées par l’Etat, et pour les petits commerçants, avec des prix homologués. De plus, le prix est aussi composé d’un ensemble de coûts incontrôlables, comme celui des carburants, des composants, des semi-produits et des matières premières, TOUTES importées par des devises mouvantes.
- Où est alors la véritable solution pour trouver l’argent ?
Le véritable effort à faire, si le chef de l’Etat le veut réellement, doit être fait dans les circuits parallèles, les contrebandiers qui brassent des milliards en DT et en devises. L’effort à faire, si Kais Saïed est sérieux, devra l’être auprès de non et sous-déclarants fiscaux, notamment dans les professions libérales. L’argent est là, et nulle part ailleurs. Les chambres froides et les dépôts de stockage ont des adresses connues qu’il suffira d’ouvrir.
Des conventions internationales signées par la Tunisie permettent même la confiscation civile pour accéder à ces Milliards DT, toujours en dehors des circuits officiels ? Mais qui entendra la voix de la raison ? Certainement pas les illusionnistes (donner l’impression d’avoir trouvé la solution miracle) et ceux qui préfèrent les discours populistes ! Un discours qui risquerait de relancer cabale, colère et vindicte populaire. Le pays a-t-il besoin de ça ?